L’industrie de la transformation alimentaire se porte bien. Beaucoup d’entreprises ont réussi à transférer leurs produits destinés aux restaurants et aux hôtels vers les rayons des supermarchés, constate Sylvie Cloutier, présidente-directrice générale du Conseil de la transformation alimentaire du Québec, à la lumière des chiffres publiés par le ministère de l’Agriculture.

Les données du ministère révèlent une croissance de l’industrie durant les huit premiers mois de l’année, notamment dans le secteur des fruits et des légumes transformés.

« Il y a eu une crise au début, les gens ont fait du stockage », rappelle Mme Cloutier pour expliquer cette hausse marquée des ventes au rayon des haricots en conserve et du maïs surgelé. Les fruits et légumes transformés ont connu une augmentation de 30 %, selon le ministère de l’Agriculture, Pêcheries et Alimentation du Québec (MAPAQ).

Pour l’ensemble des produits transformés, « la croissance des livraisons des huit premiers mois suivant le cumul de 2019 et celui de 2020 est de 2,4 %, comparativement à 2,7 % de 2018 à 2019 et à 2,3 % de 2017 à 2018 », peut-on lire dans le BioClips actualité bioalimentaire, bulletin publié par le MAPAQ.

Nous sommes un service essentiel. On le dit et on le répète : les gens continuent de manger.

Sylvie Cloutier, PDG du Conseil de la transformation alimentaire du Québec

Chez Bonduelle, entreprise qui se spécialise dans la transformation de légumes en conserve et congelés, le vice-président marketing recherche et développement, Christian Malenfant, confirme cet engouement. Entre octobre 2019 et octobre 2020, M. Malenfant a observé au Canada une hausse de 21 % des ventes de légumes congelés et de 15 % pour les produits en boîte. Seulement au mois de mai, Bonduelle a connu une augmentation de 36 % pour l’ensemble de ses produits transformés. « [Au plus fort de la pandémie], les consommateurs ont fait moins de visites en magasin, donc les gens ont augmenté leurs quantités achetées et ils ont privilégié de plus gros formats. »

Le côté sécuritaire des produits déjà emballés, qui ne sont donc pas manipulés au supermarché, a incité plusieurs consommateurs à mettre de la macédoine dans leur panier, explique M. Malenfant.

En plus des fruits et légumes, les produits laitiers, avec une hausse de 20 %, figurent également au tableau des secteurs en croissance.

Les défis

Les restaurants, hôtels et institutions (HRI) représentent 25 % des ventes de la transformation alimentaire, précise le document. Or, ce changement de clientèle vers les épiceries a donné des maux de tête à l’industrie et a entraîné des ruptures de stocks de plusieurs produits.

« Quand tu vends aux restaurants, tu vends des deux kilos, quatre kilos, des gros formats, explique Alain Chalifoux, grand patron de la Laiterie Chalifoux. C’est efficace en ce qui concerne la machinerie, ça demande moins de main-d’œuvre. Quand tu arrives en épicerie, tu veux du yogourt en petit format. Le fromage, c’est la même chose. C’est là qu’est le défi. » Les petits emballages nécessitent souvent plus de main-d’œuvre sur la chaîne de production, or les entreprises peinent à recruter des travailleurs.

On a eu de la misère à fournir du yogourt, du fromage et nos produits véganes. Et ce n’est pas parce qu’on manquait de matière première.

Alain Chalifoux, président de la Laiterie Chalifoux

En ce moment, il reste quelque 7000 postes à pourvoir dans le secteur agroalimentaire au Québec. Du jamais-vu, selon Sylvie Cloutier. Des solutions ? « L’automatisation, la robotisation, ça sera la route à suivre », répond-elle.

La viande, un secteur touché

Le secteur de la transformation de la viande est celui qui accuse « le recul le plus important », avec une baisse de 12,2 %. Les fermetures temporaires d’usine en raison de cas d’éclosion, les mesures de distanciation qui ont entraîné une diminution des équipes et le manque de main-d’œuvre ont causé des ralentissements, selon le bulletin du MAPAQ.