Alors que la Chine vient de suspendre l’importation de porc et de boeuf canadiens, le porc québécois vole la vedette dans les Costco du Japon. Depuis plus d’un an, près de 95 % de la viande porcine fraîche vendue par la chaîne est produite par Olymel.

Le produit québécois dame ainsi le pion à son concurrent américain puisque les 26 magasins de l’enseigne offrent uniquement du porc d’ici dans leurs étals. Les barquettes de côtes levées, de flanc, de longe ou de filet de porc sont clairement identifiées avec des autocollants portant le logo d’Olymel. La feuille d’érable indiquant la provenance de la viande est également mise en évidence.

« Ça faisait un bon bout de temps que le porc canadien était perçu comme étant supérieur à celui des Américains, souligne Richard Davies, vice-président principal ventes et marketing chez Olymel. Dire qu’on est le fournisseur exclusif, c’est gros, mais on est un fournisseur de choix. »

PHOTO FOURNIE PAR OLYMEL

Depuis qu’Olymel livre son porc dans les Costco japonais, l’enseigne a connu une augmentation de 15 % de ses ventes de viande porcine fraîche.

Depuis que l’entreprise québécoise livre son porc dans les différents Costco japonais, l’enseigne a connu une augmentation de 15 % de ses ventes de viande porcine fraîche, indique Shoji Nomura, directeur japonais du marketing pour Canada porc international, dans un courriel envoyé à La Presse. Les programmes canadiens de vérification de la viande et la qualité du produit, par rapport à son concurrent américain, ont grandement influencé le choix des Japonais en faveur du porc québécois, explique-t-il.

[Costco], c’est une grosse prise pour nous. C’est un gain important.

Richard Davies, vice-président principal ventes et marketing chez Olymel

Les ventes de porc frais qu’Olymel enregistre dans ces grandes surfaces représentent 10 % des ventes totales de viande porcine fraîche que l’entreprise québécoise fait en terre nipponne.

Uniquement pour Costco, plus de 100 tonnes de porc par semaine quittent l’usine de Vallée-Jonction en Beauce — endroit où Olymel produit en bonne partie la viande destinée à ce marché — à destination du Japon. Emballé sous vide, le porc voyage dans des conteneurs où la température est maintenue entre 0 et 1 degré Celsius. Le trajet dure environ 25 jours. La viande se conserve ensuite pendant une quinzaine de jours.

Le porc d’ici attire les regards

Par ailleurs, la présence d’Olymel chez Costco ne passe pas inaperçue. D’autres enseignes ont manifesté leur intérêt pour le porc québécois, indique M. Davies. Il reste maintenant à voir si cette curiosité se traduira en commandes.

Chose certaine, la demande est là. « Il n’y a pas assez de porcs au Japon pour fournir les Japonais, lance sans détour David Duval, président des Éleveurs de porcs du Québec. La question que posent toujours les Japonais, c’est : “Est-ce que vous allez être capables de nous fournir ?” »

C’est que le Québec, qui élève et abat annuellement 7 millions de porcs, consacre près de 70 % de sa production à l’exportation. Les États-Unis, la Chine, le Japon et la Corée représentent les principaux marchés étrangers. Et selon le président des Éleveurs de porcs du Québec, David Duval, l’industrie « n’arrive pas à compléter ses carnets de commandes ».

Mais en ce qui concerne le Japon, M. Duval assure que les éleveurs et les transformateurs mettront les bouchées doubles. « C’est sûr que c’est un marché à privilégier », assure-t-il.

Du côté d’Olymel, Richard Davies souligne toutefois que la crainte de l’approvisionnement se fait sentir lorsque les magasins mettent un produit en promotion. « Il y a une préoccupation là, admet-il. Mais d’habitude, ils [les Japonais] vont valider avec nous pour s’assurer que nous avons la capacité de fournir. »

Selon M. Davies, « le partenariat avec la grande bannière se poursuit ». L’entreprise québécoise effectue actuellement des tests pour transformer de la fesse de porc en viande hachée. Si le projet se concrétise, le produit sera toutefois vendu dans le rayon des surgelés.

Les exportations vers la Chine ont explosé

L’embargo sur les exportations de viande canadienne vers la Chine, s’il devait perdurer, pourrait saboter la récente et très forte croissance des exportations de viande porcine du Québec vers l’énorme marché chinois. Depuis le début de l’année, la valeur de ces exportations a presque doublé (+ 93 %) par rapport à la même période l’an dernier. Cette valeur totalise 178 millions pour les quatre premiers mois de 2019, contre 92 millions un an plus tôt, selon les plus récentes données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). La croissance était telle que ce pays a surclassé les États-Unis et le Japon comme principal marché d’exportation de l’industrie porcine québécoise, du moins pour les premiers mois de 2019. De janvier à avril, la valeur mensuelle des exportations de viande et abats de porc vers la Chine a augmenté de 26 à 50 millions, selon les données compilées de l’ISQ. Pendant ce temps, cette valeur d’exportation a oscillé autour de 36 millions par mois vers les États-Unis et autour de 26 millions par mois vers le Japon.

— Martin Vallières, La Presse