L’administration américaine fait appel de la décision de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui donne raison au Canada dans le conflit du bois d’œuvre, mais elle paralyse depuis plusieurs mois le fonctionnement de ce mécanisme d’appel. Résultat : le conflit est dans un cul-de-sac et les droits américains continuent d’être imposés sur le bois canadien.

« Il n’y a pas grand-chose d’autre que le Canada peut faire du côté de l’OMC », constate Richard Ouellet, professeur à l’Université Laval et spécialiste du droit commercial international.

Il rappelle que le mécanisme d’appel de l’OMC est bloqué depuis des années par les Américains, qui refusent d’approuver la nomination des juges de ce tribunal de dernière instance. L’instance d’appel de l’organisation, qui est normalement composée de sept juges, n’en a plus qu’un, une juge chinoise dont le mandat prend fin le 30 novembre.

Le Canada, l’Union européenne et certains autres pays se sont entendus sur un mécanisme d’arbitrage pour régler les différends en attendant un déblocage du côté du tribunal d’appel de l’OMC. Le Canada a proposé l’arbitrage aux Américains, qui l’ont refusé, a fait savoir lundi la ministre responsable du Commerce international, Mary Ng.

Les droits américains imposés sur le bois d’œuvre résineux canadien ont été jugés à maintes reprises injustes et injustifiés. Ces droits ont causé un préjudice injustifié à l’industrie canadienne et aux consommateurs américains, et entravent la reprise économique dans les deux pays.

Mary Ng

Le Canada entend continuer de contester les droits américains et poursuit sa cause devant les instances de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui était en vigueur quand les droits ont été imposés et qui a été remplacé depuis par l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM).

Le coût : 3 milliards US

Les constructeurs américains se sont plaints du fait que les tarifs imposés sur le bois canadien font augmenter le prix du bois d’œuvre et le coût des maisons. Le prix du « 2 X 4 » a légèrement fléchi récemment, mais il reste à un niveau record en raison d’une très forte demande des secteurs de la construction et de la rénovation.

Depuis le début de ce nouvel épisode de la guerre du bois d’œuvre, en 2017, les droits compensatoires de 20,23 % imposés par l’administration américaine ont coûté plus de 3 milliards US aux entreprises canadiennes. Au Québec seulement, les entreprises ont dû débourser 900 millions US pour pouvoir vendre leur bois sur le marché américain.

À la fin du mois d’août, l’OMC avait taillé en pièces les arguments invoqués par les États-Unis pour imposer des droits sur le bois canadien, mais l’administration américaine avait déjà laissé entendre qu’elle n’accepterait pas cette décision.

« Ce rapport confirme ce que les États-Unis disent depuis des années : le système de règlement des différends de l’OMC est utilisé pour protéger des pratiques non marchandes et nuire aux intérêts américains », avait commenté le secrétaire au Commerce, Robert Lighthizer.

Selon le professeur Richard Ouellet, une avenue possible pour les entreprises canadiennes serait de contester les droits devant les tribunaux américains. « Mais ce serait probablement trop long et trop coûteux, puisqu’il faudrait procéder cas par cas et entreprise par entreprise », avance-t-il.

Un différend qui s’éternise

Le différend actuel entre le Canada et les États-Unis sur le bois d’œuvre est le cinquième épisode d’un conflit qui dure depuis le début des années 1980.

2016 : la U.S. Lumber Coalition dépose une plainte auprès des autorités américaines pour concurrence déloyale et réclame l’imposition de droits compensateurs et antidumping.

2017 : des négociations se déroulent entre la ministre canadienne des Affaires étrangères et le secrétaire américain au Commerce, sans résultat. En décembre, des droits de 20,23 % sont imposés sur le bois de résineux en provenance du Canada.

2018 : le Canada conteste ces droits en vertu du chapitre 19 de l’Accord de libre-échange nord-américain et devant l’Organisation mondiale du commerce.

2020 : le rapport final du groupe spécial de l’OMC affirme que le département américain du Commerce n’a pas agi de façon objective et impartiale lors de son enquête et appuie les arguments du Canada et du Québec. L’administration américaine porte la décision en appel.