Des victimes de la pyrrhotite, un vice de construction qui a fait chuter la valeur des propriétés en Mauricie depuis plus de 10 ans, implorent Ottawa de leur venir en aide, à l’approche du prochain budget fédéral. Ils pressent notamment le gouvernement Trudeau d’« accoter » l’aide totale accordée par Québec, qui a déjà été bonifiée en mars dernier.

« Cette crise-là dure depuis 2008. On veut la régler une fois pour toutes, pour mettre ça derrière nous », martèle le président de la Coalition d’aide aux victimes de la pyrrhotite (CAVP), Alain Gélinas.

En avril 2020, la Cour d’appel du Québec avait donné raison aux victimes de la pyrrhotite, blâmant du même coup le constructeur SNC-Lavalin et d’autres entrepreneurs pour leur responsabilité dans ce dossier. On estime qu’environ 8000 maisons ont pu être touchées entre 1996 et 2008 par la présence de pyrrhotite, un minéral « instable » contenu dans la roche et qui, au contact de l’humidité ou de l’oxygène, se gonfle puis se désagrège. Cela entraîne des fissures dans le béton et force les propriétaires à refaire leurs fondations, entre autres. En moyenne, la somme des réparations atteint jusqu’à 180 000 $.

Depuis l’an dernier, SNC-Lavalin a multiplié les démarches pour tenter de démontrer la responsabilité d’autres acteurs, afin d’éviter d’avoir à dédommager les victimes. « On est vraiment tannés d’attendre. Là, ce qu’on veut, c’est de l’aide. Moi, ça fait déjà neuf ans que j’attends pour ma maison. Ça ne me tente pas d’attendre encore trois à quatre ans, avant que tout ça se finisse. On veut tourner la page », dit M. Gélinas.

Le plus récent budget Girard du gouvernement Legault a réservé 25,7 millions en plus pour dédommager les victimes, portant à 80 millions la contribution totale de Québec. Ottawa, de son côté, a déjà injecté 30 millions, mais il avait promis d’en faire plus si le programme était bonifié au niveau provincial. « Faites le calcul : il manque donc 50 millions du fédéral, et on ne sait toujours pas si ça sera au budget de [ce] lundi », insiste le président de la CAVP.

Ce dernier affirme que bien d’autres endroits dans le monde où la pyrrhotite est aussi un enjeu ont déjà pris des mesures bien plus fortes. « Aux États-Unis, le gouvernement a avancé 175 000 $ aux victimes pour faire leurs rénovations, et tout ce qui excède cette somme, c’est déductible d’impôts. En Irlande aussi, ils paient une bonne partie de la facture. Il y a juste ici où on dispose d’à peine 75 000 $ par maison », fustige Alain Gélinas.

Pour nous, il est clair que c’est aux gouvernements, et non aux citoyens, de mettre fin à cette crise une fois pour toutes.

Alain Gélinas, président de la CAVP

Le fédéral reste prudent

Vendredi en chambre, à Ottawa, en réponse à une question du député bloquiste de Berthier – Maskinongé Yves Perron – qui réclamait au gouvernement de garantir l’attribution des 50 millions restants aux victimes –, le leader du gouvernement Pablo Rodriguez est demeuré très prudent dans ses réponses.

« On a toujours été là pour les victimes de la pyrrhotite. On les a rencontrées, on a discuté avec elles et on est conscients des difficultés, des problèmes qu’elles ont vécus », a-t-il répondu. Sans promettre directement de nouveaux fonds, M. Rodriguez a ensuite laissé entendre que d’autres mesures pourraient être annoncées prochainement.

PHOTO PATRICK DOYLE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Pablo Rodriguez, leader du gouvernement

Il y a eu des fonds qui ont été destinés pour ce problème très sérieux et on continuera d’être là pour eux.

Pablo Rodriguez, leader du gouvernement

Au cabinet de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, on se fait encore plus prudent, en refusant même de commenter le dossier directement. « Depuis janvier 2021, le gouvernement du Canada entend directement des Canadiens, y compris les Québécois, sur la meilleure façon dont nous pouvons bâtir le prochain budget. Je ne peux pas par contre me prononcer au sujet de ce qui pourrait ou non être envisagé pour le budget de 2021 », répond simplement son attachée de presse, Katherine Cuplinskas.

Joint au téléphone, le bloquiste Yves Perron n’en démord pas : « Il manque ces millions-là pour régler une histoire d’horreur qui dure depuis 12 ans. Il y a eu des dépressions, des suicides qui y sont liés. Ça n’a pas de sens que dans un pays comme le nôtre, on laisse des citoyens dans la misère comme ça », fustige-t-il.