Geoff Molson cherche une deuxième personne pour diriger le Canadien de Montréal avec le vice-président des opérations hockey nouvellement nommé, Jeff Gorton. Ce ou cette DG devra parler français, a fait savoir le président et chef de la direction du CH. Une bonne idée, la direction bicéphale ?

Netflix a deux têtes dirigeantes. Tout comme Salesforce. À l’été 2020, Reed Hastings, cofondateur de Netflix, a nommé Ted Sarandos, codirigeant. Salesforce en est à son deuxième duo de dirigeants. Auprès du cofondateur Marc Benioff, il y a eu en 2018 le co-PDG Keith Block, puis, prochainement, Bret Taylor.

Depuis plusieurs années, pour les Québécois, le parti Québec solidaire rime avec co-porte-parole (Françoise David, Amir Khadir, Gabriel Nadeau-Dubois, Manon Massé). « La direction bicéphale est possible quand on sait qui est responsable de quoi », dit Stéphane Mailhiot, coprésident (depuis 2019 avec Carle Coppens) de l’agence de publicité Havas Montréal. « La main gauche doit savoir ce que fait la main droite. »

Carle Coppens est responsable des décisions créatives et Stéphane Mailhiot, de la stratégie et des décisions d’affaires. « Mais on se consulte et on discute, explique ce dernier. À la fin, j’ai le dernier mot si c’est dans ma sphère de compétences. Chez nous, la charge de travail était assez grosse pour nous deux, et on n’était pas bons dans tout. On peut apporter une approche complémentaire. »

Des défis

La direction bicéphale apporte néanmoins son lot de défis. « Et être un leader, c’est de vouloir avancer à travers ces défis, dit Cloé Caron, présidente d’o2 Coaching. Deux têtes valent donc mieux qu’une, car on peut capitaliser sur les forces de l’un et de l’autre, avoir un impact plus large. Mais à condition qu’il y ait un alignement avec les deux personnes… et Geoff Molson, dans le cas du Canadien. Ce sera un trio. Leur contribution personnelle doit être très claire, sinon ils vont se marcher sur les pieds et plein de zones ne seront pas couvertes. »

« Une telle façon de diriger pose des risques, ajoute Frédérick Tobin, fondateur d’UP ! Leadership. Ce qui est normal, mais ils augmentent dans des opérations bicéphales. Quelles sont les attentes dans le degré d’autonomie de chacun ? Quelles sont les décisions que chacun va garder pour soi ? Qui a le dernier mot ? C’est mieux d’être clair entre Jeff Gorton et le futur DG. Surtout si, en fin de compte, c’est Jeff Gorton qui sera plus haut. »

Cloé Caron salue cette décision du président Geoff Molson, dont l’équipe se trouve dans une ligue au style de leadership plus traditionnel, mais qui embrasse la diversité.

Il y a cette intention de Geoff Molson de créer une équipe de direction forte. Les défis sont nombreux, donc il faut s’équiper. C’est beaucoup sur les épaules d’une seule personne. J’aime penser qu’ils vont se faire accompagner à clarifier cette vision, ce contrat d’équipe, sur le rôle et les responsabilités de chacun.

Cloé Caron, présidente d’o2 Coaching

À moins que cette annonce d’une direction à deux têtes ne soit d’abord un coup de marketing, dans la foulée de l’affaire Michael Rousseau, le PDG d’Air Canada qui peine à s’exprimer en français… « C’est une façon de contourner des exigences dans le marché montréalais, estime Frédérick Tobin. C’est une obligation que le Canadien s’est faite à lui-même. Geoff Molson ne veut blesser personne et il se l’impose. Ça devient un boulet qui fait qu’il est obligé d’engager une personne supplémentaire. »

« Geoff Molson a appris de la fois où on a nommé un entraîneur-chef par intérim anglophone, Randy Cunneyworth, qui a succédé à Jacques Martin en 2011, rappelle Stéphane Mailhiot. C’est sûr que l’affaire Air Canada ajoute de la pression. Le Canadien sait que sa cote de popularité est liée à son image. Il va faire amende honorable en prenant un francophone. »