(Montréal) Les associations d’entrepreneurs en construction sont outrées de l’annonce par l’Alliance syndicale de son vote de grève à 93 % et de son intention d’exercer son mandat dans les prochains jours.

L’Alliance syndicale, qui regroupe les cinq organisations qui représentent les 190 000 travailleurs de l’industrie, a annoncé qu’elle était prête à débrayer si aucune entente n’est conclue vendredi quant au renouvellement des conventions collectives.

Le débrayage serait vraisemblablement déclenché au lendemain du long week-end, soit mardi matin, a laissé entendre le porte-parole de l’Alliance syndicale, Éric Boisjoly, en entrevue. Théoriquement, les syndicats acquièrent le droit de grève le 21, donc vendredi, mais les parties affirment vouloir donner toute la chance à la négociation. L’Alliance syndicale doit donner un préavis de grève de 12 à 24 heures.

Un arbitre de différend ?

De son côté, le ministre du Travail et de l’Emploi, Jean Boulet, offre aux parties de nommer un arbitre de différend pour régler les points qui restent en litige.

Pour que cela puisse se concrétiser, toutefois, les deux parties doivent y consentir. Et le droit de grève et de lock-out est alors suspendu.

En entrevue jeudi, le ministre a indiqué avoir rencontré les parties et leur avoir offert cet arbitrage de différend. Après avoir entendu les parties, l’arbitre de différend rend alors ce qu’on appelle une sentence arbitrale.

« Je crois encore que les parties peuvent trouver une solution. Elles ont été capables de collaborer », notamment lorsqu’il a fallu établir des normes sanitaires dans le contexte de la COVID-19, souligne le ministre Boulet.

Le ministre du Travail veut à tout prix éviter une grève ou un lock-out.

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Jean Boulet, ministre du Travail et de l’Emploi

On est en pleine relance économique. On ne peut pas se permettre une grève dans le secteur de la construction. C’est un potentiel de 190 000 travailleurs affectés, 250 000 en tenant compte des fournisseurs et de l’administration.

Jean Boulet, ministre du Travail et de l’Emploi

« Vous savez l’impact que ça peut avoir sur les unités d’habitation, les logements, les maisons, les rénovations d’écoles, d’hôpitaux, la construction des routes. Ça aurait des répercussions et des incidences extrêmement négatives », fait valoir le ministre du Travail et de l’Emploi.

Le point principal qui demeure en litige porte sur le recours par les entrepreneurs à des applications mobiles sur le téléphone portable personnel des travailleurs.

Ceux-ci s’en servent pour « poinçonner » à l’entrée du chantier et activer ainsi la géolocalisation pour compter leurs heures de travail. Ils peuvent aussi y inscrire leurs heures supplémentaires.

L’Alliance syndicale craint pour la vie privée des travailleurs, à cause de la géolocalisation.

« C’est assez ridicule »

Les associations patronales assurent que les entrepreneurs n’ont pas l’intention de suivre les déplacements des travailleurs au café, aux toilettes ou lorsqu’ils parlent à un représentant syndical.

Pour l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), c’est « un problème qui n’existe pas ».

Les syndicats veulent partir en grève pour une simple application mobile, prétextant l’invasion dans la vie privée et la géolocalisation constante des travailleurs, ce qui est absolument faux.

François Bernier, vice-président principal pour les affaires publiques à l’APCHQ

Une autre association patronale, l’Association de la construction (ACQ), reproche aux syndicats de faire de la désinformation auprès des travailleurs sur l’étendue de ces applications mobiles.

« Ils ne veulent pas signer une entente dans laquelle on utiliserait volontairement – je tiens à souligner en rouge “volontairement’’ – les applications mobiles de punch. C’est somme toute assez ridicule pour nous », a tonné en entrevue Guillaume Houle, porte-parole de l’ACQ.

L’espoir demeure, puisque les parties discutent toujours.