C’est l’occasion d’une génération pour le secteur portuaire dans le Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie. À l’abandon depuis des années parce qu’Ottawa voulait s’en défaire, quatre ports auront droit à une cure de rajeunissement, urgente dans certains cas, ou à un agrandissement.

« On ne refera pas cela dans notre vie professionnelle », reconnaît Anne Dupéré, présidente-directrice générale de la Société portuaire du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, dans une récente entrevue avec La Presse lors de son passage à Montréal. « On sait que nos ports peuvent avoir de l’attractivité. »

Matane (81 millions), Rimouski (39 millions), Gros-Cacouna (10,7 millions) et Gaspé (7,8 millions) ont reçu environ 140 millions de Québec au printemps dernier. Avec son équipe, la Matanaise a peaufiné la planification des prochaines années.

Le défi est d’envergure puisque la situation varie d’un endroit à l’autre (voir plus bas). Si les ports de Gros-Cacouna et de Gaspé ont les yeux sur l’expansion de leur capacité d’entreposage, d’autres, comme Matane, ont du rattrapage à faire.

« Matane avait été déclaré en fin de vie par Transports Canada avant le transfert, souligne Mme Dupéré. Le quai ne pouvait même pas accueillir un camion. La capacité portante avait été déclarée à zéro de manière préventive. »

Un besoin d’amour

Depuis l’adoption de la Politique maritime nationale, en 1995, le gouvernement fédéral a transféré des ports ainsi que d’autres biens maritimes à des provinces et à des collectivités locales. Matane, Rimouski, Gros-Cacouna et Gaspé figuraient sur la liste.

La Société n’a pas l’ambition d’empiéter sur les plates-bandes d’installations comme celles de Montréal, de Québec et de Trois-Rivières, mais veut plutôt déployer des projets qui répondent aux besoins des acteurs locaux. Cela ne semblait pas être au cœur des priorités d’Ottawa, selon Mme Dupéré.

Transports Canada voulait s’en départir depuis 1995. C’est comme quand tu veux vendre ta maison et qu’elle ne se vend pas. Tu n’as peut-être pas le goût d’investir. Une entreprise vient te voir pour un projet, mais il n’y a pas d’écoute et d’intérêt. Nous, on a les liens avec le milieu.

Anne Dupéré, présidente-directrice générale de la Société portuaire du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie

Les changements ne s’observeront toutefois pas du jour au lendemain, prévient Mme Dupéré. Le plan stratégique en est à ses balbutiements. Par exemple, à Matane, le réaménagement s’effectuera sur une décennie.

Brian Slack, professeur émérite à l’Université Concordia et spécialiste du transport maritime, estime que la somme consentie aux quatre ports est « considérable ».

« Ces infrastructures remplissent des fonctions locales et jouent des rôles importants », explique l’expert, dans un courriel à La Presse, en s’interrogeant toutefois sur la viabilité actuelle des ports sous l’égide de la Société.

Le transfert des quatre ports s’était accompagné d’une compensation financière d’environ 150 millions accordée au gouvernement du Québec. Cette enveloppe finance 60 % des investissements annoncés au printemps dernier. Le reste de l’argent provient du gouvernement Legault.

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Nombre de ports sur l’ensemble du territoire québécois.

Source : Société de développement économique du Saint-Laurent

Les quatre projets

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Quai du port de Matane, en 2017

Matane

C’est l’endroit où il y a le plus de pain sur la planche. En plus de reconstruire le quai en fin de vie, on veut ajouter un poste à quai et un espace d’entreposage de 12 000 mètres carrés (130 000 pieds carrés). « Notre défi, c’est de maintenir les activités pendant qu’on refait un quai », dit Mme Dupéré. Des entreprises, comme Sappi Global, qui se spécialisent dans les pâtes et papiers, entreposent leur production au port avant de l’exporter.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Navire cargo-passagers Bella Desgagnés amarré au port de Rimouski, en 2013

Rimouski

Une portion des installations (la jetée ouest), exposée aux intempéries, avait été condamnée et fermée par Transports Canada. Un important travail de reconfiguration est nécessaire pour permettre des activités portuaires et offrir l’accès aux habitants.

PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DE LA SOCIÉTÉ PORTUAIRE
DU BAS-SAINT-LAURENT ET DE LA GASPÉSIE

Port de Gaspé

Gaspé

Le port est à l’étroit avec l’expansion de LM Wind Power, qui fabrique des pales d’éoliennes surdimensionnées (107 mètres) pour le marché américain. La superficie d’entreposage sera plus que doublée avec une bonification de 16 000 mètres carrés (172 000 pieds carrés). « Ça va amener des affaires, dit Mme Dupéré. Ce que tu n’as pas, tu ne peux pas l’offrir. Gaspé est bien situé avec son accès à l’Atlantique. »

PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DE LA SOCIÉTÉ PORTUAIRE
DU BAS-SAINT-LAURENT ET DE LA GASPÉSIE

Port de Gros-Cacouna

Gros-Cacouna

C’est l’endroit en meilleur état, selon Mme Dupéré. Le port veut ajouter des espaces de vrac pour grandir du côté du transport de marchandises, mais cela s’accompagne d’un défi puisque le secteur est considéré comme la pouponnière du béluga. « Il faut penser à des projets où l’on diminue le trafic maritime. Sans la capacité d’entreposage, tu ne peux pas faire cela », souligne la présidente de la Société.