L’intention d’Hydro-Québec de devenir une batterie d’énergie verte pour le nord-est du continent est une excellente idée, selon des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Mais pour que ça fonctionne, il faudrait pas moins de quatre interconnexions comme celle qui est actuellement controversée dans le Maine, disent-ils.

Les trois chercheurs du MIT qui se sont penchés sur la question soutiennent que l’utilisation des grands réservoirs d’Hydro-Québec pour équilibrer les énergies intermittentes comme le solaire et l’éolien est un bon moyen d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2 de la Nouvelle-Angleterre.

C’est aussi une façon de le faire plus rapidement et à meilleur coût, ont-ils calculé. « Les réductions de coûts possibles pour la Nouvelle-Angleterre et le Québec seraient de 17 à 29 % » pour éliminer les émissions de carbone des réseaux électriques, selon eux.

> Lisez l’étude du MIT

La formule est déjà utilisée avec succès par la Norvège, où l’hydroélectricité est abondante, et le Danemark, qui a beaucoup de parcs éoliens. Les deux pays s’échangent de l’électricité selon leurs besoins et la production disponible.

Hydro-Québec et son partenaire américain Central Maine Power tentent actuellement de faire approuver la construction d’une nouvelle ligne de transport à travers l’État du Maine. Le projet rencontre une forte opposition au sud de la frontière, notamment parce que l’hydroélectricité du Québec est perçue comme une énergie qui nuira au développement des sources locales d’énergie verte, comme le solaire et l’éolien.

Les chercheurs Emil Dimanchev, Joshua Hodge et Johns Parsons estiment au contraire que les deux régions peuvent s’échanger de l’énergie et en tirer des bénéfices complémentaires.

Le rôle de l’hydroélectricité du Québec comme ressource de stockage suggère que la construction de lignes de transmission additionnelles est un complément au développement de l’énergie propre du Nord-Est et non un substitut.

Extrait de l’étude du MIT

Hydro-Québec pourrait acheter l’énergie en surplus des parcs solaires et éoliens de la Nouvelle-Angleterre pour remplir ses réservoirs et lui fournir de l’électricité quand le vent ou le soleil n’en produisent pas suffisamment pour satisfaire la demande.

Il faudrait donc que l’énergie puisse circuler dans les deux directions, soit du nord vers le sud et du sud vers le nord. D’où la nécessité de construire d’autres lignes de transport pour permettre au réseau du Nord-Est de fonctionner en continu.

Mission impossible ?

Avant le MIT, Jeffrey Sachs, un autre chercheur américain crédible, avait soutenu le projet d’Hydro-Québec de contribuer à la réduction des émissions polluantes du nord-est du continent en utilisant son hydroélectricité et ses réservoirs pour stocker de l’énergie, comme une batterie géante.

Hydro-Québec estime que cette solution pourrait finir par s’imposer, malgré les embûches qui se dressent devant tout nouveau projet d’interconnexion.

« On est dans un contexte d’urgence climatique, dit Lynn St-Laurent, porte-parole de la société d’État. Si on veut réussir à atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, il faut prendre les bonnes décisions. »

On n’a pas 20, 30 ou 40 ans devant nous.

Lynn St-Laurent, porte-parole d’Hydro-Québec

En raison de l’opposition de la population américaine, la société d’État a déjà dû abandonner un projet de ligne de transport, appelé Northern Pass, qui serait passé à travers le New Hampshire pour atteindre le Massachusetts. Son plan B pour rejoindre le Massachusetts, qui a conclu un contrat d’achat d’électricité québécoise pour 20 ans, passe par le Maine et fait actuellement face à beaucoup d’hostilité dans cet État.

La capacité de ce futur lien est entièrement réservée au contrat conclu avec le Massachusetts. L’énergie circulera donc du nord vers le sud pendant les 20 ans de la durée du contrat. Après, de l’énergie pourrait circuler dans les deux directions, selon les besoins du marché, indique Hydro-Québec.

Les États de la Nouvelle-Angleterre se sont donné l’objectif de réduire de 80 % les émissions de CO2 générés par la production d’électricité d’ici 2030, et de les avoir éliminées complètement en 2050.

Le Maine aussi veut de l’énergie verte

Après le Massachusetts, c’est au tour du Maine de lancer un appel d’offres pour l’achat d’énergie renouvelable, et Hydro-Québec pourrait être sur les rangs. « On va prendre le temps d’analyser la proposition et si on conclut que c’est possible d’y participer, on va considérer ça sérieusement », a fait savoir la porte-parole d’Hydro-Québec.

Hydro travaille fort pour faire avancer son projet de ligne de transport dans le Maine, mais l’appel d’offres est un projet distinct, selon la société d’État.

C’est la première fois que la Maine Public Utilities Commission lance un appel d’offres de cette envergure pour un contrat d’achat d’énergie renouvelable à long terme. Une nouvelle loi oblige maintenant le Maine à respecter les mêmes cibles de réduction des gaz à effet de serre que les autres États de la Nouvelle-Angleterre pour son approvisionnement en électricité.

Le Maine est à la recherche d’énergie verte, de crédits d’émissions ou d’installations de stockage d’énergie. Les intéressés ont jusqu’au 10 avril pour soumettre leurs propositions.