Le milliardaire se dit toujours « engagé », mais souhaite que lui soient transmises des informations en lien avec les faux comptes

Elon Musk a intensifié vendredi le drame entourant son offre d’achat de Twitter pour la somme de 44 milliards US, déclarant dans un gazouillis avant l’aube que l’opération était « temporairement en attente » (temporarily on hold) jusqu’à ce qu’il puisse obtenir plus de détails sur le volume de messages indésirables et de faux comptes sur la plateforme, et deux heures plus tard, en tweetant qu’il était « toujours engagé » (still committed) dans l’acquisition.

Ces annonces constituent le dernier chapitre en date d’un feuilleton d’entreprise qui a soulevé des questions sur la liberté d’expression en ligne et sur les conséquences de la nomination de la personne la plus riche du monde à la tête de l’une des plateformes de médias sociaux les plus influentes.

Musk, PDG de Tesla, a déclaré que débarrasser la plateforme des faux comptes, des robots et des messages indésirables serait l’une de ses priorités après son arrivée aux commandes. Dans son gazouillis, M. Musk a fait référence à un document réglementaire déposé par Twitter le 2 mai, dans lequel on estime que moins de 5 % des utilisateurs de Twitter sont des faux comptes.

Connus comme venant d’un esprit libre et parfois impulsif, les commentaires de M. Musk ont laissé beaucoup de gens s’interroger sur l’avenir de l’opération.

Les actions de Twitter ont baissé d’environ 20 %, dans les échanges préséance, après le premier tweet de Musk. Ce dernier a ensuite réaffiché qu’il était « toujours engagé dans l’acquisition ». Le titre de Twitter a finalement terminé la séance de vendredi en baisse de 9,7 %, à 40,72 $ US.

Twitter n’impose que peu de restrictions à la création d’un compte, et l’entreprise lutte depuis longtemps contre les faux comptes et les robots. Mais il a été difficile de chiffrer exactement l’ampleur du problème. Dans un dépôt réglementaire du 2 mai, Twitter a déclaré qu’elle avait estimé que moins de 5 % de ses utilisateurs étaient des faux, un chiffre qu’elle avait divulgué précédemment. Twitter a averti qu’elle avait fait preuve d’un « jugement significatif » dans son calcul et que son « estimation des faux comptes peut ne pas représenter exactement le nombre réel », un langage similaire à celui utilisé dans les dépôts précédents de la société.

Les commentaires de Musk ont été considérés comme une tactique visant à faire baisser le prix de l’acquisition ou comme un prétexte pour se retirer complètement.

« Nombreux sont ceux qui considèrent que Musk a invoqué cette situation des faux comptes sur Twitter et des messages indésirables comme un moyen de se retirer de l’opération dans un marché en pleine mutation », a déclaré Daniel Ives, analyste chez Wedbush, dans une note aux investisseurs.

Twitter n’a pas répondu à la demande de commentaire du New York Times.

Retrait complexe

L’offre surprise de Musk pour Twitter a suscité un débat considérable sur le rôle d’une plateforme de médias sociaux dans le contrôle de ce qui est dit par ses utilisateurs. Twitter a passé des années à essayer de lutter contre les discours de haine, le harcèlement et d’autres abus en ligne, mais Musk, qui a l’habitude d’utiliser la plateforme pour attaquer et rabaisser ses critiques, a promis d’assouplir les politiques de modération du contenu de la société. Mardi, il a déclaré qu’il lèverait l’interdiction de l’ancien président Donald Trump.

Se retirer de l’accord pourrait devenir compliqué. L’accord d’achat prévoit des frais de 1 milliard de dollars que M. Musk devrait payer s’il mettait fin à l’accord, bien que l’on ne sache pas très bien comment cette clause s’appliquerait si M. Musk pouvait prouver que les chiffres des utilisateurs de Twitter sont inexacts.

Si le financement par emprunt de Musk reste intact, Twitter pourrait également poursuivre le milliardaire en justice pour le forcer à payer l’opération.

M. Musk s’est engagé à utiliser sa fortune personnelle pour financer l’opération pour l’achat de Twitter, un plan qui a été touché par une récente chute des cours des actions, y compris celles de Tesla. L’action de Tesla a baissé de près de 30 % au cours du mois dernier. M. Musk a vendu des actions de Tesla et les a mises en gage pour des prêts personnels afin de réunir des fonds.

Si un accord devait être conclu, les difficultés commerciales de Twitter pourraient obliger Musk à puiser davantage dans ses actions du constructeur de voitures électriques pour combler d’éventuels trous financiers. Et tout problème chez Tesla qui entraînerait une baisse suffisamment importante de son action pourrait déclencher des clauses dans les prêts personnels de Musk qui l’obligeraient à ajouter des garanties supplémentaires, limitant ainsi sa capacité à investir dans Twitter.

L’action de Tesla a augmenté de 5,7 % vendredi après les commentaires de Musk sur Twitter.

L’offre de Musk a créé de l’incertitude au sein de Twitter, société qui lutte déjà pour ajouter des utilisateurs et générer plus de revenus. Jeudi, le PDG de Twitter, Parag Agrawal, a licencié deux cadres supérieurs, interrompu les nouvelles embauches et s’est engagé à réduire les dépenses.

Cet article a été initialement publié dans The New York Times.

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