(Washington) La banque centrale américaine a opté mercredi pour une première hausse modérée de ses taux directeurs, afin de freiner la frénésie de consommation des Américains et de faire ainsi ralentir l’inflation, soulignant que la guerre en Ukraine risquait de peser sur l’économie.

L’institution monétaire avait préparé les marchés à un relèvement de ses taux directeurs depuis des mois. Elle a opté pour une hausse prudente d’un quart de point de pourcentage, les situant désormais dans une fourchette de 0,25 % à 0,50 %. Les taux se trouvaient depuis mars 2020 entre 0 et 0,25 %.

La décision a été prise à la quasi-unanimité. Seul le président de la Fed de St. Louis, James Bullard, a voté contre, ayant préféré relever les taux directement d’un demi-point de pourcentage.

À l’issue d’une réunion de deux jours, le comité de politique monétaire a souligné les risques posés par la guerre provoquée par l’invasion militaire russe en Ukraine et les sanctions.

« À court terme, l’invasion et les évènements connexes sont susceptibles de créer une pression à la hausse supplémentaire sur l’inflation et de peser sur l’activité économique », a commenté la Fed dans son communiqué.

Ce premier relèvement des taux directeurs sera le premier d’une longue série : l’institution estime que des augmentations supplémentaires seront « appropriées ». La majorité des responsables voient les taux grimper jusqu’à la fourchette de 1,75-2,00 % d’ici la fin de l’année.

4,3 % d’inflation en 2022

La Réserve fédérale note que l’activité économique et l’emploi ont continué de se renforcer depuis la dernière réunion des 25 et 26 janvier. Mais « l’inflation demeure élevée » avec la persistance d’une inadéquation entre l’offre et la demande.

La banque centrale a d’ailleurs révisé en forte hausse ses prévisions, prévoyant désormais 4,3 % d’inflation en 2022, soit près du double de ce qu’elle anticipait lors de ses dernières prévisions en décembre. Pour 2023, elle s’attend à 2,7 %, contre 2,3 % auparavant, puis à un nouveau recul en 2024, à 2,3 %.

La Fed est aussi moins optimiste qu’en décembre quant à la croissance du produit intérieur brut (PIB) cette année, et s’attend désormais à 2,8 % de croissance seulement contre 4,0 % auparavant. Sa prévision reste inchangée pour 2023, à 2,2 %.

La dernière fois que la Fed a relevé ses taux d’intérêt, c’était en décembre 2018, en pleine guerre commerciale avec la Chine. Une décision qui avait été vertement critiquée par le président de l’époque, Donald Trump.

Relever les taux directeurs pousse les banques commerciales à proposer des taux d’intérêt plus élevés pour les crédits qu’elles accordent à leurs clients, pour l’achat d’une maison, d’une voiture ou encore d’une télévision, par exemple.

Cela doit donc faire ralentir la consommation, pour alléger la pression sur les prix. D’autant que les problèmes d’approvisionnement ne devraient pas être résolus de sitôt et que la guerre en Ukraine a déjà provoqué une flambée supplémentaire, pour l’essence, mais aussi l’alimentation.

L’équation semble simple : faire ralentir l’inflation tout en maintenant la croissance économique. Mais les inconnues sont nombreuses, et le résultat incertain.

Le président de la Fed Jerome Powell s’était récemment dit confiant dans la capacité de l’institution à assurer « un atterrissage en douceur », c’est-à-dire « maîtriser l’inflation sans provoquer de récession ».

Spectre des années 1970

Un autre levier que les taux devra ensuite être activé pour stopper l’ascension des prix : réduire le bilan de la Fed, c’est-à-dire se séparer petit à petit des milliards de dollars de bons du Trésor et autres actifs qu’elle a achetés depuis mars 2020, pour soutenir l’activité économique.

« Le Comité prévoit de commencer à réduire ses avoirs […] lors d’une prochaine réunion », a indiqué la Fed mercredi, sans plus de précision.

L’inflation aux États-Unis s’est élevée à 7,9 % sur un an en février, selon l’indice CPI du département du Commerce. La Fed privilégie un autre indicateur, l’indice PCE : + 6,1 % sur un an en janvier.

Cette flambée des prix fait ressurgir le spectre de l’inflation à deux chiffres des années 1970 et du début des années 1980. La Fed avait à l’époque considérablement relevé ses taux, jusqu’à 20 %, ralentissant l’inflation, mais au prix d’une récession.

En Europe, où l’inflation est moins élevée, l’homologue de la Fed, la BCE, avait décidé jeudi de maintenir, à ce stade, ses taux à leur creux historique.

La Fed, par ailleurs, attend toujours que le Sénat américain confirme les nominations de plusieurs gouverneurs, y compris le renouvellement de Jerome Powell pour un second mandat.

L’économiste Sarah Bloom Raskin, qui avait été choisie par Joe Biden pour le poste clé de vice-présidente chargée de la supervision bancaire, a annoncé mardi qu’elle renonçait, faute d’un soutien suffisant.