L’Agence spatiale canadienne (ASC) ne manque pas de boulot. Occupée à superviser l’assemblage du troisième bras canadien robotisé, qui sera utilisé en 2028 dans la station spatiale lunaire, et pleinement impliquée dans le lancement prochain de deux rovers canadiens qui vont sillonner le sol de la Lune, l’ASC nage pleinement dans l’exploration de l’espace lointain. Lisa Campbell, PDG de l’Agence spatiale canadienne, nous explique comment le Canada se positionne dans cette industrie qui s’élèvera à 1000 milliards d’ici 2040.

Les investissements importants de 1,4 milliard dans l’exploration de l’espace lointain qui ont été annoncés dans le dernier budget du gouvernement fédéral ont un effet direct sur les activités de l’Agence spatiale canadienne, dont le siège social est situé à Saint-Hubert, en banlieue de Montréal.

Après le bras robotisé canadien qui a permis durant 30 ans à la navette spatiale de la NASA de réaliser de multiples manipulations et le Canadarm2 qui a été déployé sur la Station spatiale internationale, un nouveau bras spatial canadien, le Canadarm3, sera lancé en 2028 pour équiper la station spatiale lunaire.

« C’est l’entreprise MDA, basée à Brampton, en Ontario, et à Sainte-Anne-de-Bellevue, qui est responsable de la fabrication du troisième bras canadien. Il sera installé sur la station spatiale lunaire qui va rester en orbite autour de la Lune, mais qui va accueillir régulièrement les astronautes en mission sur la Lune pour y réaliser des expériences », m’explique Lisa Campbell.

Avocate de formation, Lisa Campbell a œuvré dans le secteur privé et comme haute fonctionnaire du gouvernement fédéral. Elle est devenue PDG de l’Agence spatiale canadienne en septembre 2020, à la suite d’un concours. Visiblement emballée par la recherche spatiale et l’exploration de l’espace lointain, Lisa Campbell donne l’impression d’y avoir consacré sa vie.

Je travaille avec une équipe formidable. L’industrie spatiale est en pleine expansion, c’est 23 000 emplois au Canada, et l’industrie génère des revenus de 5 milliards par année. Il y a aujourd’hui plus de 90 pays impliqués dans l’industrie spatiale mondiale et on prévoit qu’elle va totaliser des revenus annuels de 1000 milliards d’ici 2040.

Lisa Campbell, PDG de l’Agence spatiale canadienne

L’Agence spatiale canadienne emploie plus de 700 personnes – dont plus de 300 ingénieurs – à son siège social de Saint-Hubert et à son bureau de Gatineau. Elle a aussi des employés dépêchés à Houston, à Washington et en Europe. Son budget annuel est de près de 400 millions.

« Dans le dernier budget, on a obtenu des fonds additionnels de 1,4 milliard pour des projets spéciaux, soit le développement d’un nouveau rover lunaire utilitaire qui va permettre aux astronautes de se déplacer sur la Lune. On prévoit y investir 1,2 milliard sur 13 ans.

« On a obtenu 150 millions sur cinq ans pour développer le programme d’accélération de l’exploration lunaire et 76 millions pour la réalisation de projets scientifiques », précise Lisa Campbell.

L’ASC a également investi 43 millions pour la fabrication d’un premier rover lunaire canadien qui partira en 2026 à la recherche d’eau et d’hydrogène sur la Lune, beaucoup plus petit (30 kg) que le rover utilitaire qui servira au transport et à la logistique des équipes d’astronautes lunaires.

Lancement souverain de satellites

Le rôle principal de l’ASC est d’utiliser la recherche spatiale pour développer des technologies et des connaissances qui pourront servir aux entreprises et institutions canadiennes.

« On s’implique dans quatre grands domaines : la robotique avec le développement du bras canadien et des rovers robotisés, l’environnement et les changements climatiques par notre réseau de satellites, et les recherches sur la santé et la nutrition dans l’espace qui pourront servir ici sur la Terre », explique la PDG.

En janvier dernier, l’Agence spatiale canadienne a annoncé, de concert avec le ministère des Transports, le déploiement prochain de satellites à partir de rampes de lancement au Canada.

« On veut favoriser les entreprises canadiennes, leur assurer une souveraineté de lancement avec des bases situées au pays. Il y a déjà une entreprise, Maritime Launch Services, qui sera bientôt en mesure de le faire à partir d’une rampe de lancement en Nouvelle-Écosse où elle peut offrir l’accès aux meilleures orbites.

« On prévoit aussi développer des stations de lancement dans le Nord canadien, parce qu’elles offrent elles aussi des trajectoires d’orbite favorables. Il y a des entreprises comme Reaction Dynamics, de Saint-Jean-sur-Richelieu, qui développent des fusées de lancement hybrides. C’est un marché qui a un fort potentiel », souligne Lisa Campbell.

On le sait, l’espace est déjà bien encombré de satellites de toutes sortes. Ne craint-on pas la formation d’une mégaconstellation de ces engins autour de la Terre ?

« C’est un enjeu, et c’est pourquoi on fait partie des 23 pays signataires des accords Artémis pour limiter les débris spatiaux. Il y a même des entreprises qui se spécialisent dans la récupération de ces débris et leur recyclage. On peut en faire une économie circulaire », observe la PDG.

Les données satellitaires servent à plus de 70 organismes et services canadiens dans les domaines de l’agriculture, de l’environnement, de la météo, des changements climatiques ou de l’armée ; elles sont d’une utilité immense, poursuit la gestionnaire.

« On est signataire de la charte internationale Espace et catastrophes, ce qui nous permet de venir en aide rapidement à des pays ou des régions en partageant nos images satellitaires, c’est un service essentiel », précise Lisa Campbell.