Personne ne doute plus que la pandémie de coronavirus affectera gravement l’économie du Québec et du Canada. La question qui se pose maintenant est de savoir si la crise se prolongera et combien de temps il faudra pour s’en remettre.

C’est plus une question qui relève des autorités de santé publique, estime Dominique Lapointe, économiste en chef de Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

« On parle d’une crise de confiance. Au [bout du compte], ni les interventions des gouvernements pour aider les entreprises et les travailleurs ni les baisses de taux d’intérêt ne vont ramener la confiance. C’est l’assurance que l’épidémie est sous contrôle [qui va le faire] », explique-t-il.

Il est déjà acquis que la pandémie retranchera 2 % à la croissance de l’économie mondiale. Ça veut dire que plusieurs pays tomberont en récession, dont le Japon, l’Italie, et peut-être la France et l’Allemagne, sans parler des pays émergents déjà à risque.

Plusieurs économistes croient que le Canada n’y échappera pas, du moins techniquement. Une récession est officiellement déclarée quand la croissance tombe sous zéro pendant deux trimestres consécutifs.

« On n’en sera pas loin », croit Hendrix Vachon, économiste principal chez Desjardins.

Le premier trimestre pourrait être légèrement positif, mais pour le deuxième, les chances d’être sous zéro sont plus élevées.

Hendrix Vachon

Au troisième trimestre, l’économie pourrait redresser la tête et si c’est le cas, la récession sera évitée, « mais de justesse », croit Hendrix Vachon.

Le pire est à venir

À court terme, les conditions économiques risquent d’empirer. « On assiste à l’effondrement de la chaîne de production mondiale », souligne Dominique Lapointe.

Au Canada, le commerce international sera le premier à souffrir, ensuite les investissements vont se tarir et la consommation va ralentir, énumère-t-il.

La situation risque d’empirer avant de s’améliorer. Il faut s’attendre à une augmentation du chômage et à des faillites d’entreprises.

Comme tout est arrêté, plus les gens vont commencer à perdre leur emploi et plus l’impact sur l’économie sera important.

Luc Vallée, économiste en chef de l’Institut de Montréal

Le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, qui tablait encore mardi sur une croissance de 2 % dans son budget, vient de changer de vocabulaire. Il parle maintenant de ralentissement et de déficit plutôt que de croissance et de surplus.

« On voit que les premier et deuxième trimestres de l’année vont être très faibles, a-t-il dit jeudi. L’évolution de la pandémie nous dira quel rebond on aura au deuxième semestre. On a vu lors de situations passées semblables que ça prend de deux à trois trimestres pour reprendre ce qu’on a perdu. »

Interventions nécessaires

Dans leur scénario le plus probable, les économistes de la Banque Laurentienne tablent sur une reprise à la mi-année, si la propagation du coronavirus est maîtrisée et que les politiques fiscales et monétaires donnent les résultats escomptés.

Si ce n’est pas le cas, « l’activité économique va se contracter encore plus et pour plus longtemps, ce qui retarderait le rebond à 2021 », avance Dominique Lapointe.

Selon lui, il y a des raisons d’être optimiste du fait que la Chine, qui a pris les grands moyens pour stopper l’épidémie, a relancé la production dans ses usines. Les mesures de santé publique auront un impact important sur la suite des choses, estime-t-il.

Les banques centrales et les gouvernements doivent tout de même continuer d’intervenir pour limiter les dégâts, estiment les économistes consultés jeudi.

« Avec les bonnes politiques fiscales, il est possible de compenser la baisse de la demande et d’éviter de tomber dans une récession plus profonde », note Luc Vallée. Aider les travailleurs mis en chômage forcé et aider les entreprises à court de liquidités sont de bons moyens d’atténuer le choc, estime-t-il.

Il en faudra plus, croit quant à lui Dominique Lapointe. Le prochain budget fédéral, le 30 mars, devrait proposer d’autres mesures d’aide, selon lui.

D’autres baisses de taux d’intérêt sont aussi à prévoir, assurent les trois économistes interrogés jeudi. La Banque du Canada devrait baisser ses taux d’au moins 50 points de base en avril et peut-être de 25 points de plus en juin.

À moins que la pandémie s’aggrave, Dominique Lapointe ne pense pas que le taux directeur de la Banque du Canada descendra à zéro. Luc Vallée est du même avis. « Mais les taux vont rester bas longtemps », prévoit-il.