La vingtaine de bars et restaurants de l’homme d’affaires montréalais Peter Sergakis devront continuer de servir des produits Labatt, a tranché la Cour d’appel. Le tribunal a rejeté la demande de revenir sur la décision rendue en 2018 par la Cour supérieure, qui forçait Placements Sergakis à renoncer à un contrat avec Molson en vertu d’une entente antérieure signée avec Labatt.

Dans une décision rendue vendredi dernier, la Cour d’appel a rejeté la demande de Placements Sergakis inc. (PSI) de revoir le jugement de la Cour supérieure rendu le 22 mai 2018. Cette dernière donnait raison à Labatt pour l’obtention d’un contrat avec PSI, qui se voyait du même coup dans l’obligation de refuser une offre faite par Molson.

« Nous ne sommes pas en mesure de fournir de détails puisqu’il s’agit d’un dossier judiciaire. Labatt s’en remet à la décision de la Cour d’appel du Québec », a répondu Jennifer Damiani, directrice des communications de Brasserie Labatt.

La Presse n’a pas réussi à joindre Peter Sergakis, lundi soir.

Conflit autour d’un « ou »

Le conflit découle de l’interprétation d’une clause du contrat d’exclusivité que l’entreprise de Peter Sergakis avait signé avec le fournisseur Labatt, avec qui elle fait affaire depuis plus de 25 ans. Le contrat signé en 2012 prenait fin le 31 décembre 2017 et comportait une clause de premier refus au bénéfice de Labatt.

« Sergakis donne à Labatt le droit de considérer toute offre concurrentielle et de déposer une offre égalant ou améliorant d’au moins 5 % les aspects financiers de l’offre concurrentielle. Suite au dépôt d’une contre-offre, Sergakis devra refuser l’offre concurrentielle et signer avec Labatt », était-il écrit au contrat.

En d’autres termes, advenant une offre plus intéressante d’un autre fournisseur — par exemple Molson Canada —, Labatt conservait sa priorité, à condition d’égaler ou de bonifier l’offre du concurrent.

Ainsi, quand Molson Canada a présenté une offre à PSI comprenant une plus haute ristourne par caisse métrique de bière vendue, Labatt a présenté une contre-offre égale à celle de Molson.

[Labatt] estime avoir ainsi exercé son droit de premier refus […]. Sergakis ne partage pas son point de vue, étant plutôt d’avis que, selon la clause de premier refus, Labatt a l’obligation de bonifier toute offre concurrentielle de 5 %.

Extrait du résumé présenté par la cour

Le litige portait donc en majeure partie sur l’interprétation linguistique de la clause, et le Tribunal devait déterminer si le contrat qui liait les deux parties « était clair ou ambigu et en déclarer la portée ».

Dans sa décision, la juge Chantal Corriveau a déclaré que l’offre de Labatt était égale dans tous ses aspects à l’offre concurrentielle et qu’elle respectait le contrat. Elle a ordonné à Placements Sergakis de refuser l’offre de Molson et de signer une entente de distribution exclusive de produits brassicoles avec Labatt dans les 60 jours suivant le jugement. Du même coup, Brasserie Labatt devait payer les nouvelles ristournes prévues au contrat rétroactivement au 1er janvier 2018.

Vendredi, la Cour d’appel a conclu que la juge de première instance n’a pas « commis une erreur manifeste et déterminante dans son analyse de la preuve et dans l’application des principes d’interprétation pertinents à la clause du contrat », contrairement à ce que plaidait Sergakis, et qu’il n’y avait pas matière à porter la cause en appel.