Cette semaine, l’entrepreneure Julie Tremblay-Potvin, cofondatrice de De Saison, qui outille avec modernité les nouveaux leaders, répond à nos questions sur le leadership.

Est-ce que vous croyez que la culture du burn-out est encore trop présente dans certaines organisations et entreprises ? Voire valorisée ? Un employé ou un dirigeant qui se tue à la tâche témoigne de son grand dévouement pour l’organisation, non ?

C’est valorisé dans la société en général, et pas qu’à l’intérieur des organisations. Le travail a une autorité sur nous. On croit profondément (souvent à tort) qu’en travaillant fort, on va se démarquer, on va être récompensé.

On s’arrête très peu pour réfléchir à notre réelle satisfaction à travers le processus. On dépose tous nos espoirs dans un meilleur avenir au détriment parfois du présent.

Or, je pense qu’en 2023, la fin justifie moins les moyens. Il y a la crise écologique qui nous montre que l’avenir n’est pas si reluisant, la pénurie de main-d’œuvre qui ajoute une pression parfois insoutenable, la crise sanitaire qui a normalisé de nouvelles pratiques comme les horaires flexibles et le télétravail, le tout combiné à l’arrivée au travail des nouvelles générations, plus spécifiquement dans les postes décisionnels.

Notre génération est celle qui devra faire un choix entre la course au « succès » plus traditionnel et la saine performance. Mais pour l’instant, nous sommes encore déchirés, donc oui, il y a encore beaucoup de surmenage et d’épuisement.

Est-ce qu’un gestionnaire a le pouvoir de changer cette culture du burn-out ou faut-il absolument être le PDG de l’entreprise pour y arriver ?

La culture ne change pas du jour au lendemain. En fait, elle est déjà en train de changer dans la société. Ce qui amène la culture à se transformer – plus largement ou dans une organisation – est la taille du mouvement qui supporte ce changement ou encore oui, les lois. La culture est composée de nombreux mouvements qui cohabitent, se superposent ou s’opposent. Il y a des sous-cultures et des cultures dites dominantes. Donc, pour répondre à la question, une seule personne aurait du mal à transformer la culture dominante – qui est celle de la surperformance et de l’épuisement des ressources – à elle seule, mais un groupe de personnes qui forme un mouvement et le fait grandir peut adopter une nouvelle sous-culture et avec le temps, celle-ci peut devenir dominante.

Un PDG qui entreprend un changement de culture, par son autorité sur le groupe, va probablement accélérer les choses et modifier les lois. On voit cependant de hautes directions avec de bonnes intentions et de belles politiques, mais les équipes continuent de travailler de la même façon et de s’épuiser.

Ce qu’il faut surtout, c’est qu’un groupe de personnes qui se côtoie souvent décide de tenter le changement de culture ensemble – parce qu’il en a besoin – avec l’appui de son gestionnaire. Cette démarche peut rapidement entraîner des changements durables et même faire des petits.

De quelle façon un gestionnaire peut-il influencer la culture de son équipe ? Par où peut-il commencer ?

La culture, c’est « ce que tout le monde fait, parce que tout le monde le fait ». Le mimétisme social est un phénomène démontré. Les figures d’autorité comme les gestionnaires influencent plus leurs équipes par leur comportement que par leurs paroles. C’est comme les parents avec leurs enfants ! Le gestionnaire peut entamer la conversation sur des sujets souvent plus tabous, comme la santé psychologique, la saine performance et la définition du succès.

Un gestionnaire peut aussi outiller son équipe en matière de santé émotionnelle, de gestion de l’espace mental, du temps et de conciliation agile d’une diversité de besoins au sein de l’équipe, mais aussi entre les sphères du travail, de la famille et de la vie personnelle. Des compétences qu’on n’apprend pas vraiment à l’école encore, hélas !

Qu’est-ce qu’une saine gestion de l’espace mental pour un gestionnaire ?

C’est la même chose que pour toute personne : développer des mécanismes pour réguler sa santé émotionnelle et sa santé mentale, apprendre à gérer la charge de travail de façon réaliste, s’accorder de nouvelles permissions bienveillantes, poser des balises saines et trouver l’équilibre entre les besoins du travail, les besoins sociaux et les besoins humains – les siens et ceux de ses proches collaborateurs, à la maison comme au bureau.

Pour un gestionnaire, le défi est d’être suffisamment à l’aise avec ces nouveaux rituels et mécanismes pour agir à titre de facilitateur auprès de son équipe.