Natalie Voland était travailleuse sociale lorsque son père, E.K. Voland, lui a demandé de venir travailler au sein de l’entreprise de développement immobilier qu’il avait créée et qu’elle a transformé au fil des ans pour y intégrer les critères ESG (environnement, société et gouvernance) et en faire aujourd’hui un modèle de développement durable.

Vendredi dernier, Jour de la Terre, Gestion immobilière Quo Vadis s’est fait attribuer la certification Normes du bâtiment à zéro carbone du Conseil du bâtiment durable du Canada pour son complexe Dompark, situé sur les berges du canal de Lachine, dans le quartier Côte-Saint-Paul.

Cet édifice centenaire de 487 000 pieds carrés, racheté de la faillite en 1995 par Gestion immobilière Quo Vadis, a été entièrement restauré en espaces de bureaux à loyers abordables pour les PME du sud-ouest de Montréal.

« En 2004, on a cessé d’utiliser le mazout pour le remplacer par le gaz naturel et là, on va cesser d’utiliser le gaz naturel pour faire fonctionner notre système de chauffage et de ventilation par géothermie, à partir des eaux du canal de Lachine, qui vont alimenter trois thermopompes », explique la PDG, Natalie Voland.

« On s’est engagé à acheter des crédits carbone pour compenser nos émissions durant la transition et on prévoit que d’ici un an, on pourrait être en mesure de devenir carboneutre, ce qui confirmera notre certification. »

Le projet est d’autant porteur qu’il pourra servir de modèle pour la conversion énergétique d’une cinquantaine de bâtiments commerciaux et industriels qui bordent le canal de Lachine.

C’est le père de Natalie Voland, E.K. Voland, un immigré allemand qui a d’abord fait sa marque en construisant des logements locatifs à Laval, qui a entrepris de réaliser la restauration de bâtiments industriels historiques en rachetant de la faillite, en 1993, l’ancienne manufacture de matelas Simmons avant de récidiver avec l’ancienne usine de la Dominion Textile.

« En 1997, après un diagnostic de maladie de Parkinson, mon père m’a demandé de prendre sa place. Après un bac en science politique et en études africaines, je venais de terminer mes études en travail social et je travaillais depuis deux ans à l’Hôpital général de Montréal. Jamais je n’aurais pensé faire un jour de la gestion et du développement immobilier », souligne Natalie Voland.

Responsabilités et initiatives sociales

Un an après avoir fait le tour de tous les services de l’entreprise et avoir appris à la dure auprès des employés, Natalie Voland a pris les rênes de Gestion immobilière Quo Vadis.

« On avait les bâtiments qui étaient partiellement occupés. Il a fallu les rénover et trouver des locataires. On était dans un quartier dévasté, il fallait donc offrir des loyers à prix responsables. On a ciblé les PME parce qu’elles sont le moteur de la création d’emplois au Québec », précise la PDG.

La responsabilité sociale a été au cœur de sa démarche entrepreneuriale, elle voulait donner un cadre de vie agréable aux entreprises qui s’installaient au Complexe du Canal Lachine et au Complexe Dompark.

Quelques années plus tard, avec des partenaires financiers, elle a acquis un nouvel îlot industriel qui est devenu le Complexe Griffintown, qui totalise 400 000 pieds carrés de superficie.

Le groupe immobilier a aussi sauvé et restauré une vieille église du quartier de la Petite-Bourgogne pour en faire le Salon 1861, un lieu de rassemblement communautaire, une salle d’évènements, un restaurant, ainsi qu’un lieu qui sert à la recherche en bâtiment vert et entrepreneuriat social pour la faculté d’architecture de l’Université McGill.

« On gère aujourd’hui 1,5 million de pieds carrés et on a 500 entreprises locataires. On réutilise les matériaux le plus possible, on gère les déchets des rénovations et nos édifices tiennent compte des besoins de nos PME », explique Natalie Voland.

Le Complexe Dompark, où je rencontre la PDG, est assorti d’un restaurant, d’une garderie, d’un gymnase, d’une terrasse sur le toit, de salles de réunion et… d’un parc à chiens.

En 2009, Gestion immobilière Quo Vadis est devenue la première entreprise québécoise à obtenir une certification B-Corp, confirmant ainsi son statut d’entreprise qui agit dans l’intérêt public général, la lettre B référant ainsi à « bénéfique pour la société ».

« La certification B-Corp implique que l’on doit être une entreprise profitable, capable de générer des profits, mais aussi profitable à la société et à l’environnement », explique Natalie Voland.

Quo Vadis Capital

L’entreprise de gestion et de développement immobilier amorce d’ailleurs un nouveau cycle avec la création d’une nouvelle entité, Quo Vadis Capital, qui compte investir dans des projets résidentiels responsables.

« On a des projets en développement à Lachine et Verdun, et on entreprend la construction à Repentigny de 83 unités de logement abordables dans un tout nouveau projet. On parle beaucoup de la crise du logement, nous, on va construire des unités de location abordables plus vertes et plus socialement acceptables », expose l’entrepreneure.

Quo Vadis s’est associée au fonds immobilier One Planet Living, spécialisé dans le financement de projets immobiliers à faibles émissions de carbone à grande échelle. Doté de 100 millions, ce fonds principalement actif en Ontario veut prendre de l’expansion au Québec et a choisi Quo Vadis comme partenaire.

« Beaucoup d’institutions québécoises comme Fondaction voulaient investir dans One Planet Living Fund, mais ne le faisaient pas parce que ce fonds n’avait pas de projets au Québec. Là, on commence notre collaboration », explique Natalie Voland.

Il n’est pas exclu que Quo Vadis réalise des projets de reconversion de bâtiments industriels en développements résidentiels, parce qu’il est beaucoup plus avantageux sur le plan environnemental de restaurer plutôt que de démolir une structure existante pour en construire une neuve.

Natalie Voland trouve cela « plutôt cool » lorsque je lui demande si elle est en fait une travailleuse sociale de l’immobilier. « Oui, c’est en plein ce que je fais », répond-elle dans un éclat de rire.