Cette semaine, Monique Leroux, administratrice de sociétés, conseillère principale chez Fiera Capital et conférencière à l’Institut de leadership, répond à nos questions sur le leadership.

Que faut-il faire pour moderniser les conseils d’administration ?

Ma réponse va être classique. Dans un premier temps, il doit y avoir une prise de conscience de la part du PDG, du président et de tous les membres du conseil de l’importance d’un leadership inclusif. Il y a toutes sortes de diversités, mais la dimension homme-femme est fondamentale. Si on n’est pas capable d’atteindre ça, c’est difficile d’atteindre le reste. Au-delà de se donner des règles, il y une question d’état d’esprit où on reconnaît l’avantage et la nécessité d’avoir une table de conseil qui représente les parties prenantes de notre organisation.

Si vous deviez choisir un seul élément à changer de toute urgence pour faire en sorte qu’il y ait plus d’équité, d’inclusion et de diversité dans votre domaine, quel serait-il ?

C’est vraiment l’élément « éducation » qu’il faut changer dans nos écoles. Avoir plus de filles qui vont prendre des parcours en mathématiques, en ingénierie et en technologie. Dès le secondaire, les filles doivent développer un leadership tourné vers l’action et l’ambition.

Souvent, les meilleurs en sciences vont aller en sciences de la santé et devenir médecin. Là, on n’a pas de problème de parité. Tandis que dans le volet plus dur des sciences, on a encore du gros boulot à faire.

Pour les femmes qui ont des rôles de leadership actuellement dans la société, on a une responsabilité d’en amener d’autres, d’en encourager d’autres et d’en soutenir d’autres. Je suis convaincue de ça.

Que pensez-vous des styles de leadership à la mode actuellement ?

Pour moi, il y a une différence entre le management et le leadership. On peut avoir un excellent gestionnaire, qui va très bien gérer avec la connaissance, l’expérience, l’organisation et sa tête. Mais quand vous parlez de leadership, vous devez ajouter une dimension qui est le cœur. Il y a des gens comparativement compétents, mais vous allez voir qu’une de ces personnes va aller vous chercher par son regard, sa conviction, sa chimie et le cœur. C’est là qu’on va ajouter l’empathie et la bienveillance. Un bon leader, au-delà de diriger, d’organiser et de stimuler, est capable d’inspirer. Quand vous inspirez, vous faites appel à l’émotion, et l’émotion va aller chercher la connexion avec les gens.

Cela étant dit, pour prendre votre question à l’envers, est-ce que quelqu’un qui est juste empathique et bienveillant peut être un bon leader ? La réponse est : pas nécessairement. Est-ce que la personne qui n’est que bienveillante et empathique peut bien diriger une entreprise dans une situation de crise ? Je ne crois pas.

Quand vous étiez présidente du conseil et chef de la direction du Mouvement Desjardins, vous aviez une image du leader idéal qui correspondait à un T entouré d’un cercle.

Le meilleur leader, c’est quelqu’un qui a, dans la barre verticale du T, une compétence qu’il peut apporter comme contribution à l’équipe (journalisme, finance, ingénierie, technologie, ressources humaines). Ensuite, outre son métier, ce leader est capable de comprendre les enjeux stratégiques et la connexion de tous les silos verticaux que vous avez dans une organisation. Faire les liens entre la technologie, les systèmes informatiques, les ressources humaines et les clients, par exemple. C’est la barre horizontale du T. Finalement, quand vous ajoutez une personne qui est capable d’aller connecter le cœur, son environnement complet, toutes les parties prenantes, là vous avez quelqu’un qui a un potentiel de réalisation très important. Parce que vous avez à la fois la compétence, la vision stratégique et la capacité de rayonner dans votre cercle, dans votre milieu.

C’est une image très simple, mais d’autant plus importante aujourd’hui, parce que les organisations, les entreprises et sociétés d’État ont besoin d’avoir des gestionnaires, mais aussi des leaders qui ont cette capacité très large. Il y a des gens qui sont de bons spécialistes, mais vont avoir de la difficulté à agir de façon transversale.

Vous avez participé au rapport L’avenir de la gouvernance des sociétés canadiennes : une approche raisonnée pour répondre aux attentes croissantes envers le conseil d’administration. De quelle façon peut-on faire progresser l’état de la gouvernance de nos entreprises et de nos organisations ?

Il y a plusieurs éléments qui sont ressortis du rapport, dont trois qui m’apparaissent plus significatifs. Le premier, c’est de se donner l’ambition d’être au moins 30 % ou plus de femmes. Le deuxième, c’est qu’une entreprise ou une organisation doit considérer l’ensemble de ses parties prenantes, à la fois l’État, si c’est une société d’État, les actionnaires, les clients, les employés et les communautés. Elle ne peut pas regarder uniquement l’actionnaire. Comme conseil d’administration, ça nous amène alors à développer avec l’équipe de direction une stratégie de responsabilité sociale, environnementale et de gouvernance.

Le troisième élément, c’est d’avoir un PDG ou une « PDGère » qui a cette ouverture d’esprit et cette capacité de former des équipes de direction qui vont être extrêmement robustes. On n’a pas une logique d’avoir des PDG qui vont faire des mandats ad vitam æternam. Les mandats doivent être d’entre 8 et 12 ans (la moyenne est actuellement de 9-10 ans) de façon à pouvoir créer une dynamique, une impulsion du moment et un rafraîchissement en continu. C’est la même chose pour les conseils d’administration.