Chaque samedi, un de nos journalistes répond, en compagnie d’experts, à l’une de vos questions sur l’économie, les finances, les marchés, etc.

Bonjour. J’aimerais savoir si les hausses des taux d’intérêt vont aussi affecter les entreprises, et de quelle façon ? J’imagine qu’elles ont aussi des hypothèques et des prêts à rembourser.

Jean Courchesne

La Presse a posé la question à Serge Coulombe, professeur émérite de science économique à l’Université d’Ottawa. Réponse courte : oui, la hausse des taux d’intérêt ébranle les entreprises du Canada.

Cette politique monétaire a comme objectif de resserrer les coûts d’emprunt, de diminuer les achats de biens durables et de décourager les projets d’investissement, explique le spécialiste. Il s’agit d’un moyen pour signaler aux ménages, aux entreprises et aux gouvernements de « calmer » l’économie, ajoute-t-il.

L’inflation a atteint 8,1 % en juin, un sommet jamais enregistré depuis 1983. Le 13 juillet, la Banque du Canada a augmenté son taux directeur, qui est passé de 1,5 % à 2,5 %. Il s’agissait d’une quatrième hausse depuis le mois de mars. Selon Serge Coulombe, augmenter le taux directeur est le seul outil que possède la banque centrale pour maîtriser le gonflement des prix.

Du même avis, Hafedh Bouakez, professeur titulaire d’économie appliquée de HEC Montréal, nous indique que la politique monétaire se veut une stratégie pour privilégier l’épargne et freiner la demande dans le but de retrouver un équilibre économique. Il devient alors plus ardu pour les entreprises de prospérer en affaires quand l’emprunt coûte plus cher.

Un « mauvais timing » pour les entreprises

En juin, près de 70 % des PME canadiennes estimaient être touchées par la hausse des taux d’intérêt, souligne Simon Gaudreault, économiste en chef de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).

Il reconnaît la nécessité de hausser les taux d’intérêt, mais estime que la décision de la banque centrale n’arrive pas au bon moment pour les entreprises. Quelque 62 % des PME canadiennes sont aux prises avec des dettes pandémiques et 54 % composent encore avec des revenus sous la normale, indique la FCEI.

Quand les taux d’intérêt augmentent, les PME canadiennes se retrouvent avec moins de ressources financières pour demeurer compétitives dans le marché, affirme Simon Gaudreault. Selon lui, les gouvernements devront s’assurer de compenser pour minimiser « le boulet de la dette COVID-19 ».

Les PME canadiennes prévoient une croissance moyenne des prix de 4,7 % pour pallier l’inflation, indique le dernier baromètre des affaires de la FCEI, du jamais vu. « On ne peut pas tout refiler aux consommateurs », affirme Simon Gaudreault.

De son côté, Serge Coulombe soutient que la hausse des taux d’intérêt touche tout autant les entreprises que les ménages et les gouvernements, car « tout le monde a besoin d’emprunter ». Bien que la politique monétaire restreigne les projets d’affaires des entreprises, « si l’inflation finit par baisser, tout le monde sera content », conclut-il.

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