Comme au début de chaque trimestre, La Presse reprend sa consultation avec quatre experts en répartition d'actifs. Nous leur demandons de formuler des recommandations pour faire fructifier ou pour protéger le capital d'un REER autogéré de 50 000$. Tout en expliquant les légères modifications qu'ils apportent à leur pondération, ils reviennent sur le quatrième trimestre de 2012, marqué par une poussée de plusieurs grands indices boursiers européens et émergents,mais aussi par des prises de profits et de la nervosité en Amérique du Nord.

Somme toute, 2012 a permis de générer des rendements appréciables, surtout pour ceux qui ont privilégié les actions aux titres à revenus fixes.

Les investisseurs doivent une fière chandelle aux banquiers centraux qui se sont montrés extrêmement accommodants: la plupart d'entre eux n'ont pas hésité à activer la planche à billets.

Et 2013 s'annonce de la même eau, si on se fie aux prévisions de nos experts.

Pour tirer le meilleur parti de cette manne l'an dernier, il fallait ne pas être né de la dernière pluie, comme en font foi, par exemple, les rendements du quatrième trimestre.

Le maître indice canadien, le S&P/TSX, a terminé l'année en beauté avec une appréciation de 1,9% en décembre qui lui a permis de sauver le trimestre (1,7%). Pour l'année, il augmente de 7,2%, malgré un repli au deuxième trimestre.

En comparaison, l'indice américain S&P 500 a progressé de 1,0% d'octobre à décembre, mais a bondi de 13,5% durant l'année.

En fait, la grande surprise de fin d'année a été la poussée des indices européens. «On a sous-estimé la capacité des politiciens européens de faire leur job. Ils s'étaient tellement traîné les pieds, reconnaît Michel Doucet, vice-président, gestion de portefeuille, chez Valeurs mobilières Desjardins qui a boudé ce marché. Il y avait un grand risque qu'on avait choisi de ne pas prendre.»

Vincent Delisle a eu la bonne intuition d'y placer 6% de ses billes, ce qui s'est révélé payant.

Pour l'année qui commence, il voit les choses bien autrement. Il constate une amélioration de la croissance chez les économies émergentes. Tout en rappelant que les Bourses chinoise et brésilienne n'ont rien fait qui vaille l'an dernier, il mise 16% de son portefeuille dans les marchés émergents pour commencer l'année. «Les marchés américain et européen ont déjà donné», résume-t-il.

M. Doucet abonde. «Les marchés accordent trop d'importance au taux de croissance de l'économie chinoise, explique-t-il. Depuis 2004, sa taille a gonflé de 60%. Une expansion de 6 ou 7%, ça signifie 500 milliards par année.»

Voilà pourquoi il mise aussi beaucoup sur le marché canadien, riche pourvoyeur de matières premières. Il insiste cependant: pas de petites capitalisations, que des titres solides avec dividendes.

M. Delisle croit plutôt que la Bourse américaine va encore mieux faire que la canadienne cette année, ce qui reflétera le meilleur élan de l'économie du grand voisin.

Le pari de la prudence

Nos deux autres experts abordent l'année avec une approche beaucoup plus prudente. «Le S&P 500 est en hausse depuis un bon moment déjà, rappelle François Bourdon, vice-président et chef adjoint des placements chez Fiera Capital. Depuis le 30 juin 2009, il a gagné 70% comparativement à 5% seulement pour le S&P/TSX.»

Il mise plus de la moitié de sa répartition en actions sur le marché canadien et maintient une solide pondération dans le marché obligataire, même s'il s'attend à une remontée des taux à long terme.

Stéfane Marion, économiste en chef et stratège à la Banque Nationale, se montre préoccupé par la capacité des entreprises américaines à dégager une augmentation des profits de 10% et plus, comme le prévoient la plupart des analystes. Il s'attend à une hausse deux fois plus faible. Il souligne que les résultats du quatrième trimestre, attendus à partir de la mi-janvier, refroidiront un peu les esprits tout comme la reprise du psychodrame au Congrès sur les réductions budgétaires.

«Je suis positionné pour une certaine aversion au risque, explique-t-il. Cette aversion est toujours favorable au dollar américain. Je joue sur la volatilité des marchés [qui favorise les obligations] et l'affaiblissement du dollar canadien.»

Il s'attend à ce que le huard repasse sous la parité avec le billet vert d'ici à la fin du trimestre.

Dans une situation pareille, il peut sembler curieux de placer 16% de ses billes seulement dans les actions américaines dont il attend un gain de change. C'est beaucoup, cependant, si on considère que son portefeuille de référence prévoit 10% seulement en titres américains.

Bref, la conjoncture nous montre encore une fois que gérer un portefeuille de manière responsable est un exercice difficile, voire périlleux parfois.