(Montcalm) Imaginez que vous faites une randonnée alpine pour aller skier dans une montagne qui n’est pas accessible en télésiège. Vous allez pouvoir dévaler des pentes d’un blanc immaculé. Mais vous allez aussi devoir remonter par vos propres moyens entre chaque descente.

Qu’est-ce qui se passerait si un moteur électrique compact accroché à une corde fixe vous permettait de glisser sans effort vers le sommet ?

C’est le système de remontée qu’a inventé l’avocat et entrepreneur montréalais Alex Archambault.

« Quand les gens l’essaient, le déclic se fait dans leur tête, dit-il. Ils se demandent pourquoi personne n’avait pensé à ça. »

L’idée d’un tel système lui est venue en octobre 2020, quand un ami planchiste a réalisé un tournage dans une zone reculée des montages Rocheuses, en Colombie-Britannique, et a dû faire 20 remontées à pied, sa planche sur le dos, durant la journée.

« Il était complètement épuisé à la fin, et se demandait s’il n’y avait pas un moyen d’utiliser un moteur électrique pour faire une sorte de remonte-pente portatif. »

Alex Archambault connaît bien les moteurs électriques : avocat spécialisé en propriété intellectuelle, il a quitté son emploi il y a cinq ans pour se consacrer à temps plein à la société Lacroix, qui fabrique des planches à roulettes électriques flexibles faites d’érable et de fibre de carbone.

Lancée dans son sous-sol du Mile End, Lacroix (le nom est un clin d’œil à la croix du Mont-Royal) a déménagé l’été dernier dans un nouveau siège social et atelier de design de près de 500 mètres carrés à Montcalm, près de Morin-Heights, dans les Laurentides.

C’est là qu’Alex Archambault a pu terminer la conception de sa dernière invention. Baptisé Harpoon, le moteur de 4500 watts est capable de tirer jusqu’à trois skieurs à la fois. Il est équipé d’une mallette étanche et résistante aux chocs qui contient une batterie au lithium semblable à celle que l’on trouve dans les véhicules électriques, et que l’utilisateur qui actionne le moteur transporte dans un sac à dos. Chaque batterie contient assez d’énergie pour effectuer cinq remontées.

L’entreprise produit aussi le Vortex, un système de propulsion qui permet de transformer une planche de surf foil ou de SUP en une planche électrique qui semble « flotter » au-dessus d’un plan d’eau.

Un outil aux usages multiples

Lacroix est située sur un terrain de près de 150 hectares, qui comprend une montagne recouverte de forêt. Alex Archambault compte construire de petits chalets au pied de la montagne, et faire de l’endroit le premier centre skiable à remonte-pente électrique.

« On va avoir des chalets, le lac, des sentiers de vélo de montagne… On veut faire vivre une expérience aux gens », dit-il.

L’avantage des remonte-pentes électriques est qu’ils ne défigurent pas la montagne. Même pas besoin d’aménager un sentier pour la remontée : avec le Harpoon, le skieur peut littéralement glisser parmi les arbres pour filer vers le sommet. Pour l’utiliser, il suffit d’attacher la corde à un arbre près du sommet.

La Presse a pu essayer le système récemment. La sensation de glisser vers le haut est étonnamment facile à apprivoiser. Tout à coup, on voit le potentiel partout. Chaque terrain en pente devient une zone de ski potentielle.

À 4080 $, le Harpoon vient avec une corde spécialisée conçue par une entreprise montréalaise et qui peut passer des mois dans la neige sans s’user. D’une longueur de 500 mètres, la corde pèse moins de 5 kilos.

À ce prix, le produit n’est pas conçu pour la consommation de masse. Parmi les clients potentiels, Lacroix a ciblé les entreprises récréotouristiques, les groupes de secours en haute montagne, les sociétés produisant du matériel de montagne et de sécurité, les corps policiers et même l’armée.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

L’entrepreneur Alex Archambault dans l’atelier de design de Lacroix, à Montcalm, dans les Laurentides

« Déplacer des charges lourdes en zone montagneuse se fait souvent à bras, et ça n’a pas vraiment changé depuis la nuit des temps, dit Alex Archambault. Avec cette invention, on peut transporter beaucoup plus de poids, beaucoup plus vite. Par exemple, remonter une civière le long d’une paroi devient très facile. »

Il note qu’un tel remonte-pente pourrait aussi intéresser l’industrie du ski en hélicoptère, qui doit composer avec des restrictions sur le niveau de bruit et le temps de vol dans les zones reculées. En France, par exemple, la loi interdit l’héliski depuis les années 1980, quand des guides du Mont-Blanc se sont plaints du bruit et des impacts environnementaux de cette pratique.

À ce sujet, Alex Archambault travaille à adapter son invention pour qu’un groupe de 10 skieurs puisse être tiré par un seul moteur.

« Avec des remonte-pentes électriques, les skieurs peuvent skier toute la journée sans polluer et sans faire de bruit, et ils peuvent faire beaucoup plus de descentes parce qu’ils remontent rapidement sans s’épuiser. »