ArcelorMittal aurait mis des bâtons dans les roues d’enquêteurs en environnement au complexe minier du Mont-Wright, où la multinationale a déjà écopé d’une amende salée. Des représentants du géant sidérurgique sont susceptibles d’être visés personnellement si les infractions alléguées, qui sont contestées par l’entreprise, sont prouvées.

Se disant incapable d’obtenir les informations demandées, une inspectrice chez Environnement et Changement climatique Canada a convaincu un juge de signer deux ordonnances de communication, le mois dernier. Les documents n’émaneront pas de la filiale canadienne d’ArcelorMittal, mais de deux ministères québécois, qui peuvent fournir les informations demandées, selon les documents déposés au palais de justice de Montréal.

Les infractions alléguées seraient survenues en septembre dernier. Dans ses déclarations sous serment, l’enquêtrice Nathalie Ricard explique s’être butée à une fin de non-recevoir dans le cadre d’une inspection concernant des effluents miniers – des résidus qui peuvent contenir des substances toxiques.

« La compagnie a mentionné par courriel que certaines questions et demandes de l’agent étaient jugées non pertinentes et n’obtiendraient pas de réponse », affirme-t-elle.

En vertu d’une directive fédérale, le géant établi au Luxembourg doit annuellement produire quatre rapports pour démontrer qu’il respecte les exigences sur les effluents miniers en plus de cesser de rejeter des substances jugées toxiques. C’est dans ce contexte que l’agente des pêches s’est rendue sur le site, en juin 2022. Elle désirait faire la lumière sur des allégations de « rejets non autorisés contenant des substances nocives », souligne la déclaration sous serment.

On ignore qui, chez ArcelorMittal, aurait refusé de fournir les informations demandées par l’inspectrice. La déclaration sous serment n’en fait pas mention. Mme Ricard tentait notamment d’obtenir une « stratégie de surveillance des eaux souterraines » et des résultats d’échantillonnage pour un autre secteur du complexe minier, le plus important gisement de fer à ciel ouvert au pays.

Les faits reprochés contreviendraient à la Loi sur les pêches. Les allégations d’Environnement et Changement climatique Canada n’ont pas encore été testées devant les tribunaux. Dans une déclaration envoyée par courriel, la directrice des communications chez ArcelorMittal, Annie Paré, a affirmé que la compagnie n’avait « pas reçu signification » des ordonnances de communication.

« Nous n’avons commis aucune entrave en septembre 2022, écrit-elle, nous collaborons pleinement avec les agents d’Environnement Canada. »

Plus qu’une fois

Au Mont-Wright, la multinationale s’est fait taper sur les doigts à plus d’une reprise en matière d’environnement. En juin dernier, elle avait été condamnée à une amende de 14,5 millions après avoir plaidé coupable, à l’automne 2021, à plus de 90 chefs d’accusation pour des infractions qui se sont échelonnées de 2011 à 2013. La cause se trouve devant la Cour d’appel du Québec.

La compagnie aurait cependant continué à polluer les cours d’eau situés à proximité du complexe situé sur la Côte-Nord, selon une récente déclaration sous serment d’un enquêteur d’Environnement et Changement climatique Canada que La Presse a pu consulter. La multinationale pourrait ainsi se retrouver en situation de récidive, ce qui s’accompagne d’une amende de 1 million par chef d’accusation.

Dans le cas des soupçons d’entrave, puisque ce sont des représentants d’ArcelorMittal qui ont refusé, par courriel, de répondre aux demandes de l’inspectrice, il pourrait y avoir des conséquences en cas de reconnaissance de culpabilité.

Selon la Loi sur les pêches, en cas d’infraction d’une personne morale – comme une entreprise –, « ses dirigeants, administrateurs ou mandataires qui l’ont ordonnée ou autorisée […] sont considérés comme des coauteurs ».

Alain Branchaud, directeur général de la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec), déplore la tournure des évènements. À son avis, ArcelorMittal tente simplement de « gagner du temps ».

« Elle cache des informations et elle interjette appel quand il y a des amendes, dit-il. C’est juste pour gagner du temps et décourager le gouvernement de faire son travail. »

Plutôt que des « amendes qui enlisent l’État dans des recours juridiques sans fin », M. Branchaud propose une autre approche : obliger un arrêt temporaire des activités quand « la responsabilité d’autorégulation est mal assumée » pour « confier à un tiers, aux frais de l’entreprise, le suivi et la divulgation de ses rejets ».

Lisez l’article « ArcelorMittal encore montrée du doigt par Environnement Canada »
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  • 1974
    Année où les activités ont démarré au complexe du Mont-Wright
    SOURCE : arcelormittal