Devrait-on modifier la rémunération à commission des courtiers immobiliers ? Est-ce que les offres d’achat pour une propriété devraient être transparentes ? Les avis divergent… souvent en fonction du rôle que chacun joue, de près ou de loin, dans le marché immobilier.

La Presse a parcouru les 55 mémoires et commentaires publiés sur le site du ministère des Finances du Québec. Pas moins de 22 citoyens ont répondu à l’appel du gouvernement, 15 courtiers immobiliers ont rédigé des commentaires en marge de leur association, 13 associations et 1 député ont fourni leurs recommandations.

Si la consultation publique sur Les pratiques des courtiers immobiliers dans le contexte de la surchauffe immobilière a suscité encore plus de réponses, quelques personnes ont demandé à ce que leur communication ne soit pas publiée.

En résumé, les courtiers immobiliers et leurs associations souhaitent que les règles restent les mêmes, tandis que les citoyens réclament des changements et de la transparence. En lien avec leur expérience sur le terrain, des organisations suggèrent de nouveaux règlements, notamment la Chambre des notaires du Québec, l’Association professionnelle des notaires du Québec, l’Association des courtiers hypothécaires du Québec, les Professionnels hypothécaires du Canada, l’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction, la Corporation des inspecteurs vérificateurs en qualité de la propriété et le Mouvement Desjardins.

Tous s’entendent sur un point : l’offre d’achat la plus élevée n’est pas l’unique élément à considérer lors de la vente d’une propriété.

Le statu quo, clament les courtiers

En réponse à la question du ministre des Finances du Québec au sujet de la divulgation des prix des offres d’achat, la courtière Véronique Babin écrit : « Les acheteurs vont augmenter leur prix à coup de 1 $, et ça n’aura aucune fin. […] Sans divulgation, oui, l’acheteur offrira peut-être beaucoup trop pour avoir la maison, mais rendu là, c’est son choix. »

Une autre courtière, Louise Labrie, ne voit pas pour quelle raison les règles devraient être modifiées. « Dans son ensemble, l’esprit de cette consultation est socialiste. Pourquoi vouloir empêcher un vendeur de faire un bon profit ? »

La courtière Nathalie Roy est d’accord avec le principe de modifier le modèle de rémunération, l’une des questions abordées par le ministre, mais s’inquiète d’une baisse de salaire si les autorités interdisent à un courtier la double représentation, soit de représenter à la fois le vendeur et l’acheteur lors d’une transaction. « Je suis le mouton noir de l’économie, mais je suis également la vache à lait qui la fait présentement tourner et de façon éthique et transparente », dit-elle.

Sa consœur, la courtière Amélie Brien, croit plutôt qu’il faut l’interdire. « Il devient difficile de croire que certains n’ont pas avantagé leur client direct. »

Des 15 courtiers qui ont participé à la consultation, 2 ne voient pas la situation du même œil que leurs confrères et consœurs. La courtière Dominique Malo croit qu’il faut divulguer le prix des offres, tandis que le courtier indépendant Nick Maltais suggère que toutes les propriétés mises en marché, même sans courtier immobilier, soient annoncées sur Centris ou sur toute autre nouvelle plateforme à définir.

Les citoyens veulent des changements

Après avoir eux-mêmes expérimenté l’achat ou la vente d’une propriété, des citoyens déçus racontent leur mésaventure et leurs constats. Les prix, par exemple, qui ne reflètent pas à leurs yeux la valeur des propriétés : « […] j’estime que les gens qui ont négligé de faire attention à leur propriété s’en tirent trop bien et trop facilement dans le marché actuel », fait observer Anne‐Marie Payette. Pour refroidir la surchauffe immobilière et rétablir un certain équilibre, la citoyenne suggère d’augmenter le pourcentage obligatoire de mise de fonds lorsque les taux d’intérêt sont très bas.

Interdire la double représentation va de soi, selon tous les citoyens participants, ainsi que rendre transparentes les offres d’achat.

« Je trouve inconcevable de ne pas savoir le montant offert sur une mise à l’enchère ! », s’exclame Sébastien Dussault, citoyen.

La citoyenne Maude Paquet propose de son côté la « création d’une base de données cryptée, dans laquelle [seraient] déposées les offres. Le courtier vendeur n’[aurait] pas accès au contenu, ni au nombre d’offres, jusqu’à la date et heure limite du dépôt ».

Échaudé par son expérience avec un courtier, Nicolas Duparc craint qu’en organisant des ventes aux enchères publiques en immobilier, les courtiers fassent grimper les prix : « […] les courtiers ont des tas de stratégies pour les faire augmenter, ce qui accroît la pression sur le marché. »

Notons qu’aucun citoyen satisfait de la situation actuelle n’a fait part de ses commentaires au ministre dans le cadre de la consultation.

Aucun consensus des organisations

L’Association professionnelle des notaires du Québec (APNQ) recommande non seulement d’obliger la divulgation des offres d’achat, qui selon elle contribue aux gonflements artificiels des prix, mais aussi d’obliger les courtiers à répondre à toutes les offres reçues. « De cette façon, les promettants acheteurs seraient assurés du fait que leur promesse ait été bien présentée au vendeur dans un délai précis. »

Acquérir des propriétés bien au-delà de la juste valeur marchande implique des « problématiques [sur le plan] du financement et de la valeur assurable des immeubles », indique l’APNQ.

L’Association des courtiers hypothécaires du Québec (ACHQ) fait part des expériences que ses membres ont eues avec des courtiers immobiliers : « […] un grand nombre d’entre eux vont demander à leur client de fournir une approbation hypothécaire finale dans des délais qui sont irréalisables pour les promettants acheteurs. Dans certains cas, nous avons constaté des délais de 24 heures, ce qui est irréalisable pour les acheteurs », écrit-elle. L’ACHQ recommande l’obligation de l’inspection préachat ainsi que l’établissement par règlement d’un délai raisonnable pour l’obtention d’un prêt hypothécaire.

La Corporation des inspecteurs vérificateurs en qualité de la propriété suggère d’éliminer la collusion entre inspecteurs et courtiers immobiliers en exigeant un certificat de conformité aux propriétaires vendeurs avant la mise en marché de leur propriété.

L’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction affirme que « davantage de transparence risque fort de faire augmenter les délais », mais qu’il ne faut pas en « exagérer l’impact non plus ».

« […] n’est-ce pas justement ce que l’on veut en période de surchauffe que de ralentir la machine, de donner aux consommateurs le temps nécessaire pour prendre une décision plus réfléchie et moins émotive ? »

Afin de ralentir le rythme effréné de la surchauffe, l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) croit qu’il faudrait justement imposer des délais pour la réalisation des transactions immobilières, des délais suffisamment longs pour permettre la levée des conditions sans que les acheteurs se sentent pressés dans le temps.

Le mémoire de l’OACIQ détaille aussi tous les avantages et les inconvénients des ventes aux enchères en immobilier en se basant sur les expériences d’autres pays.

Le Mouvement Desjardins estime de son côté que dans un marché plus favorable aux acheteurs, la divulgation des offres monétaires pourrait avoir un effet négatif pour les vendeurs. L’institution financière profite de l’occasion pour soulever une autre problématique, soit la sollicitation intensive, voire agressive, auprès des personnes vulnérables, âgées ou veuves, à cause du faible stock de propriétés : « […] la pratique de sollicitation intensive devrait être mieux encadrée […] »

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