L’Acela – qui circule à grande vitesse sur certains tronçons dans le Nord-Est américain – inspire Ottawa dans le projet du train à grande fréquence (TGF) entre Québec et Windsor. Quand on y regarde de plus près, les gains de temps risquent d’être limités.

Exploité par Amtrak, ce train américain peut atteindre une vitesse maximale d’environ 240 kilomètres/heure entre Boston et Washington. Le hic : ce n’est possible que sur environ 10 % du tronçon de quelque 730 km.

« Toute augmentation de vitesse est la bienvenue, mais de longs corridors dédiés sont nécessaires pour réaliser des gains significatifs, autrement, c’est comme conduire une Porsche sur Décarie à l’heure de pointe », résume l’expert en planification des transports à l’Université de Montréal Pierre Barrieau.

C’est un haut fonctionnaire de Transports Canada qui a évoqué l’Acela, vendredi, dans le cadre d’une séance d’information technique où le gouvernement fédéral a clairement indiqué que le TGF pourrait comporter des segments à plus haute vitesse – au-delà de 200 km/h – si cela est rentable.

Malgré les sorties du gouvernement Legault et d’autres municipalités québécoises en faveur du train à grande vitesse (TGV), Ottawa écarte toujours ce scénario sur la totalité du tronçon. On répète que la facture serait trop élevée parce qu’il faudrait construire de nombreux viaducs et tunnels pour éviter les passages à niveau. Le gouvernement Trudeau est cependant ouvert à écouter les propositions du secteur privé pour certains segments.

« Il faut cependant que cela soit logique sur le plan économique », a dit le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, en conférence de presse à la gare Centrale de Montréal, accompagné de son collègue au Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, et du président et chef de la direction de VIA Rail, Martin Landry.

Ceux-ci donnaient le coup d’envoi aux demandes de qualification, un processus visant à sélectionner trois consortiums qui seront invités, plus tard, à proposer des scénarios pour ce qui est présenté par le gouvernement Trudeau comme le plus « grand projet d’infrastructure que le Canada ait connu ».

Détails attendus

De nombreuses questions demeurent sans réponse. On ignore toujours combien le TGF coûtera. La fourchette de 6 à 12 milliards préalablement offerte par M. Alghabra ne tient plus et ce dernier préfère ne plus s’avancer sur des prévisions. De plus, le ministre n’a pas voulu donner une idée, par exemple, de la proportion du tronçon de 1000 km où les trains pourraient rouler à plus de 200 km/h. Le ministre des Transports n’a pas voulu s’avancer aussi loin que ses fonctionnaires à propos de l’Acela – construit par Alstom.

Des indicateurs préalablement diffusés, comme la vitesse de pointe de 200 km/h et un temps de trajet d’environ 4 h 10 min entre Montréal et Toronto, sont désormais des points de départ. Ottawa croit qu’il est possible de faire mieux.

Selon M. Barrieau, l’Acela est en quelque sorte le modèle à ne pas reproduire. Il s’agit de matériel roulant « très performant » qui circule sur un « vieux » corridor ferroviaire qui n’a pas obtenu la cure de rajeunissement souhaitée, souligne l’expert.

« À 10 % de haute vitesse, le jeu n’en vaut pas la chandelle, dit-il. Par contre, si on peut arriver à un 30 ou 40 % d’endroits où les trains peuvent rouler plus rapidement, là, on peut commencer à rêver à des gains intéressants. »

Sur le réseau social Twitter, le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), Michel Leblanc, a salué l’étape de l’appel de qualification, avec un bémol.

« Beaucoup se demandent si on ne devrait pas considérer un projet de TGV, a-t-il écrit, en interpellant M. Alghabra. Ça nécessite une clarification du gouvernement. »

Pour sa part, le maire de Québec, Bruno Marchand, a estimé que l’ouverture d’Ottawa sur l’aspect de la grande vitesse constituait une « belle avancée », en précisant que sa ville avait « tout à gagner avec un TGV ».

Un document gouvernemental obtenu par La Presse avait déjà identifié le couloir entre Montréal et Toronto comme l’un des plus propices en Amérique du Nord en ce qui a trait au TGV. Le gouvernement Trudeau préfère la formule du TGF. Il fait le pari qu’un plus grand nombre de trains en circulation sur des voies consacrées permettront de stimuler l’achalandage.

Les trois consortiums qui seront invités à passer à l’étape suivante devraient avoir été sélectionnés à l’été. Le lancement de la demande de propositions est attendu vers septembre prochain.

En savoir plus
  • 120 km/h
    C’est la limite à laquelle les trains de VIA Rail peuvent rouler actuellement.
    via rail