L’annulation de certains vols d’Air Canada ne suffira pas – « il va falloir que d’autres transporteurs » fassent de même

Les longues files d’attente ne semblent pas près de raccourcir dans les aéroports malgré les annulations de vols prévues chez Air Canada. Dans l’industrie, on estime qu’il faudra probablement une baisse du volume aux périodes de pointe pour que l’ordre commence à se rétablir.

À Montréal-Trudeau, les employés affectés au ravitaillement des avions, à la maintenance des appareils et au déchargement des bagages sont à bout de souffle. L’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (AIMTA), qui les représente, n’entrevoit pas de répit à court terme.

« Il va falloir que d’autres transporteurs en fassent [des réductions de services], affirme le coordonnateur québécois du syndicat, Michel Richer. Personne ne veut toucher aux vols internationaux, les plus payants. Ça se comprend. »

L’AIMTA représente environ 1000 travailleurs chez Air Canada qui effectuent ces tâches et des centaines d’autres chez des fournisseurs de services comme Swissport et ATS (Airport Terminal Services).

Évoquant la congestion aéroportuaire et une série d’écueils, notamment au chapitre de la main-d’œuvre, Air Canada a décidé de sabrer quotidiennement 77 vols aller-retour (154 vols au total) en juillet ainsi qu’en août. C’est plus de 15 % de sa capacité prévue. Quatre liaisons (Montréal-Pittsburgh, Montréal-Baltimore, Montréal-Kelowna et Toronto-Fort McMurray) sont suspendues temporairement.

Lisez « Les voyageurs n’ont pas fini d’écoper à Montréal-Trudeau »

Les vols internationaux ne sont toutefois pas touchés. Air Canada n’a pas donné plus de détails, vendredi, sur la façon dont il comptait « réduire les vols en période de pointe » – comme le matin et en fin d’après-midi – pour offrir un peu de répit à des aéroports comme Montréal-Trudeau, où la situation se détériore sans arrêt.

Est-ce que c’est ce qui va désengorger les lignes que l’on a actuellement à l’aéroport ? Je ne crois pas. Regardez à Heathrow [Londres], Schiphol [Amsterdam] et Francfort [Allemagne]. Ce n’est pas mieux.

Michel Richer, coordonnateur québécois de l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale

L’expert en aviation et chargé de cours à l’Université McGill John Gradek a hâte d’avoir plus de détails sur le délestage prévu par Air Canada pour mesurer l’impact de la décision prise par la compagnie. Une chose est sûre : sans changements qui touchent les vols internationaux, il n’y aura pas de « grand impact », affirme M. Gradek.

« La période de pointe à Montréal et Toronto commence aux alentours de 17 h, souligne l’expert. Si on ne dégage pas les heures de pointe, ça sera difficile d’avoir un effet sur la pression. »

Dernier recours

En raison de la multiplication des vols annulés ou retardés, des longues files d’attente et des bagages qui s’accumulent à l’arrivée, Aéroports de Montréal (ADM) affirme discuter avec les transporteurs aériens pour annuler ou décaler des vols. L’objectif consiste à apaiser la pression en période de pointe – où le volume dépasserait celui d’avant la pandémie, selon l’organisme sans but lucratif.

Transat A.T. dit ne pas avoir reçu de requête, pour le moment, afin de réduire sa capacité. WestJet a également effectué une mise au point, jeudi, pour souligner que sa capacité estivale se situait à 79 % des niveaux prépandémiques. Il ne s’agit pas de nouvelles annulations. À Montréal-Trudeau, le volume est inférieur de 45 % à ce qu’il était il y a deux ans, selon le transporteur albertain.

Si Air Canada a été jusqu’à présent plus touché que ses rivaux canadiens au chapitre des retards et des annulations, c’est parce que l’entreprise a été très ambitieuse à l’international ainsi qu’au Canada.

Air Canada a été très agressif sur ces deux marchés avec sa capacité pour l’été. C’est aussi le plus gros transporteur au pays. Environ 90 % des passagers qui transitent par Montréal et Toronto sont des passagers d’Air Canada.

John Gradek, expert en aviation et chargé de cours à l’Université McGill

Vendredi après-midi, Air Canada avait retardé plus de 40 % de ses vols, selon les données de FlightAware. Parmi les plus grandes compagnies aériennes à travers le monde, le transporteur canadien arrivait au 10e rang pour le nombre de vols retardés.

Dans l’attente

Difficile pour l’instant de savoir qui acceptera les demandes d’ADM au chapitre du délestage. Ce sont les transporteurs qui doivent procéder aux annonces.

Selon les plus récents documents financiers de Transat A.T., des compagnies comme WestJet (157 %) et Air France/KLM (103 %) prévoyaient déployer une capacité estivale sur le marché transatlantique supérieure à ce qu’elle était à l’été 2019. D’autres, comme Lufthansa (97 %), étaient pratiquement à parité.

Beaucoup de ces vols décollent des aéroports Montréal-Trudeau et Pearson (Toronto). Le délestage pourrait en partie émaner de ces transporteurs.

La question des remboursements

Les défenseurs des droits des consommateurs exigent une compensation d’Air Canada pour les centaines de milliers de passagers dont les vols d’été sont annulés. Le Règlement sur la protection des passagers aériens, qui est entré en vigueur en 2019, exige une indemnisation – distincte des remboursements – de 400 $ à 1000 $ pour une annulation ou un retard « sous le contrôle du transporteur ». En annonçant l’annulation de plus de 15 % de ses vols pour les mois de juillet et août, Air Canada a laissé entendre que les clients concernés pourraient se faire rembourser. Il n’a pas été question d’éventuelles indemnisations. Vendredi après-midi, Air Canada n’avait pas répondu immédiatement aux questions pour déterminer si les clients se verraient offrir des remboursements ou une indemnisation.

La Presse Canadienne

En savoir plus
  • 12 %
    Proportion des vols vers Montréal-Trudeau annulés depuis une semaine, le taux le plus élevé parmi tous les aéroports du pays
    souce : DATAWAZO