La nomination prochaine de Jean St-Gelais à titre de président du conseil de la Caisse de dépôt et placement du Québec est bien accueillie par les observateurs que La Presse a contactés. Certains s’interrogent néanmoins sur l’effet que pourrait avoir la nomination de l’ancien haut fonctionnaire sur la perception d’indépendance de la Caisse par rapport au pouvoir politique.

« Cette fois, l’opération a été bien menée », dit Yvan Allaire, président du conseil de l’Institut sur la gouvernance (IGOPP) et ancien administrateur de la Caisse de dépôt. L’expert n’avait pas hésité à critiquer publiquement le processus ayant mené à la nomination de Michael Sabia comme PDG de la Caisse de dépôt en 2009.

M. Allaire apprécie le fait que M. St-Gelais soit d’abord entré au conseil comme administrateur indépendant en mai 2021. Il constate sa riche expérience à la fois du privé et du public, ainsi que des enjeux de gouvernance. « C’est un choix très bon », dit-il dans un entretien.

« Je suis ravie qu’il ait été choisi comme président du conseil, confie l’ancienne ministre libérale Monique Jérôme-Forget à La Presse. C’est un homme remarquable et d’une intégrité sans faille. Il était président de l’Autorité des marchés financiers quand j’étais ministre des Finances, j’ai travaillé main dans la main avec lui. Je n’ai jamais douté une seconde de sa loyauté ou de son intégrité. »

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

La nomination prochaine de Jean St-Gelais à titre de président du conseil de la Caisse de dépôt et placement du Québec est bien accueillie par les observateurs que La Presse a contactés.

L’accueil est tout aussi enthousiaste au sein de la famille conservatrice.

« Je connais bien M. St-Gelais, dit le banquier Michael Fortier, ex-ministre conservateur. Ce n’est pas donné à tout le monde de travailler à ces niveaux de la haute fonction publique et d’être aussi respecté par tous. Il faut être très talentueux. » Le président sortant Robert Tessier était lui-même un haut fonctionnaire, souligne-t-il.

Dans un article annonçant la nomination de M. St-Gelais la semaine dernière, le journaliste Denis Lessard relatait son parcours : son passage dans la haute fonction publique provinciale et son incursion dans le domaine de l’assurance où, à titre de PDG de La Capitale, il a réalisé la fusion avec SSQ Assurance (aujourd’hui Beneva). Il y soulignait également la grande proximité entre M. St-Gelais et le premier ministre François Legault.

Une Caisse indépendante ?

Une telle relation pourrait semer le doute quant à l’indépendance de la Caisse de dépôt par rapport au pouvoir politique.

« Certainement, qui voudra tirer des conclusions de cette nature pourra le faire », reconnaît Yvan Allaire. Lui-même, cependant, ne s’en émeut guère. « Si quelqu’un sait comment parer les coups et éviter l’ingérence politique, c’est bien un haut fonctionnaire de carrière », enchaîne-t-il.

« Ce n’est pas mauvais qu’ils se parlent, ces gens-là [MM. St-Gelais et Legault], indique de son côté Monique Jérôme-Forget. Je siège à la Banque du Canada. Le gouverneur parle au ministre des Finances. D’ailleurs, le sous-ministre aux Finances siège au conseil. Dieu sait que la Banque du Canada est très autonome. »

Bay Street a longtemps porté un regard suspicieux sur la Caisse de dépôt et ses possibles motivations politiques. « Le cordon ombilical entre la Caisse et Québec est une très vieille image qui ne colle pas du tout à la réalité », rétorque Michael Fortier, qui connaît bien ce milieu.

Soucieux des apparences, l’ancien numéro un de l’institution, Michael Sabia, avait fait modifier la loi constitutive en 2015 pour y écrire, pour la première fois, que la Caisse était indépendante.

Le débat n’est pas clos pour autant. Dans un récent ouvrage, le chroniqueur Michel C. Auger inclut l’affirmation « Québec ne se mêle pas des affaires de la Caisse de dépôt » parmi ses 25 mythes politiques à déboulonner.

Le financier Claude Garcia est du même avis. « Un conseil d’administration indépendant comme on en voit ailleurs au Canada chez Teachers, ça n’a jamais existé à la Caisse. Les premiers ministres n’ont jamais pu résister à la tentation d’intervenir », dit celui qui a déjà été administrateur de l’institution. Il préférerait que les administrateurs choisissent eux-mêmes leur président du conseil et que le conseil nomme le PDG. « La dernière fois, il y avait deux candidats [Macky Tall et Charles Emond]. M. Legault a tranché, rappelle-t-il. Ce n’est pas une grosse intervention, mais c’est une intervention tout de même. »

La question qui pourra se poser après cette nomination, selon Luc Bernier, titulaire de la Chaire Jarislowsky sur la gestion dans le secteur public à l’Université d’Ottawa, c’est de savoir qui sera le vrai patron de la Caisse. « Sur l’indépendance, on a raison de se poser la question avec M. St-Gelais qui semble très proche du gouvernement », dit-il. Mais la Caisse a encore, aux yeux de M. Bernier, la capacité de faire primer l’intérêt de ses déposants.

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Nombre de déposants à la Caisse de dépôt. Le plus important demeure le Fonds d’amortissement des régimes de retraite des employés des secteurs public et parapublic. Le Régime de rentes du Québec est le deuxième en importance, suivi du Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics.