Trois grandes caisses de retraite du pays n’entendent pas retirer leurs investissements de la Chine. La journée où le Canada expulse un diplomate chinois, de hauts dirigeants de grandes caisses de retraite ont justifié leurs investissements devant les parlementaires lundi soir à Ottawa.

L’Office d’investissement du Régime de pensions du Canada, équivalent canadien de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) qui gère les actifs du Régime de rentes du Québec, détient 9,8 % de ses avoirs en Chine. Ce pourcentage est de 2 % à la Caisse de dépôt et de 3 % chez Investissements PSP, gestionnaire d’actifs des caisses de retraite des fonctionnaires fédéraux et des membres des Forces armées.

Aucune des trois grandes caisses, qui gèrent à elles trois près de 1000 milliards de dollars, n’a annoncé de retrait complet de la Chine ou encore de réduction de son exposition au marché chinois.

La Caisse de dépôt, qui a annoncé en mars la fermeture de son bureau de Shanghai d’ici la fin de l’année, n’a pas abordé ce sujet lors de sa comparution devant le Comité spécial sur la relation entre le Canada et la Chine. La CDPQ a ouvert son premier bureau chinois en 2009. Après la fermeture de Shanghai, les activités seront dirigées de Singapour.

Investissements RPC et Investissements PSP ont chacun un bureau à Hong Kong.

« Il y a un risque à ne pas être exposé à la Chine »

La Chine représente 20 % de l’économie mondiale et elle a été responsable du quart de la croissance économique mondiale au cours de la dernière décennie, a expliqué Vincent Delisle aux membres du comité spécial. « Elle contribue à notre diversification et à la performance à long terme de nos déposants », a souligné le premier vice-président et chef, marchés liquides, à la Caisse de dépôt.

« Il y a un risque pour nos déposants à ne pas être exposé aux marchés émergents », a renchéri Michel Leduc, directeur général principal et chef mondial, affaires publiques et corporatives, d’Investissement RPC. À ses yeux, le marché émergent par excellence que l’on doit connaître est la Chine. Il reconnaît toutefois que les risques sont en progression depuis cinq ans.

En gros, les représentants des trois grandes caisses de retraite ont dit appliquer rigoureusement les critères ESG dans leurs décisions d’investissement. Ils ont dit tenir compte des tensions géopolitiques et de la dégradation des relations entre le Canada et la Chine en réajustant à la hausse la prime risque-rendement liée aux investissements réalisés dans l’empire du Milieu. L’expulsion d’un diplomate chinois s’inscrit dans cette dynamique.

L’évènement d’aujourd’hui a été discuté par nos équipes à Montréal et Toronto. Nous aurons certainement une autre discussion sur ses répercussions. La prime de marché intègre-t-elle correctement les risques encourus ?

Eduard van Gelderen, vice-président principal et chef des investissements chez Investissements PSP

À la Caisse de dépôt, on privilégie les investissements liquides, par exemple des actions de sociétés cotées en Bourse. Un tel investissement permet d’ajuster le portefeuille plus rapidement, a avancé M. Delisle. Environ 60 % de ses avoirs en Chine sont sous forme liquide et 40 %, dans des actifs réels, comme l’immobilier, qui sont moins liquides. Ces 40 % représentent un actif d’environ 4,4 milliards, principalement des biens immobiliers.

La Caisse dit ne pas investir dans des entreprises visées par les sanctions décrétées par le Canada, que ce soit en gestion active ou passive, dans ce cas en appliquant des filtres.

RPC détient encore du Tencent (TikTok)

« Pourquoi êtes-vous encore investi dans Tencent ? », a demandé la députée libérale Jean Yip à Michel Leduc, d’Investissements RPC.

L’entreprise chinoise, propriétaire de WeChat, ByteDance et TikTok, joue un rôle dans les activités de surveillance et de propagande du gouvernement chinois à l’intérieur de la Chine, selon l’organisme Human Rights Watch.

« C’est un investissement que nous avons fait il y a presque dix ans, a expliqué M. Leduc. Nous reconnaissons que l’organisation a évolué et changé. Des questions liées à leurs activités ont fait surface depuis. Nous sommes saisis de cette question et nous la suivons de très près. »

Le député conservateur Kyle Seeback a demandé l’avis des responsables des trois caisses sur une possible législation fédérale leur interdisant de détenir des sociétés apparaissant sur des listes d’entreprises irrespectueuses des droits humains.

« Ça risque d’être un instrument rigide pouvant avoir des conséquences inattendues sur notre capacité à investir de par le monde », a répondu Michel Leduc, d’Investissements RPC. Il préfère s’en remettre au processus de vérification préalable de son organisation, qui évite ce genre d’investissements.

M. Delisle a dit qu’il revenait aux législateurs de fixer le cadre réglementaire et que la Caisse allait s’y conformer.