L'audition de la poursuite de 1,5 million de dollars de Me Jean-Pierre Desmarais contre l'Autorité des marchés financiers (AMF) devra attendre la fin du procès pénal intenté par cette dernière contre l'avocat dans le dossier de la Fondation Fer de Lance, confirme la Cour d'appel.

Le plus haut tribunal du Québec estime que «... le danger de décisions contradictoires est réel... [et qu'] une saine administration de la justice justifiait le juge de la Cour supérieure de ne pas permettre la tenue du procès civil avant le procès pénal» devant la Cour du Québec, écrivent les juges Pierre J. Dalphond, François Doyon et Jacques A. Léger dans une décision récente.

Cependant, les magistrats permettent à Me Desmarais de poursuivre en parallèle les démarches afin que sa poursuite soit entendue dès le prononcé du jugement pénal.

L'AMF a déposé 68 chefs d'accusation de placement illégal et d'exercice illégal de l'activité de courtier contre l'avocat dans l'affaire Fondation Fer de Lance. Dans un communiqué de presse émis le 26 juillet 2011, l'organisme réglementaire a expliqué que les investisseurs recrutés rencontraient un des responsables de Fer de Lance, Paul M. Gélinas, dans un bureau d'avocats montréalais et lui remettaient une traite bancaire devant être déposée dans un compte en fidéicommis. «Les investisseurs étaient rassurés par la présence et les interventions de Me Jean-Pierre Desmarais», a précisé l'AMF.

Le communiqué ajoutait que l'organisme réglementaire avait l'intention de demander une peine de prison de cinq ans moins un jour et/ou une amende totalisant 1,025 million contre l'avocat. Me Desmarais a répliqué avec une poursuite de 1,5 million, accusant l'AMF de mauvaise foi et d'atteinte à sa réputation.

Le 20 décembre 2011, le juge Pierre Tessier, de la Cour supérieure, a ordonné la suspension du recours civil de Me Desmarais jusqu'au jugement de la Cour du Québec sur les plaintes pénales.

Me Desmarais a contesté cette décision en appel. Selon lui, la poursuite civile ne joue pas dans les platebandes de la Cour du Québec - les chefs d'accusation pénaux -, mais repose sur les allégations du communiqué de presse de l'AMF et des commentaires qui ont suivi. Il n'y a donc pas de danger de décisions contradictoires, soutient-il. «II fait aussi valoir avec force que sa réputation comme avocat est en jeu et qu'il est impératif qu'un jugement la rétablisse dans les meilleurs délais alors que son procès pénal risque de traîner en longueur», résume la Cour d'appel.

Si l'analyse de Me Desmarais s'avérait, la Cour d'appel lui aurait donné raison, dit-elle, mais ce n'est pas le cas. «[La poursuite] va beaucoup plus loin, en ce que [Me Desmarais] y déclare qu'il est innocent, qu'il n'était pas soumis à la Loi sur les valeurs mobilières, qu'on l'accuse sans preuve suffisante...», dit la Cour. «... [ Il] y a un lien indéniable entre les deux dossiers et [il] y a manifestement un risque de jugements contradictoires et de multiplication inutile des procédures. Si [Me Desmarais] est reconnu coupable, il pourra difficilement continuer à plaider son innocence. Si elle est acquittée, [l'AMF] pourra difficilement continuer à contester l'argumentation de [Me Desmarais] à cet égard», ajoute la Cour d'appel.

Joint par La Presse Affaires, Me Jean-Pierre Desmarais s'est dit satisfait du jugement de la Cour d'appel, même s'il ne lui donne raison qu'en partie. «Ça va permettre de faire cheminer le dossier [civil]», a-t-il soumis. Sylvain Théberge, porte-parole, a également exprimé la satisfaction de l'AMF puisque le procès pénal aura lieu avant le procès civil, comme le réclamait l'organisme réglementaire.