Près de 106 000 porcs sont en attente en raison du conflit de travail qui dure depuis 10 semaines à l’usine d’Olymel de Vallée-Jonction, en Beauce. Avec les vacances, qui réduisent les capacités d’abattage d’autres installations, et la chaleur estivale parfois insupportable pour les animaux, les producteurs vont se heurter à « un mur » d’ici les quatre prochaines semaines et pourraient envisager l’abattage humanitaire, s’il n’y a pas d’entente, estiment les Éleveurs de porcs du Québec.

Pendant ce temps, les syndiqués de l’usine ont manifesté mercredi à Québec devant les bureaux du ministère du Travail pour que le gouvernement « force l’employeur » à revenir rapidement à la table des négociations.

« À un moment donné, il y a un point de non-retour, affirme le président des Éleveurs de porcs du Québec, David Duval. C’est pour ça que les producteurs m’appellent présentement. Ils le voient venir. Ils disent que dans trois ou quatre semaines, ils vont frapper un mur. Ils voient le nombre de porcs qu’ils ont dans leur porcherie et me disent : je ne suis pas capable, je ne sais pas où je vais les mettre, les cochons. »

« [L’abattage humanitaire], ce n’est pas un plan qu’on envisage, tenait-il à dire au bout du fil, mercredi. On a la capacité de toujours étirer l’élastique, mais à un moment donné, l’élastique va être étiré au maximum. »

Voilà pourquoi il insiste pour que le conflit se règle, pendant « qu’il est encore temps ».

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LAPRESSE

David Duval, président des Éleveurs de porcs du Québec

Bien que le nombre d’animaux en attente ait déjà été plus élevé depuis le début de la pandémie — il y en avait 145 000 en janvier —, la chaleur et les vacances estivales qui font ralentir la cadence des usines ailleurs au Canada et aux États-Unis où sont détournés les porcs normalement destinés à Vallée-Jonction font craindre le pire, estime M. Duval. Il s’abat entre 36 000 et 37 000 porcs par semaine à l’usine de la Beauce.

Stress, tristesse, désarroi sont autant de mots utilisés par David Duval pour décrire l’état d’esprit des troupes en ce moment. Jamais la situation n’a été aussi difficile, selon lui.

« Avec 100 000 porcs en attente pendant l’été, c’est très difficile, souligne-t-il. Dans toute la saga de la COVID, avec des fermetures d’abattoirs, des ralentissements d’abattage, des périodes intensives de porcs en attente, la période que l’on vit actuellement, c’est la plus difficile qu’on vit depuis le mois de mars l’année passée », reconnaît-il.

« En période d’été, quand il fait 28 ou 30 degrés Celsius dehors, il va faire 33, 34 degrés dans la porcherie. C’est une période qui est très difficile pour [les animaux]. Ils sont entassés, ils ont très chaud, alors ils deviennent insupportables et ne sont pas capables de supporter les autres », décrit-il, ajoutant dans la foulée que pendant l’hiver, il est plus facile de contrôler la température.

Un règlement au plus vite

Bien qu’il ne souhaite pas s’immiscer dans le dossier, le président des Éleveurs de porcs demande au syndicat, qui représente 1050 travailleurs à l’usine d’abattage de Vallée-Jonction, et à la direction d’Olymel « d’intensifier leurs rencontres » pour mettre fin à cette grève déclenchée le 28 avril.

En entrevue téléphonique alors qu’il manifestait à Québec avec plus de 200 travailleurs, le président du syndicat, Martin Maurice, reprochait à l’employeur de ne pas être « pressé » pour négocier. Rappelons que le gouvernement a nommé un conciliateur pour tenter de dénouer l’impasse. Les salaires comptent parmi les points de mésentente.

La dernière rencontre remonte au 2 juillet et la prochaine est prévue pour le 19. Un délai beaucoup trop long, juge M. Maurice. « On est disponibles 24 heures sur 24. Qu’il nous convoque, on est prêts à négocier. On ne comprend pas pourquoi ça ne bouge pas. »

Du côté d’Olymel, on assure être impliqué dans « le processus de conciliation à 100 % ».

C’est un processus qui peut être long. Il y a beaucoup de sujets sur la table. On souhaite en arriver à une entente le plus rapidement possible.

Richard Vigneault, porte-parole d’Olymel

Il reconnaît par ailleurs que le nombre de porcs en attente, surtout avec la chaleur, préoccupe l’entreprise. « Olymel prend de nombreuses dispositions, avec les Éleveurs de porcs du Québec, pour veiller à ce qu’on n’arrive pas à des euthanasies à la ferme. On a réussi à le faire pendant la pandémie. »

M. Vigneault tient par ailleurs à préciser que les deux derniers jours fériés, le 24 juin et le 1er juillet, ont fait en sorte qu’on en est arrivé à 106 000 porcs.

Interpellé à propos du conflit, le ministre du Travail, Jean Boulet, s’est également dit préoccupé par le nombre de porcs en attente. « Cependant, nous ne sommes pas face au même enjeu du gaspillage alimentaire comme c’était le cas avec Exceldor », a-t-il souligné dans une déclaration écrite envoyée à La Presse. Rappelons qu’en raison d’une grève à l’usine d’abattage d’Exceldor le mois dernier, plus d’un million de poulets ont été euthanasiés. Le conflit est maintenant réglé.

« Bien que la convention collective à l’usine d’Olymel de Vallée-Jonction soit échue depuis le 31 mars dernier et que le blitz de conciliation n’ait pu permettre d’en arriver à une entente de principe, je continue de croire que les parties pourront en arriver à une entente négociée. Elles doivent concentrer toutes leurs énergies à la table de négociation. Le conciliateur que j’ai nommé, Jean Nolin, est disponible 24/7 afin d’arriver à une entente le plus rapidement possible. »