Transactionnel depuis quatre mois, Le Panier bleu n’a pas encore permis de générer des ventes faramineuses, reconnaissent plusieurs marchands qui y figurent. Profitant d’une visibilité temporairement gratuite, ils sont toutefois prêts à laisser une chance à cette plateforme créée pour stimuler l’achat local… du moins pour le moment.

Une vente sur 500. C’est ainsi qu’Oleka, entreprise de décoration intérieure spécialisée dans la vente de toiles, chiffre sa performance. « C’est très mince, reconnaît son président, Mathieu Hoste. C’est l’équivalent d’une à trois ventes par mois. »

L’entreprise québécoise figure déjà sur d’autres places de marché comme celles de La Baie et de Simons. Les ventes enregistrées mensuellement sur ces sites sont plus que satisfaisantes, selon M. Hoste. « On savait ce que les autres plateformes généraient comme revenus, donc on s’attendait un peu à ça. Le Panier bleu partait de zéro, il fallait s’attendre à ce que le revenu soit un peu plus faible et c’est le cas », dit-il en ajoutant dans la foulée que son entreprise est toutefois prête à laisser la chance au coureur.

Oleka n’est pas la seule à avoir fait une mince récolte sur la plateforme devenue transactionnelle en octobre 2022, juste à temps pour que les marchands puissent profiter de la frénésie du magasinage du Vendredi fou et du Cyberlundi ainsi que de la période des Fêtes.

Lambert, entreprise montréalaise connue pour ses sacs en cuir végane, et Firebarns, qui commercialise des sauces piquantes et barbecue, font le même constat : les ventes générées grâce au Panier bleu sont plutôt marginales.

Près de la moitié du chiffre d’affaires de Lambert provient des ventes en ligne, indique sa directrice du marketing, Laurence Gamache. Or, pour le mois de janvier, celles générées sur Le Panier bleu représentaient 2 % du total des ventes conclues sur le web. « C’est très petit », reconnaît-elle. Lambert vend ainsi beaucoup plus de sacs sur son propre site web.

« Mais c’est quand même un montant qu’on n’aurait peut-être pas eu sans Le Panier bleu, tient-elle toutefois à ajouter. C’est quand même mieux que beaucoup d’autres plateformes qu’on a déjà essayées par le passé. »

« On a eu des ventes, indique Pierre-Olivier Drouin, président-directeur général de Firebarns. Est-ce qu’on espère que ça sera mieux ? Oui. Est-ce qu’on est déçus ? On ne peut pas être déçu, quand on n’a pas d’attentes. »

Même son de cloche du côté de la chocolaterie Juliette et Chocolat, qui compte plusieurs établissements dans la grande région de Montréal, où le copropriétaire Lionel May constate que le nombre de transactions n’a pas été très élevé. « Je pense que ce n’est pas tant Le Panier bleu que la conjoncture, analyse-t-il toutefois. La plateforme est devenue transactionnelle au moment où les gens ont réorienté leurs dépenses dans les magasins [physiques]. Et en plus, les gens se serrent un peu la ceinture à cause de l’inflation. »

M. May, qui n’a pas manqué de vanter les mérites de cette initiative, croit que la situation va s’améliorer.

Une belle visibilité

Les entreprises que l’on retrouve sur la plateforme québécoise profitent actuellement d’une visibilité gratuite. « Tous les marchands qui avaient une contribution prévue pour la visibilité qu’ils reçoivent de notre part ont été informés qu’ils n’en auraient pas à la fin février, souligne le directeur général du Panier bleu, Alain Dumas. Nous avons une rencontre en février avec le comité de marchands pour discuter de plusieurs sujets, incluant celui-ci. »

Pour le moment, les marchands interrogés considèrent davantage le site comme une « belle vitrine » plutôt que comme une façon d’augmenter substantiellement leur volume de ventes.

« On est conscients qu’il y a des consommateurs qui vont aller sur Le Panier bleu, qui vont voir nos produits et qui vont décider d’aller sur notre site acheter directement », affirme M. Hoste.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Mathieu Hoste, président d’Oleka

Ce n’est pas une source de revenus pour nous et je doute que ça devienne une source de revenus intéressante sur le long terme à moins que leurs ventes augmentent drastiquement.

Mathieu Hoste, président d’Oleka

« Ma principale raison de rester sur la plateforme, c’est qu’elle nous permet de renforcer notre image d’entreprise québécoise et on n’est pas perdants à la fin. », estime pour sa part Laurence Gamache.

Pierre-Olivier Drouin croit de son côté que Le Panier bleu doit trouver des moyens pour attirer les consommateurs sur le site. « Plus tu as de la visibilité, mieux c’est. Mais la balle est vraiment dans leur camp, c’est à eux de faire leur marketing en conséquence. »

S’ils ont l’intention de demeurer sur Le Panier bleu, du moins pour le moment, certains marchands interrogés ne cachent pas leur intention de se retirer s’ils constatent que les paiements mensuels qu’on leur imposera éventuellement sont plus élevés que les ventes qu’ils enregistreront. « Tout le monde est dans les affaires pour faire des sous. S’il n’y a pas de sous à faire, quel est l’avantage d’être là ? », demande M. Drouin.

Satisfait des résultats

Questionné à propos des performances des entreprises, le directeur général du Panier bleu a rappelé que c’était « un départ ». « Les ventes sont inégales par marchand et nous n’avons pas fait de lancement officiel encore. Nous sommes (malgré les apparences) une start-up. »

Il a été impossible d’obtenir des données concernant l’achalandage sur le site ainsi que le nombre de transactions effectuées. « On a eu un achalandage naturel, s’est contenté de répondre M. Dumas, au cours d’une entrevue accordée en janvier pour faire le bilan de la période des Fêtes. On a eu des transactions comme on s’attendait à en avoir. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Alain Dumas, directeur général du Panier bleu

Le directeur général de la plateforme, qui compte actuellement 217 marchands, s’est dit « satisfait des résultats ». « On a pu tester le système sous tous ses aspects pendant le temps des Fêtes et ça s’est bien passé. »

« Il y a beaucoup d’apprentissages à faire, a-t-il rappelé. On s’est servis de ça pour savoir ce que les gens cherchaient, comment ils magasinaient. On regarde toutes les recherches qui se font. Ça nous donne une information sur ce que les gens veulent avoir. »

Du côté de Lightspeed, qui compte parmi les actionnaires minoritaires du Panier bleu, le chef de la direction Jean Paul Chauvet rappelle que l’initiative en est encore à ses débuts. « Est-ce que c’est où on espérait ? Je pense qu’on est encore très jeune dans l’évolution du Panier bleu. C’est toujours une bonne initiative, mais elle est très early stage pour l’instant. » Il admet néanmoins que pour le moment, les ventes sont « très minimes ».

Avec la collaboration de Richard Dufour, La Presse

Qu’est-ce que Le Panier bleu ?

D’abord lancé en avril 2020 par le gouvernent Legault sous forme d’organisme à but non lucratif, Le Panier bleu, un site répertoriant des commerçants québécois, appartient maintenant à Plateforme Agora inc. Cette société privée, fondée en février 2021 selon le Registraire des entreprises du Québec, est constituée d’actionnaires minoritaires, dont Desjardins, Le Fonds de solidarité FTQ, l’entreprise Lightspeed, qui se spécialise dans le commerce électronique, et le gouvernement du Québec (Investissement Québec). Le Panier bleu est devenu transactionnel en octobre 2022. La nouvelle version du site représente un investissement total de 22 millions de dollars. À titre d’OBNL, le site avait reçu 4,4 millions en subventions de la part de Québec.