Qui dit retour en hybride au travail dit… réunions avec la moitié de l’équipe sur place et l’autre à la maison ! Le néologisme, né de la pandémie, symbolise à la fois un désir de flexibilité des directions pour leurs employés qui ont accueilli le télétravail à bras ouverts et des problèmes potentiels de communications fluides. Que faire pour remédier au problème ?

Au cours des dernières semaines, combien de gestionnaires se sont enfermés dans un bureau sur leurs lieux de travail pour converser avec des membres de leur équipe en télétravail, chacun devant leur ordinateur sur Zoom ? Et même quand on a une salle destinée à des entretiens à distance, les deux dernières années ont fait émerger des désirs d’efficacité et d’expérience optimale.

« On est dans une transition, constate Charles Lalumière, président d’Edge Futur. Les bureaux actuels ne sont pas conçus pour de l’hybride performant. Présentement, on se réunit autour de tables rectangulaires. Ça fait qu’on oublie les gens à côté de nous. »

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

Charles Lalumière, président d’Edge Futur, et Hugo Thibault, vice-président marketing de Gestion Férique, dans une salle de réunions ZoomRoom de Gestion Férique

Et encore trop peu de salles de réunions, au goût de ce spécialiste en téléprésence qui s’apprête à lancer une deuxième collection de mobilier avec table en boomerang, sont bien équipées pour des expériences de haute qualité. « Il y a 91 millions de salles de conférences dans le monde, dont seulement 10 % d’équipées, affirme Charles Lalumière. En ce moment, on me contacte pour des aménagements. On veut une salle de rêve. Certains hésitent, regardent beaucoup, ont peur, car ce peut être intimidant, trois écrans devant soi. »

La statistique des 10 % vient de Hewlett Packard (HP), qui a acquis l’entreprise spécialisée en visioconférence Poly, il y a un mois, pour 3,3 milliards de dollars américains. « La popularité croissante du travail hybride crée une rare occasion de redéfinir la façon avec laquelle les tâches sont accomplies au bureau », a dit Enrique Lores, PDG de HP, dans un communiqué.

Quand l’aplanissement des mesures sanitaires a sonné, Target aux États-Unis a converti les bureaux de son siège social de Minneapolis pour favoriser le travail en hybride, notamment en créant des étages flexibles (flex-floors) qui facilitent les opérations entre ceux qui sont en télétravail et ceux qui sont au bureau. L’entreprise a notamment investi de façon importante dans des outils technologiques et des salles de conférences Zoom.

Salles repensées

À Montréal, Gestion Férique a fait de même. « Le Zoom fonctionne très bien chez soi, note le vice-président marketing Hugo Thibault. Quand on retourne dans un espace ouvert et que tout le monde est en Zoom, ce n’est pas la meilleure façon de collaborer. Et on perd le fil à la maison. »

La direction de Férique a donc réaménagé technologiquement trois salles dans ses bureaux qui venaient d’être rénovés avant la pandémie. « Environ le tiers de nos employés viennent au bureau, calcule Hugo Thibault. Bien souvent, un ou deux jours par semaine. C’est la raison pour laquelle on a changé nos salles de réunions pour avoir un système plus immersif. Pour avoir la même expérience à la maison et au travail. Pour garder l’efficacité sans ressentir la techno. Le but est de ne pas se sentir négligé si tu restes à la maison, qu’il n’y ait pas deux catégories d’employés. »

Le système installé dans la salle principale, par exemple, permet de voir constamment les visages de tous. Le cadrage sur la personne qui est en train de parler est possible. « L’immersion doit aussi être pour les gens à la maison », résume Hugo Thibault, client d’Edge Futur.

Férique est en phase de test. La table, actuellement rectangulaire dans la salle principale, sera remplacée éventuellement par une autre en angle. Les écrans seront encastrés dans des meubles. « On regarde comment on peut s’ajuster, dit Hugo Thibault. L’idée est d’avoir le moins de câbles possible pour rebuter le moins possible les gens. »

Solution moins techno

Chez Morelli Designers, une solution humaine a été préférée à la transformation poussée de certains espaces du bureau. La direction a demandé à tous ses employés d’être présents une fois par semaine, la même journée dans la semaine. « On avait déjà en place des outils de communication visuels et audio, depuis une rénovation récente de nos bureaux, explique le PDG Johnathan Côté. On a une journée d’ancrage obligée le mardi, donc il n’y a pas d’enjeux de réunion. C’est facile à gérer, comme nous ne sommes que 12 employés. »

Le mardi étant moins productif que le reste de la semaine, la vocation des lieux a aussi été modifiée pour prôner les échanges et transmettre les connaissances. « Il faut voir cette journée autrement, sans rencontres stratégiques », dit Johnathan Côté.

« C’est indéniable que les directions devront adapter technologiquement leurs espaces, pour ceux qui ne l’ont pas fait, affirme Annie-Claude Gilbert, designer associée de la firme d’architecture et design Lemay Michaud. Pour nous, ça passe souvent par le traitement de l’insonorisation. Mais se mettre à niveau ne s’applique pas nécessairement à tous. Ça n’a pas changé dans les firmes d’avocats depuis le début de la pandémie. Il y a toujours eu un grand souci de confidentialité. Les bureaux sont déjà fermés. »

Les organisations devront-elles justement rebâtir des murs pour créer plus d’espaces fermés afin d’optimiser les communications privées ? « On ne fermera pas pour fermer, répond Annie-Claude Gibert. Les bureaux ouverts ont aussi du positif. Ils amènent de la collaboration et du dynamisme. L’espace ouvert n’est pas en déclin, mais en réadaptation. La clé est de créer différents espaces avec sous-espaces. »