Daniel Gauthier ne s’en cache pas, il avoue ressentir une certaine fébrilité à l’aube de l’ouverture officielle, ce lundi après-midi, du premier Club Med village montagne au Canada, à Petite-Rivière-Saint-François. Il faut dire que cela fait maintenant 10 ans que le président du conseil et actionnaire majoritaire du Groupe Le Massif a amorcé les premières discussions avec le réputé exploitant international de villages de vacances pour qu’il s’implante dans Charlevoix. « Il s’agit d’un jalon important de notre plan de développement », nous explique le cofondateur du Cirque du Soleil.

Q. Ça vous excite, cette ouverture officielle du Club Med au Massif ? Pourtant, vous vous y préparez depuis longtemps déjà, cela fait 10 ans au moins que vous y travaillez ?

R. Bien oui, il y a de l’excitation, surtout que le Club Med a décidé de faire ça en grand. Il va y avoir beaucoup de politiciens, des dignitaires, le PDG Henri Giscard d’Estaing et plusieurs dirigeants du Club Med vont être là.

C’est le premier village quatre saisons en montagne que le Club Med va inaugurer en Amérique du Nord. C’est important pour eux. Club Med, ce n’est pas juste des villages sur le bord de la mer avec des huttes en paille.

Ils opèrent plus d’une vingtaine de villages quatre saisons en montagne en Europe et même en Asie, au Japon et en Chine, mais le Club Med du Massif marque un retour de la bannière en Amérique du Nord dans les villages en montagne.

Q. Comment expliquez-vous que le processus a été aussi long avant d’arriver à l’implantation du Club Med et de son hôtel de 300 chambres à Petite-Rivière-Saint-François ?

R. On a débuté les approches en 2011. À l’issue de la planification du développement de la montagne, on a décidé qu’il fallait diversifier les formes d’hébergement. Pendant nos discussions, on a mentionné le Club Med et on les a contactés à leur bureau pour les Amériques et les Caraïbes, à Miami.

Ils ont été tout de suite très réceptifs parce qu’ils avaient la volonté de revenir en Amérique du Nord avec des villages quatre saisons en montagne, mais les négociations ont traîné en longueur, puis il y a eu une OPA (offre publique d’achat) hostile sur le Club Med et son rachat par le groupe Fosun International.

On a repris les discussions avec eux et on a réussi à faire le bon montage financier avec une implication de leur part.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Le Club Med de Charlevoix

Q. L’ouverture officielle était prévue pour l’an dernier et vous l’avez repoussée d’un an. Est-ce que ce report a entraîné des coûts supplémentaires ?

R. En fait, non. Ç’a été même une bonne chose. On a fait face à des retards de la part de certains fournisseurs et on n’aurait pas pu ouvrir de façon convenable l’an dernier en raison de la COVID. On a surtout évité de terminer les travaux en catastrophe et d’avoir à payer 20 % plus cher pour terminer à temps. On a pris le temps de bien faire les choses et selon le volumineux cahier des charges du Club Med.

On parle d’un hôtel de 300 chambres, mais il y a 70 chambres additionnelles pour les employés. Il y a quatre restaurants, des cuisines, des salles de réception, des espaces pour les enfants… Ce n’est pas un hôtel conventionnel.

Q. Combien aura coûté la totalité du projet et comment vous êtes-vous partagé les frais ?

R. Pour la construction de l’hôtel, on parle d’un projet total de l’ordre de 130 millions, en incluant les frais financiers et professionnels. Le Groupe Le Massif est l’actionnaire majoritaire, mais le Club Med a aussi investi dans la construction et a signé une entente à long terme de 15 ans comme opérateur du site.

De notre côté, on a dû faire certains investissements dans la montagne, comme une nouvelle piste pour accéder à l’hôtel et de l’équipement pour l’enneigement.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Le Club Med de Charlevoix

Q. Le Club Med accueillera ses premiers clients vendredi. Quel type de clientèle attendez-vous cette année ?

R. On affiche déjà un taux d’occupation de plus de 80 % pour l’ensemble de la saison et c’est complet pour le temps des Fêtes. La clientèle sera essentiellement québécoise et canadienne, bien qu’on va aussi recevoir des Américains qui peuvent maintenant venir plus facilement au pays, et même des Brésiliens et des Mexicains.

Quand la situation reviendra à la normale, le Club Med prévoit que la clientèle va être davantage nord-américaine durant la saison d’hiver, mais plus européenne durant l’été. Les gens vont prendre Charlevoix comme destination, et les clients de l’hôtel vont aller tout autant à La Malbaie qu’aux baleines à Baie-Sainte-Catherine.

Q. Les prix des billets ont augmenté cette année au Massif. Est-ce qu’il s’agit d’un impact du Club Med sur les activités de la montagne ?

R. La hausse des prix n’a rien à voir avec le Club Med. Tout coûte plus cher : l’essence, l’électricité, la nourriture et, surtout, la main-d’œuvre. On doit ajuster nos prix en fonction de la réalité.

On doit investir dans de nouvelles technologies d’enneigement pour faire face aux changements climatiques et se relever des pluies hivernales qui surviennent en plein mois de janvier et qui détruisent nos pistes. C’est ça, les vraies raisons.

Le Club Med, c’est une machine à remplissage pour l’hôtel. Ils ont un réseau de clients partout dans le monde et ils assurent huit millions de nuitées par année. La région tout entière va profiter de cet achalandage. On parle de 300 chambres, mais de 800 résidants à l’hôtel puisqu’on attend beaucoup de familles.

Q. Vous êtes propriétaire du Massif depuis 2002. Combien d’investissements le Groupe Le Massif a-t-il réalisés depuis que vous en avez fait l’acquisition ?

R. Il faut savoir qu’on est impliqué dans trois types d’activités. Il y a le pôle montagne, celui de Baie-Saint-Paul avec l’hôtel La Ferme, la place publique et la station de train, et aussi le pôle ferroviaire qui relie Petite-Rivière-Saint-François à Québec et La Malbaie.

Au cours des 20 dernières années, on a dû investir 300 millions et durant 18 ans, il y a une seule année où je n’ai pas eu à réinvestir pour couvrir nos frais. Depuis deux ans, on arrive à rembourser le capital et les intérêts à la banque et d’en avoir un peu pour réinvestir dans la montagne.

Je remercie d’ailleurs les investisseurs qui se sont joints à moi depuis 10 ans, Investissement Québec, la famille Germain, Pierre Thabet, le propriétaire de Boa-Franc, et Jean Leclerc, de Laura Secord, qui ont été patients et qui ont appuyé notre plan de développement.

Q. Le Club Med est un jalon important pour le Massif, mais le développement immobilier sur la montagne est aussi un autre vecteur d’achalandage important. Ce volet se déploie-t-il correctement ?

R. Il y a présentement un buzz autour du Massif. Avec la COVID, beaucoup de citadins ont eu besoin de prendre l’air. On a construit plus d’une centaine d’unités sur le sommet et quelques dizaines à la base de la montagne.

On a une banque d’acheteurs qui veulent acquérir une propriété et un potentiel pour aller jusqu’à 1250 portes avec des projets de condos-hôtels, mais on y va à notre rythme, par îlots d’une trentaine de portes, mais le timing est excellent présentement.