Contraint au régime minceur depuis le début de la pandémie de COVID-19 qui a grugé ses finances, l’exploitant de l’aéroport international Montréal-Trudeau repousse trois projets d’envergure, dont celui du lien avec la gare intermodale de VIA Rail située à Dorval.

Même si des signes encourageants pointent à l’horizon, il faudra patienter jusqu’en 2026, voire 2028, avant de renouer avec un « retour à la normale » du trafic de passagers, a estimé le PDG d’Aéroports de Montréal (ADM), Philippe Rainville, mercredi, lors d’un évènement organisé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Ainsi, le projet de réfection du débarcadère « côté ville » retourne à la planche à dessin et sera « beaucoup plus modeste », a-t-il dit. La construction d’une nouvelle aérogare est reportée d’au moins cinq ans et le projet de lien entre la station du Réseau express métropolitain (REM) et la gare ferroviaire de Dorval, 700 mètres plus loin, sera « peut-être pour une autre génération ».

« Nous sommes juste heureux de faire la gare [du REM], a expliqué M. Rainville. Malheureusement, on ne pourra envisager dans l’immédiat un lien entre les deux à moins qu’un chevalier blanc ne nous apporte quelques centaines de millions de dollars. Ça ne sera pas dans nos cartons pour au moins une décennie. »

ADM, un organisme à but non lucratif, avait obtenu un financement provisoire d’un demi-milliard pour aménager une station du REM à Montréal-Trudeau et sauver ce projet évalué à 600 millions. Québec, Ottawa et la Banque de l’infrastructure du Canada faisaient partie du montage financier.

« La pandémie, c’est comme si on avait reçu un jab en plein visage, a lancé le PDG. Tout a été arrêté du jour au lendemain. On a englouti 500 millions pour [poursuivre les activités]. »

La gare Dorval accueille des trains de VIA Rail et le train de banlieue Vaudreuil-Dorion, mais elle pourrait également desservir le train à haute fréquence qui doit relier Québec et Toronto.

Au moment d’annoncer l’aide à ADM, la ministre responsable de Montréal, Chantal Rouleau, avait estimé que le prolongement du REM jusqu’à la gare Dorval était un dossier qui relevait du fédéral.

Ottawa avait injecté 2 millions pour trouver la meilleure façon d’effectuer la liaison. L’étude est toujours en cours, indique Allison St-Jean, attachée de presse du ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, dans une déclaration. « En ce qui a trait à un éventuel prolongement du REM, il reviendrait au gouvernement du Québec et à la Caisse de dépôt et placement du Québec de le faire », écrit-elle.

Le porte-parole de l’opposition officielle en matière de transports, Enrico Ciccone, ne cache pas sa déception par rapport aux déclarations de M. Rainville, mais il dit comprendre « la réalité », la situation dans laquelle ce dernier se trouve.

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Enrico Ciccone, député de Marquette, où se situe l’aéroport de Montréal

Il croit néanmoins que Québec et Ottawa doivent prendre la balle au bond pour s’assurer de la présence d’une liaison entre la gare intermodale et la station prévue du REM. « On se trouve dans une situation inédite, dit M. Ciccone au bout du fil. On ne parle pas d’une autoroute, mais d’une connexion de 700 mètres. »

La Cité de Dorval a indiqué qu’elle n’était pas au courant des déclarations de M. Rainville et qu’elle ne souhaitait pas les commenter.

D’autres changements

Qualifié de « pont Champlain » par M. Rainville puisqu’il approche la fin de sa durée de vie utile, le débarcadère subira une cure de rajeunissement, mais la zone ne sera pas entièrement recouverte, contrairement au plan initial. « Nous allons inviter les passagers à se présenter avec un parapluie », a-t-il illustré.

En 2018, ADM avait annoncé un investissement de 2,5 milliards pour construire une nouvelle aérogare. Les travaux prévoyaient aussi la reconstruction du stationnement étagé et d’autres améliorations.

Afin de financer ses activités malgré la crise, ADM a récolté, en avril dernier, 400 millions par l’entremise d’une émission d’obligations. L’année 2020 s’est soldée par un déficit de 234 millions pour ADM, alors que le trafic de passagers à Montréal-Trudeau s’est contracté de 73 %, à 5,43 millions de passagers.

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L’aéroport Montréal-Trudeau

En dépit d’une reprise qui s’annonce longue, M. Rainville a expliqué que les réservations suggèrent qu’en août, le trafic de passagers devrait atteindre au moins 36 % des niveaux observés en 2019 – le double de ce qui était anticipé.

Il a dit s’attendre à un automne « particulièrement chaud », puisque l’engouement pour les voyages semble être au rendez-vous. Le PDG d’ADM espère connaître le plan de réouverture des frontières du gouvernement Trudeau, puisqu’il faudra entre 30 et 60 jours pour recruter du personnel, dont les antécédents doivent faire l’objet de vérifications.

« Pour l’ensemble des services, tout ressemblera à la normale, a expliqué M. Rainville. Mais dans les restaurants, il faudra peut-être être patients pendant les deux ou trois premiers mois. Je ne vous dis pas d’apporter votre hamburger, mais soyez patients. »

Le PDG a assuré que tout « serait prêt à Noël ».