Votre employé ne comprend rien à ses finances ? Vous devriez peut-être l’aider…

En cette période où l’on parle beaucoup de finances, de budget et de stress lié à l’argent, certains patrons envisagent d’offrir de la formation à leurs employés afin qu’ils puissent y voir plus clair dans leurs affaires.

Et c’est très bien, car un employé qui souffre de stress financier pourrait avoir de la difficulté à offrir une performance adéquate au travail, explique Annick Kwetcheu Gamo, fondatrice de l’OBNL Code F, qui veut aider les gens à mieux comprendre leurs finances personnelles, notamment en les joignant là où ils sont : au bureau.

« On dit que l’on manque beaucoup d’initiatives pour la santé mentale des employés et pour gérer le stress au travail, dit-elle. La racine du mal, la source de stress numéro un des citoyens, c’est l’argent. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Annick Kwetcheu Gamo, présidente de Code F et spécialiste en éducation financière

Ce stress-là a des impacts sur la santé des gens et sur leur vie familiale et professionnelle. Donc ça coûte assez cher aux entreprises québécoises et canadiennes.

Annick Kwetcheu Gamo, présidente de Code F et spécialiste en éducation financière

Selon Annick Kwetcheu Gamo, avec la pénurie de main-d’œuvre, l’accompagnement en gestion des finances personnelles est un bel ajout à l’offre d’un employeur pour attirer du personnel qualifié. Car c’est bien beau de faire monter les enchères salariales, si l’employé ne sait pas comment dépenser son salaire d’une manière saine, ni même ne le comprend, ça risque de ne pas lui laisser plus d’argent dans les poches.

Pour Xavier Parent-Rocheleau, professeur au département de gestion des ressources humaines de HEC Montréal, la formation en littératie financière au bureau peut être un levier d’attraction, mais aussi un levier de rétention. « Ça joue sur la perception de soutien de la part de l’employeur, explique-t-il. L’employé sent que dans le besoin, il sera soutenu. »

Le professeur Parent-Rocheleau estime que l’éducation financière s’inscrit parfaitement dans l’offre des avantages sociaux, en plus du cours de yoga et de la télémédecine. À condition que l’on rende cette offre attrayante et accessible. Certains employés y ont d’ailleurs déjà accès par le programme d’aide aux employés de leur entreprise (PAE), mais ne sont pas au courant. « Les gens pensent que le PAE n’offre que de l’aide psychologique, rappelle Xavier Parent-Rocheleau, mais il y a des services financiers et des services juridiques. Les employés ne le savent pas. »

Le professeur de HEC précise que l’aide financière en entreprise, autant l’éducation que le soutien en cas de problème, est beaucoup plus répandue aux États-Unis.

« Je crois que ça va se développer rapidement ici aussi, étant donné le contexte », précise Xavier Parent-Rocheleau.

Vers qui se tourner ?

Les formateurs qualifiés sont d’excellents vulgarisateurs qui peuvent accueillir tous les types de participants, incluant les employés qui souffrent de manque de littératie financière, indique Chantal Lamoureux, présidente-directrice générale de l’Institut québécois de la planification financière.

« Certains employés ne comprennent même pas leur talon de chèque », rappelle-t-elle pour bien montrer la pertinence d’offrir ce soutien sur le lieu de travail.

Chantal Lamoureux croit que l’offre, au-delà du PAE, pourrait débuter idéalement par des formations de base, pour ensuite mener vers des rencontres offertes avec des planificateurs pour ceux et celles qui veulent pousser plus loin.

Ce service demeure néanmoins méconnu des employeurs, estime Geneviève Mottard, présidente et chef de la direction de l’Ordre des CPA du Québec, qui offre de telles formations. « La bonne nouvelle, dit-elle, c’est qu’il est à nouveau possible de recevoir en entreprise des CPA bénévoles formés pour transmettre leurs connaissances sous forme d’ateliers qui portent sur des sujets variés pour répondre aux besoins spécifiques de divers publics. »

Selon la PDG de l’Institut québécois de la planification financière, le moment est parfait pour lancer ces initiatives : « Les gens parlent plus librement de leurs finances, dit Chantal Lamoureux. Les nouvelles générations sont plus enclines à parler ouvertement de leurs salaires. »

Ouvrir la discussion en milieu de travail favoriserait ce vent de changement qui raye l’argent de la liste des sujets tabous, au bureau comme entre amis, dit-elle.

D’autant que les liens entre les soucis financiers et la performance au travail ne sont plus à faire, estime également Chantal Lamoureux.

La présidente de l’Ordre des CPA approuve. « Aider les employés à mieux maîtriser certains concepts de gestion financière peut contribuer à augmenter leur bien-être et, par conséquent, leur niveau de productivité, dit Geneviève Mottard. Dans la période que nous vivons présentement, avec un taux d’inflation jamais vu depuis 25 ans, une hausse marquée des taux d’intérêt qui accroît le coût du crédit et une criante pénurie de main-d’œuvre, il est plus que jamais nécessaire d’être outillé pour comprendre ses finances personnelles. »