(Toronto) L’industrie canadienne du camionnage souhaite qu’Ottawa et Washington exemptent leurs travailleurs de l’obligation d’être vaccinés, mais les experts en santé affirment que la proposition est problématique.

L’Alliance canadienne du camionnage soutient que si le gouvernement s’en tient à son plan actuel exigeant que tous les camionneurs entrant au Canada soient entièrement vaccinés contre la COVID-19 d’ici le 15 janvier, les problèmes de chaîne d’approvisionnement du pays et les pénuries de travailleurs s’aggraveront.

L’association souhaite que le gouvernement conserve l’exemption qu’il a accordée aux camionneurs lorsque les vaccins sont devenus disponibles plus tôt cette année jusqu’à ce que le pays résolve ses problèmes de chaîne d’approvisionnement.

Cependant, des experts en santé affirment que l’exemption serait injuste, car d’autres industries sont également confrontées à des pénuries de main-d’œuvre et ne bénéficient pas d’une exception.

Ils expliquent qu’il pourrait être dangereux de tenir compte d’un groupe très mobile comme les camionneurs non vaccinés, car le virus pourrait se propager davantage et que ces travailleurs ont eu suffisamment de temps pour se faire vacciner.

« Tout le monde admire les camionneurs qui travaillent dur et qui ont déplacé, tout au long de la pandémie, des quantités de nourriture pour les supermarchés, mais les vaccins sont disponibles et ils sont disponibles depuis presque un an maintenant », a déclaré Timothy Sly, épidémiologiste et professeur émérite à l’École de santé publique et professionnelle de l’Université Ryerson.

« Avec le variant qui arrive, il n’y a plus d’excuse maintenant pour ne pas être vacciné », a-t-il ajouté.

M. Sly pense que les camionneurs ne devraient pas bénéficier d’une exemption, car ils effectuent des livraisons dans toute l’Amérique du Nord, interagissent souvent avec des personnes lors des ramassages et des dépôts et peuvent facilement transporter le virus avec eux dans des régions où il n’est pas présent.

Le nouveau variant Omicron rend la vaccination encore plus urgente, a-t-il déclaré.

« Le variant existe et il fait la chasse aux non-vaccinés, a-t-il expliqué. Si vous voulez réduire encore plus votre population de camionneurs, alors suspendez l’obligation d’être vacciné et vous allez voir énormément d’entre eux tomber malades de la COVID-19. »

Bien qu’il existe de nombreuses entreprises avec 90 % ou plus de leurs camionneurs vaccinés, le président de l’association, Stephen Laskowski, a déclaré qu’il existe également des entreprises avec beaucoup moins de conducteurs vaccinés.

Il a entendu parler d’entreprises où les taux de vaccination sont aussi bas que 40 ou 50 % et a déclaré qu’elles essayaient de convaincre les chauffeurs de se faire vacciner par le biais de l’éducation et même d’incitatifs monétaires.

Fuel Transport, par exemple, offrira aux travailleurs vaccinés une prime de 10 000 $, a-t-il annoncé la semaine dernière.

Si aucune exception n’est accordée aux camionneurs, M. Laskowski prédit que beaucoup seront forcés de quitter leur emploi et qu’il sera presque impossible de trouver des remplaçants, car l’industrie a longtemps lutté pour attirer des employés prêts à travailler de longues heures sur la route.

Environ 332 000 chauffeurs de camion ont travaillé sur les autoroutes du Canada en octobre, ce qui correspond à peu près aux niveaux d’avant la pandémie. Il y avait 18 000 postes vacants au cours des derniers mois alors que les jeunes conducteurs, les femmes et les travailleurs à l’âge de la retraite sont partis, selon Trucking HR Canada. Quelque 55 000 postes devraient être vacants en 2023.

« Nous avons déjà une pénurie importante de chauffeurs, a déclaré M. Laskowski. Dire que si ces personnes choisissent de ne pas se faire vacciner et quittent le secteur, nous pouvons sortir et les remplacer, la réalité est que nous ne pouvons pas. »

Les chaînes d’approvisionnement déjà entravées par des pénuries de matériaux, des conditions météorologiques extrêmes en Colombie-Britannique et à l’étranger et des éclosions de COVID-19 sont également en jeu.

« Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles la chaîne d’approvisionnement souffre, a lancé M. Laskowski. Les camionneurs sont l’une des pièces maîtresses du casse-tête et cette pièce du casse-tête en tant que problème ne fera que s’aggraver avec ces politiques de vaccination. »

Mais accorder des exemptions et ajuster les règles pour certains peut rendre encore plus difficile la compréhension des politiques qui sont déjà compliquées, a déclaré Sara Allin, professeure agrégée à la Dalla Lana School of Public Health de l’Université de Toronto.

Les gens sont déjà confus par les règles exigeant la vaccination pour entrer dans certains établissements et pas dans d’autres et par les mesures qui ont obligé certains travailleurs à se faire vacciner, mais qui ont le choix d’y renoncer.

« Avoir toutes ces exclusions et ces règles différentes est déroutant, a-t-elle tranché. Je pense que nous avons besoin de messages et de normes vraiment clairs au sujet des vaccins. »