Stéphane Paquet, PDG de Montréal International

Malgré les longs mois de confinement forcé du printemps et la fermeture des frontières qui est toujours en vigueur depuis plus de cinq mois, l’attractivité de Montréal pour les investissements étrangers affiche une belle résilience. À preuve, Montréal International vient de réaliser le meilleur premier semestre de son histoire en ayant participé à la concrétisation de 1,38 milliard d’investissements internationaux. Rencontre avec son PDG, Stéphane Paquet.

Q. Montréal International a enregistré l’an dernier la meilleure année de son histoire en participant à la réalisation de projets d’investissements étrangers qui ont totalisé 2,6 milliards. On pensait que la crise du coronavirus allait freiner de façon draconienne cet élan, et pourtant, vous venez d’annoncer un premier semestre record. Comment expliquez-vous cette performance inattendue ?

R. L’année 2019 a effectivement été une année record avec 89 projets d’investissements étrangers, dont 58 implantations d’entreprises qui n’étaient pas ici avant. L’année 2018 avait été aussi exceptionnelle avec 63 projets d’investissements réalisés.

On avait donc un très bon pipeline de projets pour amorcer 2020, et malgré la pandémie, on a quand même réussi à confirmer l’implantation de 15 nouvelles entreprises à Montréal, dont 10 depuis la mi-mars. Quand je parle de dossier complété, c’est que le directeur général a été embauché et que les locaux ont été loués.

Q. Avec ces 15 implantations pour les six premiers mois de 2020, on reste encore loin des 58 nouvelles implantations enregistrées en 2019. Comment expliquez-vous le chiffre de 1,38 milliard d’investissements réalisés cette année ?

R. Contrairement aux autres années, on enregistre en 2020 plus de réinvestissements de filiales étrangères déjà établies dans la région de Montréal que d’implantations de nouvelles sociétés étrangères. Depuis le début de l’année, on a déjà 22 réinvestissements de filiales confirmés et on mise beaucoup sur ces investissements pour franchir le cap des 2 milliards pour l’ensemble de l’année.

Depuis deux ans, on a mis beaucoup d’efforts dans les visites des filiales qui sont implantées à Montréal. On est là pour les accompagner pour qu’elles obtiennent de nouveaux mandats de leur siège social. On travaille avec elles leur plan d’affaires pour les aider à convaincre leur maison-mère d’investir à Montréal.

Depuis la mi-mars, depuis qu’on ne peut plus voyager et que les directions d’entreprises ne peuvent plus venir nous voir, on a réalisé pas moins de 200 visites de filiales d’entreprises et on va continuer de le faire.

Q. Est-ce qu’on a trop négligé de le faire avant ?

R. On le faisait, mais pas de façon aussi systématique. Les filiales étrangères sont importantes pour l’économie de Montréal et pour la relance. Il y en a plus de 2000 qui sont établies dans la région et elles génèrent 10 % de l’emploi et 20 % du PIB.

Et surtout, les filiales sont responsables de 55 % de toutes les exportations québécoises, on a qu’à penser à Pratt & Whitney ou Rio Tinto. On parle beaucoup d’achat local par les temps qui courent, mais les filiales réalisent pour 17 milliards d’achats par année à des entreprises québécoises, dont nos PME locales.

Q. N’empêche, votre travail de prospection doit être plus compliqué maintenant puisque les frontières sont toujours fermées et que l’accès des investisseurs étrangers est freiné par les mesures de confinement. Comment vous êtes-vous adaptés ?

R. On fait beaucoup de rencontres virtuelles. On s’est adaptés et nos clients se sont adaptés. Récemment, on a participé – virtuellement – au grand salon BIO, le salon annuel des sciences de la vie. Étonnamment, une vingtaine d’entreprises européennes qui veulent percer le marché américain se sont montrées intéressées à venir s’implanter à Montréal parce qu’elles n’avaient pas de présence physique en Amérique du Nord.

On travaille beaucoup avec les bureaux d’Investissement Québec à l’étranger, les ambassades et les consulats canadiens et aussi avec nos 200 entreprises partenaires qui ont des antennes partout dans le monde.

Q. Est-ce que la pandémie et le risque d’une deuxième vague à l’automne ont freiné l’intérêt des entreprises à investir ? Est-ce qu’il y a des secteurs qui se portent mieux et d’autres qui souffrent davantage ?

R. Il y a beaucoup de secteurs d’activités où la croissance est encore forte. Les sciences de la vie, les jeux vidéo, les technologies de l’information, la cybersécurité, les centres de données sont encore très porteurs.

Par contre, on sait que pour l’aéronautique, les perspectives sont moins bonnes. C’est dommage, parce qu’en 2019, on avait enregistré notre meilleure année avec 275 millions en nouveaux investissements étrangers. Si ça va moins bien du côté de l’aviation commerciale, on essaie de développer les autres secteurs de l’aéronautique, comme les satellites, les drones ou le militaire.

L’implantation d’Airbus à Mirabel a entraîné un intérêt de plusieurs de ses fournisseurs français à se rapprocher de l’entreprise au Québec.

Q. Vous avez été nommé à la direction de Montréal International en janvier dans la foulée de la refonte d’Investissement Québec, qui a mis sur pied Investissement Québec International. Comment se vit le mariage avec Investissement Québec, est-ce qu’il n’y a pas de risques d’empiétement de vos mandats respectifs ?

R. Vous n’êtes pas le premier à me poser la question. La relation se porte très bien. Cela va faire 25 ans l’an prochain que Montréal International a été créée, et c’est la première fois qu’on a deux ententes formelles qui départagent nos responsabilités.

Investissement Québec International a intégré des fonctions qui existaient, soit les gens d’Export Québec et les spécialistes de l’investissement étranger du ministère du Développement économique.

Hubert Bolduc, mon ancien patron à Montréal International, est responsable de l’attraction d’investissements étrangers partout au Québec. On coordonne nos activités et on s’assure de ne pas dédoubler. De plus, on assure maintenant l’intelligence d’affaires pour Investissement Québec. On travaille tous avec les mêmes objectifs et on partage l’information.

Q. Comment entrevoyez-vous le deuxième semestre qui s’amorce ?

R. Les mois de juillet et d’août sont traditionnellement plus tranquilles. On va mieux voir les choses en septembre. Mais c’est certain que l’ouverture des frontières va nous faciliter la vie. Je crois encore à l’importance d’une poignée de main pour conclure un marché.