Le virage numérique amorcé à La Presse il y a une décennie lui permet maintenant de parler de « pérennité » plutôt que de « survie », affirme son président Pierre-Elliott Levasseur, qui attend le cadre législatif d’Ottawa visant à serrer la vis aux géants numériques qui s’enrichissent avec le contenu des médias canadiens.

Ce thème figure au menu du gouvernement Trudeau, qui doit en principe déposer un projet de loi en ce sens au cours des 100 premiers jours de son actuel mandat.

« On a confiance de voir le gouvernement respecter sa parole, a dit M. Levasseur, mardi, en marge d’un discours devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) visant à dresser le bilan des 10 dernières années. Les réseaux sociaux bénéficient beaucoup du fait que nos contenus sont partagés sur leurs plateformes. Le problème, c’est qu’ils ne payent pas pour nos contenus. »

Même si des plateformes comme Facebook « siphonnent » les recettes publicitaires, La Presse a été en mesure d’afficher une croissance de 31 % à ce chapitre depuis le début de l’année, a souligné M. Levasseur, dans sa présentation.

Celui-ci a attribué cette performance à la modernisation de l’« infrastructure publicitaire » ayant ouvert la voie à de « nouveaux produits publicitaires » déployés grâce, entre autres, à l’acquisition de données collectées auprès de lecteurs « authentifiés ».

« En 2021, pas moins de 40 % de nos revenus publicitaires ont été générés grâce à des produits qui n’existaient pas il y a quatre ans », a dit M. Levasseur, devant un parterre de gens d’affaires.

Un modèle à suivre ?

En matière d’encadrement des géants numériques, le président de La Presse a vanté le modèle australien, où on les oblige à payer des redevances aux médias d’information pour les liens vers leurs contenus – Facebook avait vivement protesté contre cette mesure.

M. Levasseur a fait remarquer que ce modèle vise à forcer les grandes plateformes à négocier.

« Parce qu’ultimement, ce sont des monopoles, a-t-il dit. Ils bénéficient de leur pouvoir pour ne pas négocier des ententes de gré à gré. »

Au Québec, selon la Fédération nationale des communications (FNC), les revenus publicitaires des médias ont fondu d’environ 33 % entre 2012 et 2018, passant de 1,9 milliard à 1,3 milliard. Pendant ce temps, les revenus publicitaires hors médias ont été redirigés vers les Google, Facebook et autres Twitter, et sont passés de 472 millions à 1,2 milliard, une hausse de 143 %.

En mai dernier, Facebook avait annoncé une entente avec 14 entreprises de presse au Canada visant à les rémunérer pour l’utilisation de leur contenu.

Prévoir les imprévus

Grâce à l’augmentation des revenus publicitaires, une « saine gestion des dépenses » et les programmes d’aide de Québec et Ottawa, la marge bénéficiaire nette de La Presse devrait s’établir à 20 %, selon son président. L’an dernier, elle avait été de 10 %.

La situation financière actuelle permet à l’organisme de presse de mettre sur pied, dès cette année, un fonds de réserve visant à réinvestir dans les activités, développer de nouveaux produits et faire face aux imprévus.

« Évidemment, on doit toujours être en mesure de faire face à des crises économiques, a souligné M. Levasseur. C’est possible que l’on vive des récessions. On ne connaît pas non plus l’impact de la sortie de la pandémie sur les dépenses publicitaires de certains de nos annonceurs. »

Le dernier numéro papier de La Presse a été publié le 30 décembre 2017.

13 millions

Il s’agit de la somme récoltée depuis 2019 auprès de quelque 65 000 donateurs et lecteurs.