La province accueille de plus en plus d’immigrants et les intègre avec succès au marché du travail, où les conditions se sont singulièrement améliorées, selon une étude de l’Institut du Québec dévoilée lundi. La réalité sur le terrain serait toutefois beaucoup plus nuancée, révèlent les résultats d’un projet de recherche mené par l’Observatoire des inégalités raciales au Québec.

« Si on met tout dans un même sac en disant : ‟les personnes immigrantes, dans l’ensemble, ça va mieux en termes d’emplois au Québec”, c’est peut-être vrai, mais il y a sûrement des gagnants et des perdants », suppose le cofondateur de l’Observatoire des inégalités raciales au Québec (OIRQ), Victor Armony. Les spécificités des personnes issues de l’immigration et leur vécu doivent, selon lui, être pris en compte lors des analyses sur le sujet.

Les résultats du projet d’étude Discriminations raciales à l’emploi, mené par l’OIRQ démontrent que la discrimination raciale en milieu de travail est toujours un enjeu de taille. Sur un échantillon de 137 répondants, 7 personnes sur 10 estiment qu’il existe des préjugés sur leur performance au travail en lien avec leur condition minoritaire.

« Effectivement, le rapport partagé par l’Institut du Québec semble très positif, voire optimiste », note celui qui admet ne pas avoir eu le temps d’éplucher toutes les nouvelles statistiques sur la question. « Mais il faut aller au-delà de certains chiffres. Le diable se trouve souvent dans les détails. »

L’accessibilité aux emplois

« Le taux de participation à l’emploi est sensiblement le même chez la population immigrante racisée, la population immigrante non racisée et la population majoritaire », soulève le chercheur Vissého Adjiwanou.

Néanmoins, les conditions de travail dans lesquelles évoluent les personnes issues des minorités visibles peuvent être teintées de tensions internes et d’anxiété de performance liées aux préjugés entretenus sur les communautés, révèlent les résultats récoltés en février par les chercheurs.

Des facteurs comme l’ethnicité, l’accent, le sexe et la nationalité sont parfois considérés comme étant à la source des manifestations de discrimination auxquelles les travailleurs sont exposés quotidiennement dans le cadre de leur emploi.

« Il y a une forme de tabou où on pense que les discriminations se ressentent à l’embauche uniquement. Rien n’est plus faux. Souvent, elles s’accentuent, je dirais même, selon les expériences », témoigne Marc-Édouard Joubert, président du Conseil régional FTQ Montréal métropolitain, partenaire de l’OIRQ.

De plus, la plupart des personnes de la population immigrante non racisée et racisée ne travailleraient pas dans les secteurs dans lesquels elles voudraient, explique M. Adjiwanou. « En comparaison avec la population majoritaire, la différence est énorme », indique le professeur au département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal. Plusieurs facteurs, dont la reconnaissance des acquis, contribueraient à cet écart.

Les réalités au-delà de l’aspect numérique

« Le racisme, c’est quelque chose qu’on vit individuellement. Voir les liens qui existent entre les différents épisodes individuels et collectifs est complexe », remarque Salvador Hernandez, membre de l’équipe de recherche. L’OIRQ défend donc, par la méthodologie qui guide ce projet de recherche, qu’il soit nécessaire de prendre en considération les différentes variables pouvant influencer l’expérience de discrimination au travail chez les personnes issues de l’immigration et les membres des minorités visibles.

« L’objectif de cette étude, ce n’est pas de voir l’ampleur du phénomène. Ça, on le sait déjà. C’est de voir, chez les gens qui ont subi une discrimination, c’est quoi les perceptions qu’ils ont retirées de ces expériences », précise le chercheur Vissého Adjiwanou.

La pertinence de cette étude s’ancre donc dans la récolte de données probantes et qualitatives, selon l’équipe de recherche. « Parfois, on va même dire qu’on a déjà suffisamment documenté et qu’il est temps de passer à l’action, mais on le sait, il faut encore convaincre. Convaincre l’opinion publique, convaincre les médias, les décideurs, les pouvoirs », remarque M. Armony.