Alors que la crise climatique nous rappelle sa présence à coup de catastrophes naturelles, il existe un indice qui permet de la quantifier : le coût social du carbone. Le dernier rapport du gouvernement canadien indique que chaque tonne de carbone cause 250 $ de dégâts à la société1.

Ce n’est pas un chiffre à prendre à la légère, il offre une façon de déterminer l’action climatique « optimale ».

À titre d’exemple, les subventions pour les voitures électriques coûtent 340 $ par tonne de réduction⁠2, tandis que les mesures d’efficacité énergétique (isolation, thermopompe, etc.) peuvent réduire le coût à moins de 100 $ par tonne, selon la firme Dunsky⁠3. La logique économique est donc que toute politique qui réduit une tonne de carbone en dessous du coût social est désirable.

Or, l’inverse n’est pas forcément vrai. Ce n’est pas parce qu’une politique est coûteuse qu’elle est systématiquement indésirable. Il y a d’autres éléments à prendre en compte, tels que la justice climatique, les retombées économiques et l’innovation.

De plus, le coût social du carbone permet également d’informer la population sur la soutenabilité de leur mode de vie.

En guise d’illustration, un vol Montréal-Paris ou une voiture Corolla (roulant 20 000 km/an) imposent un coût social de carbone annuel de 500 $, alors qu’un VUS et un F-150 imposent respectivement des coûts sociaux de 1000 $ et 1750 $, et ce, annuellement⁠4. D’ailleurs, un végétarien cause moitié moins de dommages à la société (375 $/an) par rapport à son homologue carnivore (750 $/an).

Ne pas confondre avec le prix sur le carbone

Toutefois, attention de ne pas confondre le coût social du carbone et le prix sur le carbone, ce sont deux choses bien distinctes. Alors que le premier est une information sur le coût social d’une tonne de carbone – particulièrement utile dans les analyses coûts-bénéfices –, le second est une politique nationale ; c’est le prix qui doit être payé par les pollueurs⁠5. D’ailleurs, le coût social du carbone n’égale généralement pas le prix sur le carbone.

Dans le cas canadien, le prix de la tonne de carbone est de 65 $ et atteindra 170 $ en 2030, alors qu’avec la Bourse du carbone du Québec, ce prix devrait rester en dessous de 100 $ d’ici 2030 – Québec offre des crédits carbone en excès⁠6, 7. Notons que les deux possèdent le même coût social du carbone (250 $/tonne), mais diffèrent dans leurs applications.

Or, pourquoi diffèrent-ils ? La réponse courte : le politique.

La pensée économique est élégante à cet égard : en présence de pollution, il faut mettre un prix (ou une subvention) égal au coût social de cette pollution pour retrouver l’optimalité économique.

Nous devrions donc faire correspondre le prix sur le carbone au coût du carbone.

Le double dividende climatique

Fixer le prix du carbone au coût social du carbone n’est cependant pas sans défi. Augmenter la taxe carbone risque d’augmenter le prix des biens polluants et pourrait affecter la situation financière des ménages.

Or, le gouvernement fédéral a inclus cet aspect à même sa politique de tarification carbone. Il utilise le double dividende – soit le revenu récolté de la taxe carbone – pour redistribuer la richesse. Une famille albertaine de quatre individus reçoit donc 1500 $ par an. De plus, puisque les riches consomment davantage, 80 % des ménages canadiens reçoivent davantage de crédits carbone qu’ils n’en paient. Cette politique ne fait donc pas que combattre les changements climatiques, elle est aussi redistributive !

Québec utilise son double dividende autrement. Au lieu de redistribuer, il stimule l’innovation et les projets « verts » par l’intermédiaire du Fonds vert – dorénavant nommé Fonds d’électrification et de changements climatiques.

Le coût social du carbone est un outil indispensable : il condense les dommages causés par les changements climatiques, permettant donc d’éclairer les décideurs publics.

Un coût social sur le carbone élevé facilite le financement des politiques climatiques, telles que les transports en commun, et met des bâtons dans les roues des projets polluants, tels que l’expansion d’autoroutes et l’exploration pétrolière et gazière.

Deux cent cinquante dollars la tonne de carbone est un rappel que notre rythme de consommation est insoutenable.

C’est un appel à l’action.

1. Lisez « Le coût économique est cinq fois plus élevé que prévu » 2. Consultez une étude sur le programme Roulez vert (en anglais) 3. Consultez un rapport préparé pour le gouvernement 4. Lisez « Vos placements polluent autant qu’un VUS »

5. Notons que ces systèmes sont complexes et offrent des crédits gratuits. C’est donc le prix marginal d’une tonne de carbone.

6. Lisez « Que faire avec le marché du carbone ? » 7. Lisez « Le marché du carbone et nos cibles climatiques »