Lorsqu’il est question de la langue de travail au Québec, le débat devient vite émotif. Notre appel à tous à propos de notre manchette du 30 août a généré de vives réactions. Nous vous proposons un aperçu en différentes nuances des courriels reçus.

Les lunettes roses du ministre

Contrairement à ce que pense le ministre Jolin-Barrette, qui n’écoute pas les entreprises inquiètes de sa réforme de la Charte de la langue française, il y a lieu de craindre pour l’économie québécoise.

Plusieurs compagnies étrangères installées au Québec et qui font des affaires sur la scène internationale songent sérieusement à quitter la province ou à réduire fortement leur présence ici parce qu’on multiplie les obstacles à leur fonctionnement depuis l’adoption de la loi 96. L’exode de plus de 200 sièges sociaux dans les années 1970, lors de l’arrivée au pouvoir du PQ et de l’adoption de la Charte de la langue française, était motivé par la peur de l’inconnu. Cette fois, la chose pourrait se faire sans bruit et en toute connaissance de cause.

Le ministre a tort de croire que les entreprises rechignent à fournir les efforts nécessaires pour assurer la prépondérance de la langue française. Bien au contraire. Elles reconnaissent l’urgence de la situation, mais trouvent certaines mesures contre-productives.

M. Jolin-Barrette devrait savoir que les entreprises sont ses meilleurs alliés dans le combat pour la langue, car ce sont elles qui décident d’investir ou pas dans le visage français du Québec, dans les outils qui permettent aux travailleurs québécois de travailler en français et dans la formation en français de la main-d’œuvre qui nous fait actuellement défaut.

Au lieu de les écouter, il a décidé de les rabrouer par des mesures coercitives qui leur enlèvent le droit de se faire représenter auprès de l’Office par des gens compétents, de leur imposer des comités de francisation à deux représentants, des délais de réponse raccourcis de moitié, et de limiter sérieusement l’embauche de personnes bilingues pouvant communiquer avec l’étranger.

La désinformation qui entoure cette loi n’aide personne. Mais le ministre lui-même y contribue, peut-être sans le savoir, en affirmant que tout se fait dans l’ordre et qu’on va surtout bien accompagner les entreprises. Ce sont des affirmations gratuites qui ne reposent pas sur la réalité du terrain. Ignore-t-il que l’Office québécois de la langue française peut mettre jusqu’à deux ans pour traiter les dossiers des entreprises, alors que celles-ci doivent lui répondre désormais dans des délais raccourcis de moitié ? Que le soi-disant accompagnement de l’Office se transforme en harcèlement dès qu’une entreprise a besoin d’utiliser l’anglais pour transiger avec l’étranger ? Que les retards de traitement de l’Office placent certaines entreprises en contravention avec la Charte parce que les délais du processus inscrits dans la loi sont dépassés ? Qu’on leur fait rater des occasions d’affaires avec le gouvernement parce que les attestations de programme et les certificats de francisation ne sont pas livrés ? Comment peut-il en être autrement quand le conseil des membres bénévoles de l’Office qui approuve les attestations et les certificats se réunit trois ou quatre fois par année ?

L’ordre dont il parle est imaginaire et l’accompagnement de l’Office est loin d’être bienveillant lorsque l’anglais pointe le bout de son nez, même lorsque son utilisation est justifiée. Et s’il croit que ces quelques ratés sont anecdotiques, il se trompe lourdement. Le ministre aurait intérêt à écouter le message des entreprises, car ce sont des emplois payants, si chers à M. Legault, qui risquent bientôt de prendre le chemin de l’Ontario.

Denis Villeneuve, ex-conseiller et cadre à l’Office québécois de la langue française et consultant auprès de plus de 40 entreprises

Le gant de velours

Ces entrepreneurs ne rejettent pas les fondements de la loi 96. Ils redoutent le calendrier de son application. Pour les rassurer, pourquoi ne pas laisser à Francisation Québec le temps de faire ses preuves (janvier 2025) dans sa mission d’intégration au travail en français ? Pour rassurer les travailleurs étrangers, pourquoi ne pas prolonger à un an de leur arrivée au Québec leur aptitude à communiquer en français, et ce, à compter de janvier 2025 ? Le gant de velours n’affaiblit pas la main de fer…

Laurent Godbout, Trois-Rivières

La pertinence de la loi

Le Québec doit être ouvert à tous ceux et celles qui, dans le monde, sont volontaires à venir participer et s’intégrer à une société comme la nôtre qui fonctionne en français en Amérique du Nord. Ces entreprises doivent recruter dans ce bassin. Les autres qui veulent travailler en anglais et fonctionner en anglais, ils et elles ont le choix entre neuf autres provinces au Canada et les États-Unis. Demander de suspendre la loi 96 pour travailler en anglais fait la démonstration de la nécessité d’avoir cette loi pour une société qui veut faire du français la langue du travail au Québec. C’est justement ce que la loi 96 veut inverser. Pas question donc de la suspendre !

Pierre Rousseau, Québec

Confiante dans l’accompagnement des entreprises

Ayant travaillé pendant 35 ans et fait du bénévolat depuis plus de 12 ans dans les dossiers de francisation, notamment ceux des entreprises québécoises, je fais pleinement confiance à celles-ci pour trouver les meilleures solutions possibles pour se conformer aux exigences de la Charte de la langue française et de sa nouvelle mouture, la loi 96, et ainsi mettre un frein au déclin du français au Québec. Même sans être caquiste, je fais confiance au ministre Jolin-Barrette pour accompagner les entreprises vers une francisation réelle et durable.

Monique Bisson, Gatineau

Le gouvernement ne doit pas céder

Si le gouvernement cède aux assouplissements demandés, il y aura d’autres demandes et la loi 96 deviendra une coquille vide. Le français est en danger partout au Canada, n’en rajoutons pas.

Michelle Bachand

Valoriser le français en premier lieu

Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, les dirigeants ont raison. L’exigence de maîtriser le français en six mois est d’un ridicule incompréhensible. La survie, l’essor du français passent par des mesures de valorisation en éducation pour tous et en culture. Les mesures coercitives visant les nouveaux arrivants ne feront rien pour notre belle langue, et auront pour effet l’appauvrissement du Québec par la baisse de compétitivité de nos entreprises.

Michael Frate, Montréal

Le bilinguisme des jeunes…

Aucun assouplissement pour les entreprises ! Il faut faire des efforts et même La Presse devrait dénoncer avec des exemples flagrants ce bilinguisme des jeunes. Les jeunes francophones valorisent de plus en plus la langue anglaise en ajoutant des expressions de langue anglaise et ils en sont fiers. Quelle honte !

Robert Larocque

Au lieu d’offrir une table de billard, des repas gratuits ou la disponibilité d’un chalet dans les Laurentides, pourquoi les entreprises n’offrent-elles pas une formation pour permettre à leurs employés de perfectionner leur français ?

Jean Rodrigue

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