Innergex a congédié son chef de la direction financière Jean-François Neault, après avoir appris dans La Presse qu’il était soupçonné de délit d’initié avec un ex-vice-président de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Le PDG d’Innergex assure que l’entreprise ignorait tout des ennuis de son haut dirigeant avec l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui a perquisitionné chez lui le 22 janvier 2020.

« On a compris qu’il y avait une ordonnance de confidentialité émise par l’AMF, dit Michel Letellier en entrevue. J’ai été très surpris, mais je voudrais réitérer que Jean-François ne faisait l’objet d’aucun doute ou soupçon quant à son rôle chez Innergex. Il avait fait un bon travail depuis son arrivée. »

Le PDG estime cependant que l’entreprise, inscrite à la Bourse de Toronto, n’avait guère d’autre option.

« On est très axés sur une bonne gouvernance, une transparence, dit-il. Alors, que notre chef de la direction financière fasse l’objet d’une enquête pour une infraction aux règlements de l’Autorité des marchés, c’est incompatible avec notre code d’éthique. C’est pour ça qu’on a eu à remercier Jean-François cette semaine. »

À partir de jeudi, Innergex confie la direction financière à Jean Trudel, qui était chef de la direction des investissements et du développement depuis 2015.

Informations privilégiées

La Presse a rapporté lundi qu’un ancien dirigeant aux Placements privés à la Caisse, Justin Méthot, a subi une perquisition dans son bureau en janvier 2020. L’ex-vice-président responsable des investissements dans les grandes entreprises aurait divulgué des informations privilégiées à Jean-François Neault en août 2019, selon des déclarations sous serment de l’Autorité.

Les renseignements concernaient le distributeur alimentaire Colabor, inscrit à la Bourse de Toronto, et le départ imminent de son PDG de l’époque, Lionel Ettedgui.

Selon le gendarme des marchés financiers, Jean-François Neault aurait ensuite divulgué ces informations à une dizaine d’individus, plusieurs jours avant la diffusion du communiqué officiel.

Parmi eux : Claude Gariépy, ancien PDG de Colabor. Il se serait servi de cette information pour vendre le titre avant l’annonce et « éviter une perte s’élevant à plusieurs milliers de dollars ».

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Claude Gariépy, PDG de Colabor jusqu’en 2018, en compagnie de Jean-François Neault, qui lui aurait communiqué de l’information privilégiée.

De 2013 à 2018, les deux hommes ont travaillé ensemble chez Colabor. Jean-François Neault y occupait le poste de chef de la direction financière, avant de passer chez Innergex. Il a refusé de répondre aux questions de La Presse.

Aucune accusation n’a été déposée dans cette affaire. Le dossier d’enquête est entre les mains des procureurs de l’AMF depuis décembre dernier.

L’ex-VP de la Caisse défend son intégrité

Quant à Justin Méthot, il est sorti de son mutisme jeudi par communiqué. L’ex-vice-président de la Caisse assure avoir toujours rempli ses fonctions « avec professionnalisme, rigueur et une éthique sans reproche ».

« Mes fonctions à la Caisse m’ont amené à gérer au quotidien un grand nombre d’informations hautement sensibles qui étaient nécessaires pour prendre des décisions rigoureuses, souligne-t-il. Je considère avoir rempli ce devoir avec la plus grande intégrité, et j’en suis fier. »

Justin Méthot assure qu’il ne sait rien des ventes d’actions réalisées à partir des informations qu’il aurait divulguées sur Colabor. « Et par conséquent, ni la Caisse ni moi n’avons évidemment bénéficié ni directement ni indirectement de ces transactions », souligne son communiqué.

PHOTO TIRÉE DE LINKEDIN

Justin Méthot

Ancien vice-président responsable des investissements dans les grandes entreprises, puis chef de l’investissement relationnel, Justin Méthot a quitté la Caisse en avril 2020, trois mois après la perquisition de l’Autorité dans son bureau.

« Cette enquête traîne en longueur depuis plus de 27 mois avec les conséquences que l’on peut imaginer sur ma vie personnelle et familiale, relève sa déclaration. Malgré l’écoulement du temps, je tiens à rappeler que je ne suis accusé de rien. »

Justin Méthot ajoute qu’il est « assujetti à une ordonnance stricte de confidentialité » jusqu’au dépôt d’accusations ou à l’abandon de l’enquête. « Lorsque cette ordonnance sera levée, j’aurai la liberté de rectifier les faits à l’aide des moyens à ma disposition afin de rétablir ma réputation qui est sérieusement entachée par ces articles. »

Depuis septembre 2020, il est vice-président exécutif et directeur général chez Eastman Capital, la société de gestion de fortune privée de Pierre Karl Péladeau.

Pas de commentaire de la Caisse

La Caisse de dépôt et placement du Québec refuse toujours de donner des détails sur les deux perquisitions que l’Autorité des marchés financiers a menées dans ses bureaux en janvier 2020.

Après la visite du chien de garde de la Bourse, le cabinet d’avocats Osler a mené une enquête interne pour faire la lumière sur les évènements, selon un document interne que La Presse a obtenu. La Caisse (CDPQ) refuse toutefois d’en dévoiler les résultats.

« La CDPQ ne peut commenter quelque aspect que ce soit de cette enquête de l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui vise des individus et non la CDPQ, ni ses transactions, dit Maxime Chagnon, chef des relations médias mondiales, dans un courriel à La Presse. La CDPQ a d’ailleurs offert sa pleine collaboration à l’AMF dans ce dossier. »

Selon les déclarations de l’Autorité, une partie des éléments saisis dans les bureaux de la Caisse sont toujours inaccessibles aux enquêteurs parce qu’elle a invoqué le privilège avocat-client.

Le ministre des Finances Eric Girard, responsable de la Caisse, dit simplement avoir « pleinement confiance » en l’AMF et en la collaboration de l’investisseur institutionnel.

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