Ce n’est pas encore la relance économique que le gouvernement Trudeau promettait.

L’été dernier, Justin Trudeau voyait dans la crise sanitaire une occasion de « mieux rebâtir » le Canada. Finalement, la tempête a repris et il en est encore à solidifier les digues.

En septembre, le premier ministre présentait un discours du Trône aux allures de plateforme électorale. Les projets aussi ambitieux que coûteux ne manquaient pas, comme les programmes nationaux pour les garderies et l’assurance médicaments.

M. Trudeau voulait préciser cette vision dans la mise à jour économique, ou même se lancer en campagne électorale pour en débattre. Après tout, les sondages étaient bons…

Mais la COVID-19 a compliqué son plan. Puisque la deuxième vague s’intensifie, son gouvernement doit encore se concentrer sur les mesures d’aide.

Bien sûr, avec la hausse du nombre de personnes infectées, on s’y attendait. Ce qui étonne, toutefois, c’est que l’aide ne cible pas davantage les secteurs fragilisés. Après tout, 80 % des emplois ont été récupérés, et la crise se concentre désormais dans l’hôtellerie, dans la restauration ainsi que dans la culture et le divertissement. Mais le programme pour ces secteurs n’est pas encore prêt. Idem pour celui destiné aux compagnies aériennes. Rare exception, une aide additionnelle de 181 millions est prévue en culture.

Pour le reste, il faudra attendre cet hiver. Le budget, prévu pour mars, détaillera la relance promise. Il est difficile d’imaginer que des élections ne seront pas déclenchées au printemps, sinon au plus tard à l’automne.

Sauf que d’ici là, de nouveaux écueils se pointent à l’horizon.

On croyait que l’arrivée d’un vaccin constituerait une bonne nouvelle pour les libéraux, mais elle vient maintenant avec un risque : que les Canadiens voient à la télé les citoyens d’autres pays se faire vacciner au début de l’hiver alors qu’ils attendent encore leur tour…

Tout dépend donc de la vaccination. Plus tôt elle se fait, plus rapidement les mesures d’aide pourront être remplacées par celles de relance.

Lundi, on a appris la somme projetée : de 70 à 100 milliards seront dépensés sur trois ans. Autant de cartouches électorales à tirer.

Cela pourrait toutefois devenir compliqué avec les provinces. Rien n’a été offert pour répondre à leur principale demande : hausser les transferts en santé. Au lieu d’offrir plus d’argent, Ottawa leur demande d’ajouter des services, sans garantir qu’ils seront entièrement financés.

M. Trudeau, qui courtise le vote néo-démocrate, promet encore un programme pancanadien d’assurance médicaments et une norme nationale pour les établissements de soins de longue durée. Pourtant, les provinces n’en veulent pas.

Il a aussi annoncé un Fonds de prévention et de contrôle des infections, doté d’une enveloppe d’un maximum de 1 milliard de dollars, dont le versement dépend du respect de plusieurs conditions. On a déjà vu à quoi cela mène avec le logement : de la grogne et des délais.

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, se défend en rappelant que le fédéral a financé plus de 80 % des mesures d’aide au pays. C’est en effet grâce à Ottawa si les revenus du Québec n’ont pas chuté. Mais la politique est ingrate, et les électeurs peuvent l’être aussi. Ils ont tendance à juger davantage les politiciens sur ce qu’ils espèrent obtenir que sur ce qu’ils ont reçu.

Se positionner face aux conservateurs sera aussi plus difficile que prévu. Leur chef Erin O’Toole ne se lie pas les mains avec un échéancier serré de retour au déficit zéro. Il serait prêt à attendre environ 10 ans avant d’équilibrer le budget, et il ne conteste pas l’ampleur du plan d’aide actuel.

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Cela dit, les libéraux ne se sont pas privés de distribuer quelques cadeaux avant Noël. Même si le revenu et l’épargne n’ont pas baissé, ils bonifieront l’année prochaine l’allocation famille pour les enfants de 6 ans et moins. La somme — d’un maximum de 1500 $ — sera envoyée en quatre versements, qui auront le mérite d’être reçus juste avant des élections printanières ou automnales…

D’autres surprises paraissent par contre nécessaires et structurantes à long terme. Après un mandat à ânonner sur le sujet, M. Trudeau va enfin exiger que les entreprises numériques étrangères perçoivent la TPS. Et il promet de faire payer une forme d’impôt aux géants du web d’ici janvier 2022, même si les États-Unis et d’autres grands pays ne le suivent pas.

Peut-être est-ce l’influence de Mme Freeland, qui a déjà publié un essai sur les inégalités de revenu. À tout le moins, la mise à jour économique est marquée par son féminisme. Cela se voit particulièrement à l’importance accordée à un programme national de garderies, inspiré de celui de chez nous.

Le Québec recevra un chèque, et l’enjeu se résume à en négocier la somme. Mais ailleurs au pays, c’est un engagement majeur.

Rappelons que la crise frappe plus durement les mères de familles monoparentales et les pauvres. Moins une personne gagnait d’argent avant la COVID-19, plus ses heures de travail ont été réduites. Offrir un service abordable de garderies apparaît comme une nécessité à la fois sociale et économique. Les consultations à ce sujet commenceront bientôt, promet Mme Freeland.

Mais avant d’entamer la relance, il faut stopper l’épidémie. Cela passe par une campagne de vaccination réussie.

Si les libéraux échouent dans cette tâche, ils ne réussiront pas à convaincre les électeurs qu’ils pourront gérer tous les autres programmes promis, qui restent encore aussi riches en promesses que pauvres en détails.