Une PME valorisée à environ 2 millions avant la pandémie et ayant des revenus annuels de 4 millions, 20 000 clients, 30 employés et 10 succursales à Montréal et dans le Grand Toronto ne survivra vraisemblablement pas au virus.

Son propriétaire, Jacques Goulet, a pris sa décision, à moins que le programme d’aide au paiement des loyers commerciaux, dont les détails sont encore inconnus, réussisse à le faire changer d’idée. Une lettre laissant peu de place à l’interprétation va être envoyée cette semaine aux bailleurs de ses succursales.

Il y écrit que la situation est catastrophique. Les programmes gouvernementaux qui ont été annoncés, prêts de la BDC et subvention salariale à hauteur de 70 %, ne lui sont d’aucun secours. Le compte d’urgence pour les entreprises canadiennes prêtant jusqu’à 40 000 $ sans intérêt pourrait lui permettre de payer le loyer de ses 10 succursales pour un seul mois, ce qui est nettement insuffisant.

« Notre seule option est d’attendre l’annonce de nouveaux programmes gouvernementaux, leur écrit-il. En attendant, nous n’avons malheureusement plus d’argent à notre disposition. Nous comprenons votre insistance à vous faire payer, mais rien de ce que vous pouvez dire ou demander ne changera fondamentalement la situation. Si, par hasard, vous pouviez trouver un autre locataire pour le local que nous occupons, nous pourrions quitter les lieux dans un délai de 48 heures », fait-il savoir à ses propriétaires.

Chirurgien maxillo-facial de profession, Jacques Goulet est également entrepreneur en série. Il possède une clinique dentaire, deux cliniques de sommeil, dix cliniques de vaccination des voyageurs et un terrain de golf à normale 3 jumelé à un terrain d’exercice.

Tout est fermé, sauf sa clinique dentaire qui traite uniquement les cas urgents. Il affirme, en entretien téléphonique, avoir perdu 80 % de ses revenus au total.

Aucune reprise pour les cliniques de voyageurs avant longtemps

Comme on peut l’imaginer, c’est à ses 10 cliniques de vaccination des voyageurs que la situation est la plus critique et que les chances d’une reprise rapide sont quasi inexistantes. M. Goulet pensait sincèrement pouvoir les sauver quand le fédéral a annoncé ce que M. Goulet croyait être un programme de garantie de prêt pour le fonds de roulement des PME par le truchement de la Banque de développement du Canada (BDC), mais il a vite déchanté.

Pour accorder le prêt qui n'est finalement pas garanti par le gouvernement canadien, la BDC exige de prendre en garantie les biens personnels de M. Goulet jusqu’à 25 % de la somme prêtée de même que les éléments d’actif de ses autres sociétés jusqu’à 100 % de la somme prêtée. On voit ce genre d’exigences de la part des prêteurs en temps normal, mais la crise n’a rien changé à leurs pratiques, soutient M. Goulet. La BDC se montre toutefois plus souple qu'à l'accoutumée en ce qui à trait aux modalités de remboursements.

Mon bateau coule, mais on exige que je mette ma maison dessus avant de m’aider.

Jacques Goulet

M. Goulet préfère ne pas tout risquer pour sauver ses cliniques de vaccination. En cas de faillite de celles-ci, il perdra sa mise de fonds et son avance, un total de 450 000 $.

De nombreuses fermetures

Un récent sondage de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) laisse à penser que M. Goulet sera loin d’être le seul à fermer boutique.

Sans ou avec peu de revenus, plusieurs petites entreprises sont au bord du précipice, souligne l’organisme patronal ; 53 % des répondants réclament une aide financière continue des gouvernements et des banques.

« La survie des entreprises se joue en ce moment et le gouvernement du Québec peut faire une grande différence, insiste la FCEI dans un communiqué publié le 23 avril. Les gouvernements devraient consentir aux entreprises un important allègement d’au moins 25 % des taxes foncières tant que la crise de la COVID-19 perdure. Ils devraient mettre en place une mesure d’aide, avant le 1er mai, pour couvrir les frais fixes comme le loyer. »

Plus d’un tiers des PME québécoises sont complètement fermées (35 %) depuis le début de la crise sanitaire et près de la moitié (44 %) le sont partiellement.

« À la reprise, les clients et les ventes n’afflueront pas à leurs portes. Il faut donc les soutenir rigoureusement. D’abord pour qu’elles puissent respecter les consignes de la santé publique et ensuite, pour leur permettre de retrouver rapidement une vitesse de croisière », explique M. François Vincent, vice-président Québec à la FCEI, dans ce même communiqué.

Ces résultats sont basés sur 1425 réponses, recueillies auprès des membres de la FCEI du Québec dans un sondage en ligne à accès contrôlé. Les données reflètent les réponses reçues entre le 17 et le 20 avril 2020.

RECTIFICATIF
Une version antérieure de ce texte indiquait que notre message laissé à la BDC n’avait pas eu de suite. Or, la BDC a bel et bien commenté en indiquant qu’en raison de la crise, elle est plus souple quand aux modalités de remboursement. Elle précise aussi que le prêt n’est pas garanti par le gouvernement canadien.