Le secteur manufacturier pourrait embaucher davantage de femmes et régler en partie son problème persistant de pénurie de main-d’œuvre si le gouvernement fédéral et les provinces accéléraient la cadence pour créer un réseau national de garderies.

Ce réseau national, dans lequel le gouvernement Trudeau s’est engagé à investir 30 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, devra offrir des heures de garde « flexibles » pour que les entreprises du secteur manufacturier puissent embaucher plus de femmes ayant une jeune famille, affirme Manufacturiers et Exportateurs du Canada (MEC).

Le gouvernement Trudeau veut s’inspirer du modèle québécois pour mettre sur pied un réseau national de garderies. Mais il aura besoin du concours des provinces pour arriver à ses fins. Les négociations pourraient s’avérer ardues avec certaines provinces, notamment l’Ontario et l’Alberta, tandis que Québec devrait obtenir une compensation en argent sonnant d’Ottawa.

Dans une récente lettre qu’il a envoyée aux principaux ministres du gouvernement Trudeau, MEC souligne à gros trait que la pandémie a eu de graves conséquences sur l’emploi chez les femmes au cours de la dernière année. Et il ajoute qu’un réseau national de garderies est indispensable pour corriger cette situation.

Au Québec, on a enregistré une diminution de 12 % du nombre de femmes qui occupent un emploi dans le secteur manufacturier (150 929 emplois en 2020 contre 132 446 emplois en 2021).

En Alberta, la chute est encore plus dramatique, soit 30 %. À l’échelle du pays, la baisse attribuable directement aux conséquences de la pandémie s’établit à 4,3 %.

MEC juge ces statistiques d’autant plus troublantes qu’il a lancé une campagne en 2018 avec comme thème « Nous pouvons le faire » (We Can Do It) visant à augmenter de 100 000 le nombre de femmes qui travaillent dans le secteur manufacturier dans un horizon de cinq ans.

« Cela fait des années que l’on travaille pour rendre le secteur manufacturier plus attrayant et plus inclusif pour les femmes. C’est vraiment une grande déception de voir qu’on a encaissé un tel recul cette année », a indiqué Véronique Proulx, présidente-directrice générale de Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) et vice-présidente principale, communications pour MEC.

« La création d’un réseau national de garderies est clairement une des solutions importantes qui pourraient avoir un impact pour attirer et garder les femmes dans le secteur manufacturier », a-t-elle ajouté dans une entrevue avec La Presse.

Plus de flexibilité au Québec

Mais elle a tenu à souligner l’importance d’avoir des services « flexibles », y compris au Québec. « Quand vous travaillez de soir ou de nuit sur des planchers d’usine, il est clair que le système de garderies n’est pas nécessairement adapté. Alors tant qu’à investir pour créer plus de places en garderie, on demande au gouvernement fédéral et aux provinces de faire en sorte qu’il y ait plus de flexibilité pour que cela puisse correspondre à notre réalité », a-t-elle affirmé.

La réalité du secteur manufacturier, cela voudrait dire aussi l’ouverture de garderies dans les parcs industriels, où il y a « très, très peu de garderies ». Elle donne l’exemple du parc industriel de Laval, où on a ouvert une garderie. Dans le cas des employés du secteur manufacturier, ce serait l’équivalent d’avoir une garderie en milieu de travail, selon Mme Proulx.

« Cela pourrait servir plusieurs entreprises qui se trouvent dans le parc industriel et regrouper des gens qui ont des besoins en commun. Quand tu travailles dans le secteur manufacturier, la distance entre le lieu de travail et la garderie, ce n’est pas toujours facile. Ça pourrait être une des solutions, en plus d’offrir des heures flexibles », a-t-elle expliqué.

Dans la lettre envoyée aux ministres du gouvernement Trudeau, dont la ministre des Finances Chrystia Freeland, MEC estime qu’un réseau national de garderies qui tient compte des besoins du secteur manufacturier permettrait de recruter jusqu’à 50 000 femmes et de pourvoir de nombreux postes actuellement vacants.

« Augmenter la participation des femmes dans le marché de l’emploi du secteur manufacturier permettrait de s’attaquer à la pénurie de main-d’œuvre. À l’heure actuelle, les femmes représentent seulement 28 % de la main-d’œuvre du secteur manufacturier. Parmi elles, seulement 10 %, ou environ 50 000, sont des femmes ayant un enfant de moins de 6 ans. Permettre à plus de femmes de faire carrière dans le secteur manufacturier serait une situation gagnante sur toute la ligne », souligne-t-on dans la lettre.