«Je ne suis pas responsable de cette perte», a affirmé l'ancien courtier Jérôme Kerviel, 35 ans, lundi dès l'ouverture de son procès en appel pour une perte record de près de 5 milliards d'euros début 2008 à la Société Générale.

«Je ne suis pas responsable de cette perte», a affirmé l'ancien courtier Jérôme Kerviel, 35 ans, lundi dès l'ouverture de son procès en appel pour une perte record de près de 5 milliards d'euros début 2008 à la Société Générale.

À la question de savoir pourquoi il avait fait appel du premier jugement, qui l'avait lourdement condamné en 2010, l'ex-courtier a répondu à la présidente: «Je considère que je ne suis pas responsable de cette perte et des faits qui me sont reprochés, j'ai toujours agi en connaissance de cause de ma hiérarchie».

Il s'était auparavant présenté à la cour, se déclarant «sans profession depuis un an» et «actuellement» sans revenus.

Le jeune homme, costume bleu sombre, chemise blanche au col ouvert, seul prévenu, a pris place sur un fauteuil au premier rang de la grande salle d'audience de la première chambre de la cour d'appel, devant de nombreux journalistes mais un public clairsemé. L'audience s'est ouverte à 9h10 (3h10 à Montréal).

Le prévenu était arrivé environ une demi-heure plus tôt au palais, accueilli par une vaste cohue de caméras et photographes, accompagné de son nouvel avocat Me David Koubbi.

Au milieu d'une bousculade similaire, Me Jean Veil, avocat de la Société générale, s'est dit «surpris par le bruit médiatique que fait ce procès en appel» alors qu'il n'y a «strictement aucun argument nouveau». «Simplement, a-t-il remarqué, il est fréquent que quand il y a un avocat nouveau, si on veut être entendu, on est obligé de faire plus de bruit que son prédécesseur, c'est ce qui se passe dans cette affaire».

En première instance, en 2010, Jérôme Kerviel avait écopé de cinq ans de prison dont trois ferme et de dommages et intérêts à hauteur de la perte dont il avait été jugé seul responsable, soit 4,9 milliards d'euros, une somme impossible à rembourser.

Il lui est reproché d'avoir pris en 2007 et 2008, sans mandat et à l'insu de sa hiérarchie, des positions spéculatives hors normes sur des marchés à risque, atteignant parfois des dizaines de milliards, et d'avoir déjoué les contrôles avec des opérations fictives, de fausses écritures et des mensonges répétés.

La banque savait-elle?

Jeune homme sans histoires et d'un milieu modeste, originaire de Pont-l'Abbé (Finistère), Jérôme Kerviel admet qu'il a perdu le sens des réalités, s'étant retrouvé pris dans un «engrenage».

Mais il a toujours affirmé que son seul but était de faire gagner de l'argent à la banque et que ses supérieurs hiérarchiques cautionnaient ses méthodes.

À la barre, ses anciens chefs avaient tous nié avoir eu connaissance de ses agissements et assuré que le monde du trading n'était pas cette loi de la jungle.

Jérôme Kerviel avait alors pour avocat le pénaliste réputé Olivier Metzner, qui s'est retiré du dossier à deux mois de l'appel pour cause de divergences avec son client sur la stratégie de défense à adopter.

Il est maintenant défendu par le jeune et médiatique David Koubbi, 39 ans, qui affirme vouloir batailler pour démontrer que la banque «savait». Ayant repris le dossier fin mars, il a déposé dès avril deux plaintes contre la Société Générale.

La première porte sur une supposée escroquerie au jugement, l'avocat reprochant à la banque d'avoir omis de dire au tribunal qu'elle avait récupéré grâce à un mécanisme fiscal 1,7 des 4,9 milliards perdus. Par la deuxième, pour faux et usage de faux, l'ancien courtier accuse la banque d'avoir tronqué des enregistrements à charge.

La banque a riposté avec deux plaintes en dénonciation calomnieuse, laissant présager d'échanges tendus à ce nouveau procès, tenu encore une fois sur fond de dérives persistantes de la finance mondiale.

Depuis l'affaire Kerviel, les banques ont assuré avoir renforcé leurs contrôles, notoirement insuffisants à l'époque à la Société Générale. Mais d'autres scandales ont éclaté depuis, chez la banque suisse UBS l'année dernière ou l'américaine JPMorgan le mois dernier, apportant des arguments à la défense de Jérôme Kerviel.

Le procès est prévu jusqu'au 28 juin.