Changement d’heure dimanche, pleine lune lundi, vendredi 13 sous peu… Je ne suis pas superstitieuse pour deux sous, mais avouez que les astres sont drôlement bien alignés cette semaine pour un scénario de film d’horreur.

Et c’est exactement ce que les investisseurs ont vécu.

PHOTO RICHARD DREW, ASSOCIATED PRESS

Au plus sombre de la journée, l’indice S&P 500 de la Bourse américaine est passé à un cheveu de sombrer dans un marché baissier, caractérisé par une baisse de 20 % à partir du sommet.

Avec le krach du prix du pétrole et les craintes entourant le COVID-19, les Bourses ont encaissé leur pire journée depuis la crise du crédit, en 2008. La chute a été si violente que les transactions ont été suspendues, dans une rarissime utilisation d’un mécanisme instauré après un autre lundi noir, celui du krach de 1987.

Au plus sombre de la journée, l’indice S&P 500 de la Bourse américaine est passé à un cheveu de sombrer dans un marché baissier, caractérisé par une baisse de 20 % à partir du sommet.

Ce n’est pas la première fois que les investisseurs ont la frousse. Depuis le début de l’actuel cycle haussier, il y a eu sept replis de 14 % en moyenne, a calculé Martin Roberge, stratège quantitatif chez Canaccord Genuity.

Mais cette fois-ci, tous les ingrédients étaient réunis pour un ressac plus grave. Rendement astronomique l’an dernier, spéculation, endettement… Il y avait du ménage à faire. Le COVID-19 a été le catalyseur pour nettoyer les excès.

Un exemple d’excès ?

L’an dernier, une poignée de grands noms ont capté une très large part du rendement de la Bourse américaine. Cette concentration inquiétante avait comme un parfum de bulle techno…

En fait, les cinq plus importantes entreprises de la Bourse américaine (Microsoft, Apple, Amazon, Facebook et Google) représentaient 18 % de la Bourse américaine, presque autant qu’avant l’éclatement de la bulle techno, alors que les cinq plus grands noms (Microsoft, Intel, Cisco, IBM et Oracle) formaient 18,4 % de la Bourse, rapporte M. Roberge.

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Désormais, les investisseurs se retrouvent devant une question angoissante : y aura-t-il une récession, oui ou non ?

Même si l’on parvient à contenir la propagation du COVID-19, les efforts pour y arriver porteront peut-être un coup fatal à l’économie mondiale.

Déjà, les entreprises ont mis en place des politiques pour limiter les voyages et réduire l’embauche. Les ménages remettent en question leurs projets de voyages et de sorties dans des lieux publics. À Seattle, qui est l’épicentre de l’épidémie aux États-Unis, on observe même une baisse de la congestion routière, rapporte Mathieu Savary, stratège chez BCA Research.

« Le problème en ce qui a trait à l’économie, dit-il, c’est que la perception de la réalité par les individus devient la réalité économique elle-même. Les individus s’inquiètent du coronavirus et changent leur comportement en réaction à une peur qui n’est peut-être pas bien fondée, mais qui est réelle quand même. »

Justifiée ou non, la crise d’angoisse va donc freiner l’économie. Reste à savoir jusqu’à quel point. Si la récession se matérialise, ce qui a 50 % de probabilités de se produire, les investisseurs peuvent s’attendre à un repli de 35 % si l’on se fie à la moyenne historique… ou même davantage en cas de récession profonde.

Pour les petits investisseurs, il est trop tard pour vendre, mais trop tôt pour racheter. Si votre portefeuille vous a donné des sueurs froides, c’est qu’il ne correspond pas à votre profil d’investisseur. Attendez que la situation se stabilise pour réduire votre niveau de risque.

Entre-temps, « il faut se concentrer sur ses objectifs à long terme. Ça ne sert à rien de trader le marché en ce moment. Dieu seul sait combien de cas de coronavirus on aura demain », dit M. Savary.

Tout comme M. Roberge, il préfère attendre des signaux rassurants avant de rembarquer dans le train, quitte à rater une partie du rebond.

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Un des premiers facteurs à suivre est la réponse fiscale des gouvernements. En année électorale, le président Trump pourrait accorder des baisses d’impôts généralisées à la classe moyenne.

Les investisseurs devront aussi guetter la réponse des banques centrales. Déjà, les marchés s’attendent à ce que la Réserve fédérale américaine réduise son taux directeur de 75 points centésimaux dès la semaine prochaine. Une baisse additionnelle en avril pourrait les mener tout près de zéro. « Mon pronostic est que les taux seront à zéro au Canada aussi d’ici l’automne prochain », indique M. Savary.

Enfin, les investisseurs devront garder un œil attentif sur les obligations à rendement élevé émises par des sociétés ayant une moins bonne cote de crédit.

Depuis la mi-février, l’écart entre le rendement de ces obligations et celles d’obligations plus sûres a doublé, passant de 280 à 550 points centésimaux. Fini le crédit bon marché !

Ces dernières semaines, il n’y a eu aucune émission d’obligations à rendement élevé aux États-Unis, ce qui démontre que ces entreprises ne sont plus capables d’emprunter, en particulier celui du secteur de l’énergie qui sont responsables du quart des obligations à rendement élevé.

Et voilà que la baisse du prix du pétrole va miner leurs profits. Si la situation ne se rétablit pas, on pourrait donc assister à une vague de faillites et de mises à pied qui fragiliseront encore plus les ménages et l’économie.