Québec s’interroge sur les pratiques de gouvernance chez Groupe Sélection, qui a bénéficié de l’appui d’Investissement Québec (IQ) avant d’être insolvable. Un coup de barre s’impose, affirme le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, sans toutefois aller jusqu’à désavouer complètement le propriétaire et gestionnaire des résidences pour aînés (RPA).

« Je ne favorise pas les banques, ni Groupe Sélection », a dit le ministre, vendredi, en marge d’un évènement à Saint-Jérôme, dans les Laurentides. « Ce n’est pas au gouvernement de prendre position. Il y a matière à se poser des questions sur la gouvernance [de l’entreprise]. Il doit y avoir une restructuration, il n’y a aucun doute. »

L’important consiste, selon le principal intéressé, à s’assurer du maintien des services dans les RPA de Sélection ainsi que de la protection de la créance gouvernementale.

Sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) depuis le 14 novembre dernier, Sélection a perdu la confiance de ses banquiers, à qui elle doit 272 millions. Les prêteurs ont également sévèrement critiqué le fondateur et président Réal Bouclin.

Au cours des quatre journées d’audiences visant à déterminer qui serait aux commandes du redressement financier, l’entreprise a aussi été larguée par des partenaires comme le Fonds de solidarité FTQ, Groupe Montoni et Revera. Les différents témoignages avaient notamment levé le voile sur une gestion financière déficiente et des problèmes de liquidités qui ne datent pas d’hier.

Seul le représentant d’IQ, le bras financier de l’État québécois, s’était montré plus nuancé en refusant de prendre position.

La Cour supérieure du Québec avait tranché en retenant la proposition de redressement des banquiers de Sélection. En désaccord, la société demande la permission d’en appeler en alléguant que ce qui est sur la table est une liquidation déguisée. La Cour d’appel du Québec a mis la cause en délibéré jeudi. On ignore quand le tribunal rendra sa décision.

Des millions en jeu

Québec est exposé à hauteur de 60 millions à la débâcle de Groupe Sélection en raison de garanties de prêts octroyées au printemps 2021. Les contribuables pourraient donc perdre de l’argent dans l’aventure. Le ministre ne regrette pas que l’entreprise ait bénéficié des programmes d’aide pandémiques du gouvernement.

Interrogé pour savoir s’il aimerait mieux voir les banquiers du géant des RPA redresser les finances de l’entreprise, M. Fitzgibbon n’a pas voulu trancher, mais a néanmoins voulu passer un message.

Je n’en sais pas plus que vous et je fais attention pour ne pas porter de jugement, mais je suis d’accord pour dire qu’il faut protéger la créance [de 60 millions] et que la gouvernance doit être améliorée. Il y a des enjeux de levier financier qu’il faut rajuster. Moi, je pense qu’il y a une chance qu’on ne perde pas d’argent là-dedans.

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie

M. Fitzgibbon ne s’est pas avancé sur les améliorations qu’il souhaitait voir chez Sélection en matière de gouvernance, si M. Bouclin et son équipe ont gain de cause devant la Cour d’appel. IQ a des « leviers » à sa disposition pour exercer une « certaine pression », s’est-il limité à dire.

Claude Carignan sur son départ chez Sélection

Peu importe la tournure que prendra la restructuration chez Sélection, les jours du sénateur conservateur Claude Carignan à titre de premier vice-président, stratégies et affaires corporatives, sont comptés. Celui-ci se prépare à quitter l’entreprise. M. Carignan a confirmé la nouvelle d’abord rapportée par Radio-Canada. « Ma décision n’a rien à avoir avec ce qui se passe actuellement, a-t-il dit, au cours d’un entretien téléphonique avec La Presse. Au début de l’année (2022), j’avais avisé le président que je souhaitais ralentir mes activités à l’extérieur du Sénat. » Le plan de M. Carignan est de tirer sa révérence en 2023. Il dit vouloir continuer à siéger au Sénat, où il a été nommé en 2009. « J’aurais aimé que ça soit plus tranquille », a-t-il reconnu, à propos de la tourmente dans laquelle est plongée Sélection. Ce dernier partageait son temps entre l’entreprise (deux jours) et le Sénat (trois jours) pendant les semaines où il devait siéger. Interrogé à propos des déclarations du ministre Fitzgibbon sur la gouvernance chez Sélection, M. Carignan a préféré ne pas répondre.

En savoir plus
  • 48
    Nombre de résidences pour aînés exploitées par Groupe Sélection au Québec
    source : groupe sélection
    1989
    Année de fondation de Groupe Sélection
    source : GROUPE SÉLECTION