Sandoz Canada a vendu cet été sa division de production de médicaments génériques injectables de Boucherville et est devenue la première société pharmaceutique au Canada à commercialiser le cannabis médicinal. Rencontre avec son PDG, Michel Robidoux, qui nous explique les plus récentes transformations de son groupe.

Vous avez annoncé la vente de votre usine de fabrication de médicaments génériques et du centre de développement qui y était rattaché à votre campus de Boucherville. Pourquoi ce désinvestissement ?

Sandoz Canada est née en 2004 lorsque Novartis, le fabricant suisse de médicaments d'origine, actif dans 160 pays, a décidé de se lancer dans la fabrication de médicaments génériques en réalisant l'acquisition de Sabex, qui exploitait à Boucherville une usine d'injectables génériques.

On a établi le siège social de Sandoz Canada sur le campus de Boucherville qui est devenu la plus grande usine de médicaments génériques injectables - principalement des sédatifs et de la morphine - au Canada avec 100 millions d'unités injectables par année.

En 2012, Sandoz a reçu une mise en garde de la FDA (la Food and Drug Administration américaine) sur la stérilité de trois de ses usines : celle de Boucherville et deux autres aux États-Unis. On a dû réaliser des travaux pour se conformer à la mise en garde.

C'est l'époque où Sandoz Canada a eu de sérieux problèmes à approvisionner les hôpitaux et cliniques médicales canadiens ?

Oui, tout à fait. On a connu en 2012-2013 deux années très difficiles. Notre production a chuté de 100 à 60 millions d'unités injectables. D'autres entreprises concurrentes ont dû entrer dans notre marché pour assurer l'approvisionnement de nos clients.

Par la suite, on n'a jamais été en mesure de reprendre nos anciens volumes. On a tenté de hausser la volumétrie de l'usine en cherchant à développer de nouveaux clients en Europe, mais du point de vue réglementaire, c'était trop compliqué.

L'an dernier, on a pris la décision de vendre nos activités de fabrication et on a trouvé nous-mêmes un acquéreur, la société américaine Avara, avec qui on a signé un contrat d'approvisionnement à long terme.

Qu'est-ce que cela a changé dans vos opérations et votre stratégie de marché ?

Ça nous a permis d'assurer la pérennité de l'usine et de ses 460 emplois ainsi que celle du centre de développement et de ses 60 emplois. C'est une usine de haute technologie pharmaceutique qui est assurée d'opérer pour de nombreuses années.

Avara est un fabricant sous licence qui faisait déjà des médicaments pour Merck ou Pfizer. Elle va fabriquer nos injectables génériques tout en étant capable de vendre à d'autres entreprises pharmaceutiques, ce que Sandoz Canada ne pouvait faire, ce n'était pas son mandat.

Est-ce que le mini-conflit de travail de quatre jours que vous avez connu en juin 2016 était justement lié aux problèmes que connaissait l'usine ?

Non, ce conflit était vraiment dû à une mauvaise évaluation de certains enjeux et ça s'est réglé rapidement en trois jours. D'ailleurs, s'il y a une chose, c'est qu'on cherche toujours chez Sandoz Canada à améliorer la qualité de vie au travail.

On a d'ailleurs été nommé cette année comme l'un des 35 top employeurs de la région métropolitaine de Montréal. Tous nos employés ont accès au gym, 24 heures par jour. Ils ont accès à des kinésiologues qui leur préparent des programmes d'entraînement adaptés à chacun.

Vous êtes donc maintenant redevenu une pure entreprise de commercialisation et de distribution de médicaments génériques, sans activités manufacturières ?

Oui. On source nos produits dans une vingtaine d'usines, principalement en Amérique du Nord, et on commercialise 380 médicaments génériques au Canada. On est un des plus gros joueurs canadiens dans le générique et on est le quatrième plus important marché de Sandoz au monde, derrière les États-Unis, l'Allemagne et la France.

Nos médicaments génériques injectables sont les plus utilisés au Canada. Il n'y a pas de chirurgie majeure ou mineure au pays qui ne se réalise sans l'un de nos produits. Nos autres médicaments génériques font l'objet de plus de 60 millions de prescriptions annuellement. On a 20 de nos produits qui sont parmi les 25 médicaments les plus prescrits au Canada.

À quoi se résument aujourd'hui vos activités à votre siège social de Boucherville ?

Sandoz Canada emploie 260 personnes au siège social de Boucherville où, en plus de voir aux finances, aux ressources humaines et aux affaires légales du groupe, on supervise les affaires réglementaires, l'assurance qualité des produits, le développement des affaires et où on a notre propre équipe de brevets pour le Canada.

En plus des médicaments et des injectables génériques, on a commencé à commercialiser les médicaments biosimilaires. Sandoz est le leader mondial en médicaments biologiques et a déjà développé un portefeuille d'une dizaine de médicaments.

On est aussi actif dans les produits pharmaceutiques en vente libre tels que le Salinex ou notre gamme de probiotiques sous la marque Koena.

Enfin, on a développé une quatrième activité avec les produits de spécialité, tels les timbres à hormones et, depuis tout récemment, le cannabis médical. On est la première entreprise pharmaceutique qui a entrepris de se lancer dans ce domaine.

C'était quoi, la motivation ? Profiter de la vague entourant la légalisation du cannabis récréatif ?

Non. Nos démarches sont antérieures à la légalisation du pot à des fins récréatives. Quand on a vu les chiffres qui indiquent que 300 000 Canadiens utilisent le cannabis à des fins médicales, principalement pour réduire les douleurs physiques, on a compris qu'il s'agit d'un marché important.

On a décidé de s'associer avec le producteur de cannabis médical Tilray, de Colombie-Britannique, pour commercialiser huit produits spécifiques. Il s'agit exclusivement de gouttes sublinguales et de capsules.

On vient crédibiliser la marque d'un produit de qualité puisqu'il va bénéficier des liens étroits qui nous unissent avec les groupes de pharmacies.

On veut d'ailleurs influencer les gouvernements pour qu'ils permettent aux pharmacies de vendre du cannabis médical dans leurs succursales.

Quand un médecin prend la peine de prescrire du cannabis à un patient, c'est la moindre des choses que ce dernier puisse l'acheter en pharmacie plutôt que par internet.

Photo André Pichette, La Presse

Michel Robidoux, PDG de Sandoz Canada

Photo ; Andre Pichette/La Presse-La Presse-Affaires Numéro de l'affectation : P-AFF-2018-10-22-6685 Sujet : la grande entrevue Détails : Michel Robidoux, PDG Sandoz Canada Photo ;Andre Pichette/La Presse 25-10-2018