Kim Thomassin a succédé il y a bientôt un an à Charles Emond comme nouvelle grande responsable des placements de la Caisse de dépôt au Québec, qui totalisent 68,3 milliards d’actifs. Son entrée en fonction a coïncidé avec la création d’une enveloppe de 4 milliards destinée à soutenir les entreprises touchées par la crise de la COVID-19, et l’objectif de la cheffe des placements est aujourd’hui de faire participer activement les entreprises à la relance économique du Québec.

Vous êtes entrée en poste au début de la pandémie et votre mission était de participer au sauvetage des entreprises touchées par la crise grâce à la mise sur pied d’un fonds d’urgence. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

La Caisse a réagi rapidement en créant une enveloppe de 4 milliards. Plus de la moitié a été investie ou allouée alors qu’on a eu au cours des neuf premiers mois de la crise des centaines de dossiers à l’étude qui provenaient soit de nos sociétés en portefeuille ou de nouveaux participants.

On a étudié chacune des requêtes. Comme nos interventions visaient des montants de plus de 5 millions, on a redirigé certaines entreprises vers d’autres institutions comme la BDC ou Investissement Québec. On a aussi accordé des moratoires sur certains prêts, comme Ivanhoé Cambridge l’a fait avec certains de ses locataires.

Est-ce que les fonds restants de cette enveloppe de 4 milliards sont toujours disponibles aujourd’hui ?

Oui, au moment de la création de cette enveloppe, on s’était donné de 18 à 24 mois comme horizon d’investissement. Je pense qu’on va utiliser les 2 milliards restants.

On a appuyé des entreprises comme Hopper, avec qui on était déjà partenaire, pour les aider à passer à travers la crise. Mais on a aussi investi dans de nouvelles entreprises comme CAE pour lui permettre de réaliser une grosse acquisition aux États-Unis. On est devenu le plus important actionnaire de l’entreprise.

Mais s’il y a encore des fonds de disponibles, c’est que, dans notre portefeuille, on avait beaucoup d’entreprises qui ont été très résilientes. Je pense ici à des sociétés comme WSP, Cogeco, Innergex, BRP, Eddyfi, BFL, Transcontinental ou Intelcom qui se sont toutes très bien tirées d’affaire.

L’ensemble de l’économie et plusieurs entreprises ont en effet assez bien résisté à la crise, mais il reste des secteurs comme l’aéronautique, le divertissement ou l’hébergement qui souffrent toujours. Avez-vous été sollicité par des entreprises de ce secteur ?

Dans le secteur de l’aéronautique, ce que je comprends, c’est que l’industrie est surtout frappée par des mises à pied ; on parle de plus de 4500 pertes d’emplois. On est prêt à les écouter et à intervenir au besoin.

Dans le secteur de l’hébergement, on est déjà partenaire du Groupe Germain. C’est une très belle entreprise. Il y a des signes encourageants avec la vaccination à grande échelle. Si on a besoin de nous, on sera là.

De façon générale, comment voyez-vous le rôle de la Caisse dans cette sortie de crise ?

On se donne maintenant comme objectif de participer à la relance de l’économie québécoise en s’associant aux entreprises et en accompagnant la relève avec un fort objectif de croissance.

On souhaite aussi aider nos sociétés à émerger sur les marchés mondiaux et leur permettre d’accélérer leur transformation technologique. Enfin, on veut aider l’économie et les entreprises à transformer les milieux de vie dans une perspective de développement durable avec des initiatives comme le REM ou le Fonds Équité pour la diversité.

La Caisse n’a jamais été aussi présente dans l’économie du Québec. On chapeaute 68,3 milliards d’actifs et en 10 ans, nos investissements dans les entreprises ont fait un bond pour passer de 20 à 50 milliards. On développe le REM, et Ivanhoé Cambridge est propriétaire de 65 propriétés immobilières importantes au Québec.

Vous n’avez toutefois pas été épargné par la crise. La Caisse a dû enregistrer une perte importante avec votre participation dans le Cirque du Soleil, non ?

Oui, ç’a été une perte importante, mais surtout navrante. J’étais au conseil d’administration du Cirque, et tout a basculé du jour au lendemain. Les gens ont tellement travaillé fort pour essayer de sauver l’entreprise mais là, il faut travailler avec les nouveaux actionnaires du Cirque pour relancer cette belle entreprise.

Mais on a eu des succès incroyables avec nos entreprises technologiques, notamment Nuvei et Lightspeed. On les a accompagnées dans leur transformation pour qu’elles deviennent de grandes entreprises et on va continuer de les épauler.

Une recension récente a identifié sept entreprises technologiques qui sont appelées à devenir de grands succès, et la Caisse est actionnaire direct de cinq d’entre elles et a des participations dans les deux autres via des fonds d’investissement. On est très bien positionné.

Vous avez indiqué que vous souhaitiez participer activement au transfert d’entreprises et pourtant, le groupe québécois Varitron a récemment affirmé avoir été forcé d’être acheté par une entreprise américaine parce que vous n’aviez pas montré d’intérêt à son endroit. Est-ce exact ?

On a eu des échanges avec cette entreprise il y a deux ans et on n’avait pas jugé bon d’investir. Au cours des cinq dernières années, les entreprises dans lesquelles nous sommes partenaires ont réalisé pas moins de 285 acquisitions à l’international, ce qui fait une transaction par semaine. On est pas mal plus en mode offensif que défensif.

Avant de devenir cheffe des placements du Québec il y a moins d’un an, vous étiez vice-présidente, affaires juridiques. Comment avez-vous vécu ce changement ?

J’étais aux services juridiques depuis 2017, où je suivais de près toutes les transactions réalisées par la Caisse. Et avant cela, j’ai été durant 17 ans avocate externe pour la Caisse chez McCarthy Tétrault, où j’ai participé à de nombreuses transactions, notamment dans le secteur des infrastructures avec Macky (Tall).

J’ai rejoint une équipe d’expérience qui a façonné au fil des ans le portefeuille de la Caisse. C’est un superbe défi.