Hydro-Québec va dévoiler prochainement les résultats de son année financière 2018, mais les températures froides de l’hiver dernier, les fortes chaleurs de l’été passé et de bonnes ventes à l’exportation laissent présager une autre bonne performance de la société d’État.

Trois ans après son entrée en fonction à titre de PDG d’Hydro-Québec, Éric Martel a accepté de faire le bilan de son mandat durant lequel il s’était notamment engagé à hausser la transparence de la plus importante société d’État québécoise et à améliorer son service à la clientèle.

On s’est rencontrés le troisième jour de votre entrée en fonction, en juillet 2015, et à l’époque, vous vous étiez fixé quatre objectifs bien précis que vous souhaitiez réaliser durant votre mandat de cinq ans. Comment évaluez-vous le chemin parcouru jusqu’à maintenant ?

Je me souviens très bien de notre rencontre où je vous avais expliqué que mes priorités visaient à améliorer le service à la clientèle et augmenter la productivité, la croissance et la transparence d’Hydro-Québec.

Au chapitre du service à la clientèle, nos efforts ont porté fruit. Les gens ne le savent pas, mais on répond en moyenne à 12 000 appels téléphoniques par jour. On a réduit le délai de réponse de 205 à 87 secondes, soit une baisse de 57 %, et on a réduit de 52 % le nombre de plaintes reçues.

Le taux de satisfaction de la clientèle résidentielle est passé de 82 % à 93 %, alors que le taux de clients très satisfaits a suivi la même progression, soit de 27 % à 32 %.

On a mis la clientèle au centre de nos priorités et, parallèlement, l’indice global d’engagement de nos employés est passé de 67 % à 85 %.

Par contre, pour ce qui est de la productivité, une étude récente de HEC Montréal nous indique que la productivité générale d’Hydro-Québec ne s’améliore pas, mais qu’elle décline depuis une dizaine d’années. Comment expliquez-vous cela ?

La productivité de nos employés affiche une hausse de 1,6 % en moyenne par année, contre 1 % pour le reste du Québec. Hydro-Québec n’a pas augmenté le nombre de ses employés par rapport à 1986. Aujourd’hui, on a moins de 20 000 employés, alors qu’on a déjà compté plus de 26 000 salariés.

Pourtant, depuis 1986, le nombre de nos clients résidentiels et commerciaux est passé de 2,8 millions à 4,2 millions. On a aussi beaucoup plus d’équipements et d’infrastructures à superviser qu’il y a 30 ans.

L’étude des HEC parle de productivité multifactorielle et tient compte de nos dépenses en capital, mais c’est certain que les dernières grandes centrales qu’on a réalisées étaient beaucoup plus coûteuses à aménager.

Le dernier des engagements que vous avez pris au début de votre mandat visait à générer davantage de croissance des activités courantes d’Hydro-Québec, qui semblaient être depuis quelques années condamnées à plafonner. A-t-on réalisé des avancées sur ce plan ?

Depuis 2007, nos capacités de production sont demeurées stables parce que la demande intérieure n’a pas bougé. On consomme toujours au Québec une moyenne annuelle de 170 térawattheures, alors qu’on est en mesure de produire 205 térawattheures.

C’est pour ça qu’on a décidé de capitaliser sur l’exportation de nos surplus d’électricité, une opération qui est extrêmement profitable pour nous. Nous exportons seulement 15 % de notre production, mais ces ventes génèrent 25 % de nos profits parce qu’on obtient le prix du marché.

Depuis trois ans, on a mis beaucoup d’efforts sur nos ventes à l’exportation, et cela a porté fruit puisqu’on a signé le plus gros contrat de notre histoire qui va nous permettre de vendre 10 térawattheures à l’État du Massachusetts.

Justement, Hydro se fait brasser pas mal durant les audiences publiques sur l’impact environnemental de la construction d’une nouvelle ligne de transport qui doit traverser le Maine. Pensez-vous être en mesure de passer au travers de ces audiences ?

Absolument. On vient tout juste de recevoir l’appui de groupes environnementaux qui soulignent que notre projet va permettre une réduction des gaz à effet de serre en Nouvelle-Angleterre. On commence à comprendre que notre contribution est plus grande que leurs seuls inconvénients.

Avec ces nouvelles exportations, on va être responsables de 17 % des besoins énergétiques de la Nouvelle-Angleterre. On est une batterie pour tout le Nord-Est américain. Nos exportations d’électricité vont permettre à ces États de développer d’autres sources alternatives comme le solaire et l’éolien.

Parlant d’éolien, vous vous êtes opposé à la construction d’un nouveau parc éolien de 200 mégawatts sur la Côte-Nord que voulait ériger la nation innue. Est-ce que cette décision est irrévocable ?

Écoutez, j’ai exposé les faits. On est en situation de surplus pour les 20 prochaines années. C’est impossible d’augmenter nos capacités quand on déverse l’équivalent de 10 térawattheures de nos réservoirs parce qu’on ne peut transformer cette eau en électricité.

Je n’ai pas fermé la porte pour toujours. Si l’actionnaire [le gouvernement québécois] décide d’ajouter de la puissance, je vais respecter sa décision. On doit entreprendre une réflexion stratégique en 2021-2022 pour déterminer nos priorités des 20 prochaines années. On doit s’entendre avec Terre-Neuve sur l’avenir de Churchill Falls. Est-ce qu’on va construire une nouvelle centrale hydroélectrique, ajouter des projets éoliens, développer le solaire ? On va tout mettre sur la table.

Chose certaine, vous devez stimuler la croissance de la demande interne au Québec. Est-ce que l’électrification des transports est une voie porteuse à cet égard ?

On suit l’évolution de la demande. On a installé à ce jour 1700 bornes de recharge rapide au Québec et on prévoit en installer 1600 additionnelles au cours des 10 prochaines années.

On est par ailleurs toujours impliqués dans le développement des moteurs électriques via notre division TM4 qui s’est associée l’an dernier à l’équipementier américain Dana Corporation.

Ce partenariat nous ouvre des perspectives beaucoup plus grandes puisque Dana est un fournisseur important dans le réseau des grands de l’auto, tels que Ford, GM ou Toyota.

Vous avez été approché par le Mexique pour développer une coentreprise qui serait responsable de la modernisation de l’ensemble du réseau de production du pays. Est-ce que vous prévoyez aller de l’avant sur ce front ?

J’ai dit qu’il était important qu’Hydro-Québec conserve et développe son expertise en génie électrique, même si on ne développe pas de nouveaux projets. Le développement international peut nous aider à y arriver.

Le Mexique veut restaurer ses 60 centrales électriques et aimerait travailler avec nous. On étudie le dossier. Ça prend des capitaux pour mettre sur pied une coentreprise. Mais c’est certain que l’on peut commercialiser notre expertise sur la scène internationale.