Luc Sirois, ingénieur-entrepreneur bien au fait de l’univers des start-up, s’est fait confier l’an dernier le tout nouveau poste d’innovateur en chef du Québec et de directeur général du Conseil de l’innovation, qui a aussi le mandat d’assurer le suivi de la nouvelle Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation 2022-2027. Il nous explique les enjeux entourant sa fonction et les défis qui l’attendent.

Le gouvernement du Québec a dévoilé la semaine dernière sa nouvelle stratégie de recherche et d’innovation, qui prévoit des investissements de 7,5 milliards au cours des cinq prochaines années pour stimuler notamment une meilleure commercialisation de l’innovation, et c’est Luc Sirois qui devra orchestrer en partie la bonne marche de cette stratégie.

Mais, avant d’aller plus loin, ça fait quoi, au juste, un innovateur en chef ?

« Historiquement, au Québec, on réussit très bien dans le domaine de la recherche académique ou fondamentale et on a un scientifique en chef qui veille sur toute cette activité. Depuis 10 ans, on observe toutefois un déclin de la recherche appliquée et de l’innovation dans les entreprises, et c’est pourquoi on a créé le poste d’innovateur en chef », répond Luc Sirois.

Avant d’être nommé à son poste, en décembre 2020, Luc Sirois avait eu le mandat du ministre du Développement économique et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, de ramener toutes les activités des différents organismes de transfert et de valorisation de la recherche collégiale et universitaire sous un seul chapiteau.

On faisait moins bien que la moyenne nord-américaine. On a dissous les organismes tels que Valorem ou Valeo, qui étaient identifiés à une institution d’enseignement, pour regrouper toute l’activité de valorisation dans un seul organisme, Axelys, qui coordonne maintenant le tout.

Luc Sirois, innovateur en chef du Québec, et également président du conseil d’Axelys

Axelys en mène large aujourd’hui, puisque l’organisme a également intégré les 59 Centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT), les instituts privés, comme l’Institut national de l’optique (INO) ou le Centre de recherche informatique de Montréal (CRIM), et tous les centres de recherche des hôpitaux…

« On ratisse large. On a 60 courtiers en innovation qui proviennent et qui vivent dans les universités et les instituts, ils côtoient les chercheurs au café le matin. On veut se rapprocher de la moyenne américaine de création de nouvelles start-up, on est à la moitié seulement de leur taux de création de nouvelles pousses », souligne Luc Sirois.

« On veut surtout s’assurer qu’il y ait du financement de disponible pour le prédémarrage de nouvelles innovations pour qu’elles puissent poursuivre leur cycle de développement. »

Guider et mesurer

L’innovateur en chef et le Conseil de l’innovation auront un triple rôle à jouer dans la nouvelle Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation : aiguiller les entreprises vers les bonnes ressources, créer un baromètre pour évaluer la performance des financements publics en recherche et développement (R et D) et, enfin, soutenir les conseillers en innovation partout au Québec.

« On peut compter sur plus de 300 spécialistes de l’innovation dans les MRC, les CLD, dans les bureaux d’Investissement Québec, qui sont dans toutes les régions et qui connaissent bien leurs entreprises. On va les référencer vers les bons organismes pour répondre à leurs besoins, tout comme on va le faire pour les entreprises », détaille Luc Sirois.

Le Conseil de l’innovation devient ainsi le centre de référencement pour toutes les entreprises qui veulent développer des projets innovants et trouver du financement conséquent.

Outre ce rôle de sherpa, le Conseil de l’innovation doit établir d’ici deux ans un baromètre pour permettre de bien évaluer la performance du financement qui a été accordé en R et D.

Luc Sirois en convient, il existe beaucoup d’organismes subventionnaires au Québec, et ce baromètre permettra de colliger des données sur leur performance et d’en mesurer par le fait même la pertinence.

Notre baromètre va servir à mesurer plusieurs indicateurs. Sur le plan économique, d’abord, comment le financement a servi l’entrepreneuriat et comment il a permis de développer les talents et la main-d’œuvre au sein des entreprises qui ont profité des programmes.

Luc Sirois

« On va aussi mesurer et évaluer l’impact de nos activités de financement sur l’innovation sociale et sur les changements climatiques, ajoute l’innovateur. Cela fait partie de notre mandat. »

D’ici deux ans, le Conseil aura fait la cartographie du financement en recherche et en innovation au Québec en déterminant les régions qui l’ont mieux utilisé, les secteurs d’activité qui en ont le plus profité et cherchera à déterminer l’impact que ces financements ont eu sur la productivité des entreprises et sur la commercialisation de l’innovation.

Après dix ans de déclin de l’investissement en recherche et en innovation, le Conseil souhaite renverser la vapeur.

Est-ce que ce déclin des dépenses en R et D est le seul fait d’une baisse des dépenses des grandes entreprises comme Bombardier ou Pratt & Whitney, qui sont arrivées au terme de certains grands programmes, comme le développement de l’ancienne C Series ?

Luc Sirois affirme ne pas avoir la réponse à cette question, mais il a une certitude, c’est que l’innovation prend du retard au Québec et que cela nuit à notre score à l’échelle nord-américaine. Il y a du rattrapage à faire.

« On veut doubler le nombre de nouvelles start-up d’ici cinq ans, tout comme on veut doubler durant la même période le nombre de transferts d’innovations des maisons d’enseignement vers les entreprises et la société en général. Il faut redevenir innovant », résume l’innovateur en chef.

« Il faut recommencer à passer de l’idée à la manufacture. Ce n’est pas facile, mais les entreprises doivent retrouver ce réflexe. Plusieurs ne se posent même pas la question. Il faut commencer à se la poser », conclut-il.