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Dans les dernières semaines, des élus se sont scandalisés de découvrir que la province avait accueilli un nombre record de 346 000 résidents non permanents au début de 2023. Si ce chiffre provoque une onde de choc aussi importante, c’est parce que le gouvernement du Québec a martelé que nous avons une capacité limitée d’admettre des immigrants.

Selon lui, il ne faudrait pas dépasser 50 000 immigrants économiques par année. Or, la distorsion entre cette vision et la réalité ne pouvait être plus grande ! Les lois du marché sont prédominantes, et pour assurer la croissance de nos entreprises – quand ce n’est pas simplement leur survie –, il a fallu se tourner vers l’immigration temporaire.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Karl Blackburn, président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec

Ce n’est donc pas surprenant que les employeurs québécois se soient tournés vers les travailleurs étrangers temporaires (TET). Ceux-ci parviennent à répondre en partie à nos besoins pressants en main-d’œuvre, mais cette façon de fonctionner n’est pas la panacée. Les entreprises doivent gérer le fort taux de roulement des TET. Un autre désavantage est qu’il n’y a pas d’incitations à offrir de la formation alors que l’acquisition de compétences est primordiale dans la nouvelle économie. Ce sont des freins à la productivité des entreprises.

Malgré tout, le nombre de TET a connu une croissance de 350 % depuis 2019. Le dépôt de demandes d’études d’impact sur le marché du travail (EIMT) est aussi en constante augmentation depuis le début de 2023.

Certes, ces gens sont cruciaux pour notre économie, mais la plupart ne peuvent rester au Québec. Ils repartent vers leur pays d’appartenance, une fois le travail accompli, sous prétexte que nous n’avons pas la capacité d’accueil pour les recevoir !

C’est malheureux parce qu’au-delà des chiffres, on ne favorise pas une réelle inclusion de nos immigrants. On fait abstraction du projet de vie de ces personnes venues ici pour améliorer leur sort, et le nôtre.

Comment espérer devenir un citoyen à part entière, s’impliquer dans la communauté et apprendre le français quand l’on vous affuble d’une étiquette de temporaire ?

Ça ne sert personne que Québec et Ottawa aient une vision si diamétralement opposée quant au nombre d’immigrants permanents à accueillir. Il faudrait un juste milieu pour garantir à long terme le poids démographique et politique du Québec dans la fédération tout en étant sensible aux réactions de la population d’accueil. En effet, le nombre élevé d’immigrants proposé par le fédéral pourrait nous exposer à un backlash, comme l’ont vécu certains pays d’Europe où les niveaux migratoires n’étaient plus considérés comme socialement acceptables.

Des changements à apporter

Récemment, Québec a annoncé vouloir faire le ménage en révisant à la hausse le nombre d’immigrants permanents et en revoyant le Programme de l’expérience québécoise (PEQ). On ne peut que saluer cette volonté. La réforme du PEQ achevée en 2020 avait ajouté des barrières inutiles à l’admissibilité d’un programme qui avait pourtant fait ses preuves en matière d’intégration et d’inclusion.

Mais il faudra aller plus loin. S’attaquer à la bureaucratie et à la charge administrative serait aussi bienvenu, car trop de candidats motivés à s’établir ici voient leur espoir anéanti en raison de la paperasse et des délais qui n’en finissent plus.

Comme le Québec est en concurrence avec le reste du monde pour attirer les meilleurs talents, parfaire notre capacité d’accueil, tant dans la région métropolitaine qu’en région, est urgent. On doit également protéger coûte que coûte notre langue. Comme il est illusoire de penser que 100 % de nos futurs arrivants maîtriseront le français à leur arrivée, il est impératif que la francisation soit à la portée de tous.

Rendons-nous à l’évidence : on ne peut pas se passer de l’immigration, surtout avec le vieillissement accéléré de notre population. Mais il ne tient qu’à nous de simplifier nos programmes et de faire du Québec une véritable terre d’accueil pour les nouveaux arrivants.

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